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Industrie

"Nous allons utiliser les usines première monte de Delphi pour fabriquer de nouvelles références pour la rechange"

Publié le 7 novembre 2011

Par Hervé Daigueperce
11 min de lecture
Sur Equip Auto, Lucia Veiga Moretti, présidente de Delphi Solutions Produits & Services (DPSS), nous a livré les grandes lignes de sa stratégie après-vente. Une stratégie pensée depuis longtemps et qui fait l’unanimité du groupe aujourd’hui.
Lucia Veiga Moretti, présidente de Delphi Solutions Produits & Services (DPSS).

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. En tant que nouveau président monde de Delphi pour la rechange, vous avez rallié maintenant le siège américain. Est-ce que le fait d’avoir vécu en Europe vous permet d’envisager la rechange mondiale autrement qu’un américain ?
Lucia Veiga Moretti.
Comme je suis maintenant française et brésilienne, je vois les choses un peu différemment. Une société globale doit avoir un siège mondial, en revanche, je ne crois pas qu’il en existe véritablement un pour l’aftermarket. Bien sûr, pour la gestion pure de la division, et pour le lien avec les autres départements, il m’appartient d’être au siège, mais une décision pour la Chine, pour le Brésil ou pour l’Europe ne peut pas émaner d’un bureau américain. Les stratégies autour de l’axe général doivent être insufflées au niveau régional. Les choses sont beaucoup plus globales que je ne l’imaginais. Depuis que je vois l’ensemble des régions du monde, je me rends compte que la globalisation, ce n’est pas une idée, ce n’est pas une stratégie, c’est très présent dans notre travail de chaque jour.

JA. Comment se traduit, dans les faits, cette globalisation permanente et très rapide ?
LVM.
Prenons l’exemple des clients américains. Ils possèdent beaucoup de voitures très différentes, et c’est à nous de leur fournir les pièces, quelle que soit leur provenance. Notre travail consiste à coordonner, de façon mondiale, nos actions et d’établir un système qui permette d’avoir la pièce pour la voiture qui roule ici. Je mets tout en œuvre pour que ce service permanent se transforme en stratégie, afin que les liaisons entre toutes les régions du monde soient facilitées et que les clients bénéficient de notre soutien où qu’ils soient. Cela suppose de gros investissements que le groupe est déjà en train de réaliser. En restant en Europe, je n’aurais pas pu avoir cette vision beaucoup plus globale.

JA. La question qui se pose, lorsque vous évoquez la globalisation, ne repose-t-elle pas sur une harmonisation d’un service, d’une maintenance, or comment peut-on y arriver avec des technologies aussi pointues que Delphi conçoit en première monte ?
LVM.
Ce n’est pas facile, mais relève, premièrement, d’une organisation et d’un investissement concrets dans le système interne. Nous devons savoir, pour chaque pièce fabriquée pour Delphi, pour quelle plate-forme et pour quel véhicule, - grâce au code Vin (Vehicle Identification Number), elle a été conçue. Cela peut paraître évident, mais, dans beaucoup d’organisations première monte, les liens avec l’aftermarket, n’existaient pas ou plutôt, n’avaient pas de correspondance. Cette liaison est capitale, parce qu’il y a beaucoup de pièces Delphi dont nous n’avions pas connaissance en rechange alors que le groupe les fabriquait. Et l’aftermarket travaillait énormément pour connaître leur disponibilité et les associer avec les codes Vin. Maintenant le système, le processus, est en place. Cela devient beaucoup plus facile.

JA. Puisque vous détenez les informations sur les pièces fabriquées et les codes VIN, vous avez réalisé le gros du travail, que reste-t-il à améliorer ?
LVM.
Tout n’est pas aussi simple. Quand une voiture est importée d’Europe au Brésil, la suspension change. Les conditions routières n’étant pas les mêmes, les pièces doivent être adaptées, nous devons le savoir et apporter une solution. C’est pour cela que nous disposons d’un grand nombre d’ingénieurs dans le groupe et que nous poursuivons nos investissements dans le domaine. Nous avons, ainsi, initié un joint-venture avec Teknorot, fabricant de systèmes de direction et de suspension, avec lequel nous allons créer une usine totalement dédiée à la rechange. Cette alliance nous permet de valider et de contrôler la qualité de la pièce, tout en garantissant sa disponibilité aux clients.

