“Nous devons capitaliser sur la force de notre marque, dans tous nos messages”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment s’est déroulée votre arrivée au sein de Continental ?
ADRIEN EYMARD. J’y suis entré il y a un peu moins d’un an. En général, le groupe utilise la promotion interne pour ce type de poste, mais à cette époque, Serge Bonnel, directeur général, a cherché à recruter en externe pour apporter une vision consommateur de la gestion de marques au sein du groupe. Il y a eu immédiatement un bon feeling, même si je ne connaissais rien au pneu, et que j’avais des réflexes tout à fait différents.
JA. Qu’avez-vous trouvé en entrant dans l’univers du pneumatique ?
AE. J’ai découvert une équipe bien en place, structurée, avec des profils très différents, mais tous très opérationnels. Une équipe qui a su mettre en place une belle présence dans les réseaux de distribution, et qui entretient une excellente relation avec les clients. J’ai aussi remarqué que tout le monde restait marqué par 2009 et la fermeture du site de Clairoix. Ce passage est d’ailleurs toujours dans la tête des clients et des consommateurs. Cela peut paraître étonnant six ans plus tard, mais nous n’avons peut-être pas suffisamment pris la parole à l’époque, pour communiquer sur les investissements que nous réalisons en France.
JA. Quelle est votre mission telle que définie à votre arrivée ?
AE. Comme je le disais plus haut, le premier étage de la fusée est posé, les équipes sont opérationnelles, avec de bonnes relations avec les clients. Certes, nous pouvons encore nous améliorer sur certains segments, certains canaux…, mais globalement, nous maintenons notre place de numéro 2 en France… Maintenant, il faut enclencher une seconde étape dans la stratégie marketing, qui consiste à accélérer la demande de nos produits sur le point de vente.
JA. Pouvez-vous préciser ?
AE. Nous avons su faire reconnaître nos produits par les distributeurs et négociants spécialistes, grâce à la gamme, la qualité, le sponsoring… Et nous leur avons également apporté du business. Désormais, nous voulons mieux comprendre le consommateur et la relation qu’il a vis-à-vis de notre marque, afin de définir une stratégie de communication, et ainsi augmenter notre “part d’esprit”. Il s’agit que le consommateur demande lui-même Continental. Ce qui revient à développer un attachement à la marque. C’est ma priorité. Par ailleurs, nous ne négligerons pas le Sell-in. Nous allons nous attacher à développer les services, revoir la présentation des produits aux clients dans les points de vente…, et accompagner nos partenaires dans le développement de certains segments… Si nous parvenons à déployer ces deux axes au plan stratégique, nous pourrons nous battre avec les meilleurs du secteur.
JA. Comment le marketing et votre action peuvent-ils aider à faire gagner des parts de marché sur un secteur aussi concurrentiel ?
AE. En marge de la stratégie de distribution, qui fonctionne globalement, nous disposons d’autres leviers marketing, et je souligne qu’une stratégie de prix low cost n’en fait pas partie, car nous garderons notre statut de marque Premium. La différence se fera sur la communication, que nous allons renforcer vers le consommateur final. Dans les années qui viennent, nous serons beaucoup plus actifs sur le sujet.
Au plan de la stratégie média pure, quand je regarde où se situe notre construction de marque, les grands médias qui construisent la notoriété (TV, etc.) ne m’apparaissent pas primordiaux. En revanche, nous devons développer l’image de la marque, pour entrer vraiment dans l’esprit du consommateur. Et, pour cela, avant de nous lancer, nous allons définir précisément les messages à passer.
JA. Comment allez-vous y parvenir ?
AE. Depuis quelques mois, j’ai lancé en France une étude auprès des consommateurs sur le marché, cela afin de savoir quels leviers actionner. Dès les résultats compilés et analysés, nous affinerons la stratégie média, la stratégie RP… Je dois aller vite car, en 2016, la France accueillera l’Euro de football, une plate-forme d’exposition considérable pour nos marques. Présenter Continental à des dizaines de millions de téléspectateurs, c’est une formidable opportunité, qui constitue le plus gros axe pour développer la préférence de marque.
JA. Dans le développement de la marque, les constructeurs ont-ils leur place ?
AE. Notre forte présence en première monte constitue en effet un axe sur lequel nous commençons à communiquer, et l’Allemagne prenait jusqu’à présent beaucoup de précautions sur le sujet. Je suis convaincu que si un manufacturier est présent chez un constructeur avec un travail de fond, sur la durée, cela démontre son expertise et crée de la confiance auprès du consommateur. On ne parle pas dans ce cas d’un fabricant qui parvient à remporter une homologation première monte en faisant un “coup” grâce à un prix et à la pression que mettent les constructeurs sur ce paramètre.
