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Industrie

Peinture - En rangs -très- serrés

Publié le 30 avril 2014

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Le marché de la peinture a enregistré une nouvelle baisse en volume en 2013 et si 2014 n’annonce pas de forte dégradation, la concurrence fait donc rage dans un petit périmètre hors croissance. Dès lors, sous la pression des donneurs d’ordres, les priorités des fabricants convergent vers les services aux carrossiers, afin de gagner du temps et d’améliorer la rentabilité.

Un marché toujours orienté à la baisse

Il n’y aura pas eu de miracle en 2013 et le marché de la peinture a enregistré une nouvelle baisse en volume, estimée entre - 3 et - 6 % selon les différents fabricants, les chiffres du Cepe plaçant plutôt le curseur sur - 5 % pour la France. Cependant, le pire qui était redouté à l’issue du premier trimestre a été évité. “Le 1er trimestre avait été calamiteux, sanctionné par des baisses à deux chiffres sur tous les marchés européens, mais nous avons ensuite pu bénéficier d’une légère reprise”, indique Emmanuel Delorme, responsable des ventes de Lechler France. Mais pour Bernard Lanne, président de PPG Industries France, “cela reste tout de même un nouveau retrait significatif”. Et de rappeler qu’au cours des huit dernières années, le marché, en volume s’entend et non en valeur, s’est effondré de l’ordre de 30 %. Un constat partagé par Jean-Claude Bartnicki, président d’Axalta Coatings Systems France, qui apporte aussi la précision suivante : “Il convient néanmoins de ne pas prendre ce chiffre comme une valeur absolue, car les nouvelles technologies et les nouvelles générations de produits utilisés participent aussi grandement de la chute des volumes. En valeur, nous ne sommes d’ailleurs heureusement pas du tout dans les mêmes proportions”.

Pas d’emballement par ­rapport à l’activité en 2014

Dans la foulée de la reprise enregistrée au long de 2013, le premier trimestre 2014 s’est caractérisé par un dynamisme de surcroît plutôt marqué, malgré la quasi absence d’hiver. “Cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé, mais nous notons une progression chez les distributeurs comme chez les carrossiers”, confirme ainsi Erwan Baudimant, responsable national des ventes de Glasurit, relayé par Bernard Lanne qui appelle cependant à la prudence : “Il est vrai que le premier trimestre a été très porteur, allant même au-delà nos prévisions. Mais je pense qu’il ne faut pas s’emballer pour autant. D’une part, parce que de nombreux distributeurs avaient des stocks à un niveau très bas à fin 2013 et que cela a notamment “gonflé” les volumes de janvier. D’autre part, parce que l’activité dans les ateliers de carrosserie reste à un niveau assez bas”. Un bémol sur lequel renchérit Philippe Huet, directeur des ventes de R-M France : “Le planning de remplissage de nombreux ateliers n’est pas consolidé sur le long terme”, tandis que Stéphane Rota, chef de marché Ixell au sein de la Sodicam pointe, lui, “de fortes disparités selon les régions”. Ce dernier préfère toutefois considérer que le verre est à moitié plein, “la centaine de nos collaborateurs qui tournent sur le terrain ne nous remontant pas d’inquiétude majeure”. Franco Caracciolo, directeur commercial France et Afrique du Nord d’Akzo Nobel Automotive et Aerospace Coatings, abonde dans ce sens en estimant que “l’élan ressenti ces derniers mois devrait se confirmer cette année”.