JA. Vous travaillez ainsi à accroître le portfolio de DPSS en augmentant les compléments de gammes ?
LVM.
Nous travaillons déjà beaucoup avec de nombreux systémiers et équipementiers de première monte en compléments de gamme. Ce qui change, aujourd’hui, c’est que la division aftermarket de Delphi aura sa propre usine.

JA. Est-ce que la crise ou la catastrophe au Japon, n’incitent pas les grands équipementiers à davantage organiser leur rechange, afin de mieux réguler la disponibilité des produits pour leurs clients ?
LVM.
Non, ce n’est pas lié à ces phénomènes. Cela fait partie d’une stratégie, depuis que nous avons défini le portefeuille pour l’aftermarket. Ce n’est pas à cause de la crise, que nous n’avons, d’ailleurs, pas ressentie chez Delphi au niveau de l’après-vente. Cela correspond à une stratégie d’expansion, de développement du portefeuille produits. Nous avons choisi six produits que nous allons produire chez Delphi. C’est le concept de “plant inside a plant”. Nous allons utiliser les usines de Delphi première monte pour fabriquer les produits que Delphi n’a pas en première monte. Bien sûr, cela ne s’arrête pas là, nous avons également un joint-venture avec Roulunds qui s’appelle AFT, Alliance Friction Technologies. Maintenant, avec Teknorot, nous avons, AST, Alliance Steering Technologies.

JA. Autrement dit, vous allez utiliser les sites de production de Delphi pour développer vos propres produits aftermarket ?
LVM.
Exactement. Par exemple, nous fabriquons les pompes à carburant en un très grand nombre de références pour la première monte. Et nous allons faire fabriquer dans ces mêmes usines des pompes à carburant pour des applications nouvelles que Delphi ne faisait pas à l’origine. Nous avons, ainsi, sélectionné, six familles de produits que nous allons développer, de cette façon, pour la rechange, en les faisant fabriquer par nos propres usines.
JA. Pourquoi développer une gamme de produits aftermarket, alors que la première monte vous en fournit déjà un large éventail ?
lvm. Delphi fabrique les produits et dispose des compétences d’ingénierie pour pourvoir élargir l’offre en rechange, et la couverture du parc dans le monde, pourquoi ne pas en profiter ? Si j’ai souhaité le joint-venture avec Teknorot, c’est parce que nous n’avions pas ce type de compétences en interne. Cela suppose beaucoup d’investissements, notamment en électronique, mais les résultats que nous avons déjà obtenus ainsi, en produits électroniques ou de climatisation par exemple et en général, parlent en ma faveur.

JA. Vous inviter ainsi dans les sites de production première monte pour faire fabriquer de nouveaux produits pour la rechange ne doit pas vous attirer d’amis chez les directeurs de sites…
LVM.
Détrompez-vous. J’ai montré les résultats qu’on a obtenus, et puisque j’avais déjà commencé, en tant que responsable pour l’Europe, cela a généré beaucoup d’appels pendant la crise. On me demandait “qu’est-ce que je peux faire ?”. C’était et c’est une stratégie payante. En clair, ce que nous avons fait, a consisté, déjà, à définir les produits que Delphi travaillait, son portefeuille et de mettre tous les produits que Delphi fabrique aujourd’hui, à la disposition de l’aftermarket. Parce que mon travail consiste à trouver le produit et à concevoir le système pour que les produits soient disponibles. Mais, après avoir réalisé cela, je me suis heurtée à une limite de croissance. Ce qui a donné lieu à une grande discussion, afin de convaincre l’organisation globale sur ce thème : Pourquoi ne développons-nous pas chez Delphi des produits pour l’aftermarket pour attirer d’autres clients ?