Continental est bien positionné chez les constructeurs allemands notamment, et l’image de qualité des constructeurs outre-Rhin est très bénéfique pour nous, également pour rappeler que nous aussi sommes allemands, et capitaliser sur cette image de qualité. Nos origines sont encore trop méconnues en France chez les consommateurs.
JA. Le tout nouveau réseau Best Drive, que Continental déploie en ce moment, constitue-t-il une opportunité ou un danger dans votre stratégie ?
AE. Nous souhaitons une gestion de distribution équilibrée au sein de Best Drive. Ainsi, nous ne demanderons pas au réseau de faire 80 % de CA en marques du groupe. Bien entendu, ils ont la mission de bien travailler ces marques, mais tous les manufacturiers seront présents, de la même manière que nous sommes présents dans les autres réseaux appartenant parfois à nos concurrents. En revanche, nos compétiteurs sont attentifs à la façon dont nous tiendrons nos marques dans le réseau. Ils veulent s’assurer que nous ne casserons pas l’image du pneu Continental car, finalement, ils le vendent aussi !
De ce côté, je peux les rassurer, je rappelle que Best Drive est un client avec lequel nous négocions comme avec un autre, dans le respect de notre politique de tarifs. Nous sommes un manufacturier Premium, parce que nous sommes dans le marché avec Michelin et d’autres. Si nous ne maintenions pas cela, nous écornerions l’image de la marque, ce qui se révélerait contraire à notre stratégie. Dans le respect de notre politique de prix.
JA. Best Drive sera-t-il alors utilisé pour cette fameuse stratégie de marque ?
AE. Clairement, nous avons pour ambition d’utiliser le réseau comme une vitrine, ce sera un réseau Premium affirmé. Et il est évident que, du point de vue marketing, nous essaierons des choses sur le réseau. Je pense notamment qu’il y a une véritable réflexion à mener concernant l’expérience client sur le point de vente. Je viens de l’industrie où les réflexions sont très puissantes sur le sujet. Bref, Best Drive constituera un bon incubateur. Par exemple, sans rien dévoiler, certains modèles de distribution dans le bricolage (GSB) sont à étudier…
JA. Internet, opportunité ou danger pour vous ?
AE. Le canal Internet représente aujourd’hui 3 millions d’enveloppes à l’année. Je ne peux donc pas fermer les yeux sur le phénomène. Il faut simplement définir une stratégie pour s’y positionner au bon moment, au bon endroit. Un patron de Procter&Gamble disait que la stratégie gagnante, c’est d’être là quand on a besoin de vous. Cela peut paraître simpliste, mais c’est la base de la réflexion. Si le consommateur se rend sur le Net, je me dois d’y être. Je n’ai pas de barrière par rapport à ça. Après, certains acteurs sont devenus puissants et essaient de créer plus de valeur que d’autres autour du pneu, et nous pouvons travailler ensemble dans ce cadre. Il y a notamment toute une réflexion à mener sur la partie Brand Content, que nous devons mettre en ligne. Je ne dissocie pas la partie e-business de la partie digitale pure liée à la marque.
JA. Vous semblez disposer d’une grande autonomie, mais les attentes semblent également importantes.
AE. Je ressens une vraie volonté de continuer le développement, c’est certain. Parfois, dans les grands groupes, les changements attendus peinent à se matérialiser, avec l’inertie hiérarchique. Mais chez Continental, mes premières recommandations se sont concrétisées très vite, avec Serge Bonnel, mais également avec l’Allemagne, preuve qu’ils voulaient vraiment nous laisser les coudées franches. Je suis donc très optimiste. Malgré tout, il faut enclencher les choses rapidement. Par exemple, sur la partie Sell-in, nous allons devoir nous montrer rapidement en ordre de marche avec le nouveau réseau, alimenter les points de vente, sans négliger les autres clients qui nous font confiance…
JA. Pouvez-vous mettre en place des synergies en termes de communication et de marketing, avec les autres branches du groupe ?
AE. Cela faisait partie des interrogations que j’ai soulevées et que nous avons soumises aux consommateurs, lors de l’étude. Il s’agissait de savoir si communiquer sur l’expertise globale du groupe changerait la perception par rapport au produit pneu, ou développerait une attractivité spécifique. Et, en fait, il s’avère que marteler au consommateur l’importance du groupe, sa puissance, ne suffit pas. En revanche, quand on commence à lui expliquer les technologies, notre expertise globale, toujours en lien avec le pneumatique, cela résonne un peu plus dans son esprit. Cela peut donc constituer l’un des axes de communication à l’avenir.