Le sablier et la bourse comme juges de paix

D’une manière générale, tous les acteurs tombent d’accord pour dire que le marché ne retrouvera pas son lustre d’antan, pour plusieurs raisons. Au-delà des progrès des produits, il faut composer avec la tendance lourde de la baisse de l’accidentologie, ainsi qu’avec la crise économique qui dure et ses effets insidieux sur le pouvoir d’achat, plus marqués aujourd’hui qu’après la déflagration de 2008. En fait, on peut oser un parallèle avec le marché du VN et on sait que le point bas actuellement atteint tendra à devenir la norme, les volumes d’avant-crise étant révolus. Cela ne signifie naturellement pas que le marché est statique et la concurrence est même plus âpre que jamais, y compris sur le front de la guerre des prix, tout en sachant que les parts de marché ne peuvent plus que se grignoter. En fait, en se référant aux entretiens que nous ont accordés les dirigeants des fabricants de peinture, on constate que tout le monde s’évertue à améliorer son efficacité au service des gains de temps, sans altération de la qualité des travaux, cela va de soi, et d’une meilleure rentabilité des ateliers. Le sablier et la bourse comme juges de paix. Soit un travail sans cesse remis sur l’ouvrage, conditionné par une extrême rigueur, surtout que personne n’annonce une révolution technologique susceptible de chambouler le marché.

Incontournables donneurs d’ordres

Le tout, sous la supervision sans état d’âme de colossaux donneurs d’ordres qui cherchent à accentuer l’orientation des flux, tout en ménageant l’équilibre qui les sert entre constructeurs et indépendants. C’est précisément sous cette ombre portée que de nombreuses choses pourraient se jouer. C’est d’ailleurs ce que nous confiait récemment Erwan Baudimant : “Avec la crise, les fabricants ont dû faire des choix et aujourd’hui, nous ne sommes plus tous sur le même quai ni dans le même train. Il y a ceux qui soutiennent le carrossier avec les donneurs d’ordre et ceux qui soutiennent les donneurs d’ordre. Cet écart aura des conséquences à l’avenir”. Bernard Lanne ne dit pas autre chose : “Les accords avec les donneurs d’ordres allant se généralisant, nous sommes entrés dans un nouveau business-model. Le risque de perte d’indépendance pour les carrosseries existe, mais un chef d’entreprise ne doit-il pas avant tout privilégier l’intérêt de sa société ?”, avant d’avancer une hypothèse : “Quand on voit que certains assureurs réfléchissent à créer des franchises qui seraient leur émanation directe, on peut envisager une forme de révolution culturelle”. A l’instar de Franco Carocciolo, Jean-Claude Bertnicki ne croit pas vraiment à cette évolution : “Au-delà des prérequis incontournables que ce sont la satisfaction du client final et les coûts de réparation maîtrisés, tous les assureurs n’ont pas les mêmes priorités ni la même approche du marché. En outre, l’attachement des chefs d’entreprises à leur indépendance constitue un frein qu’il n’est pas aisé de lever”.

La concentration suit son cours

Par ailleurs, deux autres tendances caractérisent le marché : la concentration progressive des carrossiers et l’essoufflement de la tentation du discount sur internet. “La réduction du nombre de carrosseries se poursuit, avec plus de fermetures, voire de défaillances, de sites et un niveau de créations d’ateliers constant. Sur ce point, on voit deux cas de figure chez les indépendants : le carrossier qui a déjà un ou deux ateliers et qui en crée un nouveau pour étendre sa zone de chalandise et des repreneurs d’affaires vieillissantes, souvent des petites structures. En somme, la concentration suit son cours, mais à une cadence plus modérée que ce qui avait été dit à une période”, explique Philippe Huet. Il ajoute que la redistribution des cartes dans les réseaux constructeurs relève davantage d’une logique financière et que son impact sur le marché est donc limité. En revanche, aucun acteur n’imagine la France

épouser, à terme, le modèle allemand ou anglais. D’une part, parce que la géographie française a ses spécificités et d’autre part, parce que les réseaux constructeurs font valoir plusieurs niveaux, dont celui des agents. Enfin, le développement de produits à prix cassés sur internet, qui avait pu inquiéter certains acteurs il y a deux-trois ans, semble avoir fait long feu. “Le phénomène existe, on ne peut pas le nier, mais il ne progresse plus et je pense qu’en l’état actuel des choses, il ne peut pas dépasser 5 à 10 % du marché”. Un pourcentage qui concerne essentiellement les indépendants et qui inclut les consommables. En effet, la peinture, produit semi-fini, nécessite un accompagnement et se prête peu à la vente sèche.
 

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