JA. Et vous avez eu gain de cause pour lancer le groupe dans ce challenge ?
LVM.
J’ai éprouvé un grand plaisir de voir le président, mes collègues, les responsables des sites de production, désireux de participer à cette aventure. Maintenant, tout le monde souhaite discuter avec moi ! Et c’était la preuve que l’aftermarket est un business stratégique important et qu’il fallait décider
et investir pour le développer. Auparavant, ce n’était pas la priorité, parce qu’il y avait beaucoup d’autres choses à faire chez Delphi. Mon prédécesseur a beaucoup travaillé pour montrer à l’organisation, l’importance de l’aftermarket. Maintenant tout le monde la connaît. Et nous avons pu passer à l’étape supérieure.

JA. Dans quelles régions du monde comptez-vous investir ?
LVM.
Tout dépend des produits en aftermarket, mais je peux citer le Mexique, le Brésil, l’Asie, ou encore l’Europe de l’Est. Mais ce sont toujours des usines Delphi.

JA. Et en termes de distribution de ces produits, avez-vous défini des axes privilégiés pour les nouveaux produits rechange de Delphi ?
LVM.
Nous avons déjà notre place dans la distribution de toutes les régions, nous voulons vraiment représenter une part plus importante, plus significative dans le business de chaque distributeur avec lequel nous travaillons.

JA. Investir ce n’est pas seulement dans la qualité du produit, c’est aussi dans les services que vous mettez autour, vous avez évoqué l’acquisition d’Hartridge, cela en fait partie ?
LVM.
Nous avons acquis, il y a quelques mois, en mai 2011 précisément, Hartridge, une société qui fabrique des injecteurs Common rail et des outils de diagnostic. Ce sont toutes les machines qui sont nécessaires dans les Centres Delphi. Cela nous permet de mettre en place une stratégie très importante. Nous avons 12 millions de systèmes Common rail fabriqués par Delphi dans le parc automobile. Les spécialistes Diesel Common Rail ne pourront pas gérer à eux seuls toutes les opérations du parc automobile Diesel. L’idée, c’est de créer les Delphi Service Centre, qui vont disposer des outils pour faire les diagnostics de base Diesel et pour réparer quand il s’agit d’un simple remplacement. Si le problème s’avère plus délicat, le Delphi Service Centre sera immédiatement en liaison avec le réseau d’experts Diesel Delphi, qui ont la possibilité, avec les équipements d’Hartridge, d’intervenir à tous les niveaux jusqu’aux plus sophistiqués. L’acquisition a donc véritablement été capitale pour nous car, il était de notre responsabilité, de trouver une solution pour les 12 millions de voitures disposant de Common rail.

JA. Votre organisation en satellites concerne-t-elle aussi les garagistes ?
LVM.
Avec les Delphi Diesel Service, nous nous adressons aussi aux garagistes, qui pourront avoir, à leur disposition, le Delphi Diesel Linked Diagnostic, leur permettant de relier le diagnostic avec l’information technique. Mais aussi, avec les catalogues électroniques des distributeurs. Je souhaite que le garage achète la pièce Delphi, mais l’outil se veut plus large, et si le garagiste veut acheter la pièce de quelqu’un d’autre, il le peut. L’outil va, ainsi, être lié avec TecDoc. Nous sommes en train d’élaborer un partenariat avec des distributeurs, pour développer le système, qui doit nécessairement être mis en place et personnalisé par nos ingénieurs pour le distributeur. Si les distributeurs ont leur propre catalogue, ils peuvent le lier avec le diagnostic et les informations techniques.

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QUESTIONS À - Steven A. Kiefer - Président Delphi Powertrain Systems

Journal de l’Automobile. Est-ce difficile pour les présidents des divisions première monte d’accéder aux demandes de l’aftermarket ?
Steven A. Kiefer.
Ce n’est pas difficile, c’est une démarche très naturelle qui reflète l’évolution, le cycle de vie d’un produit de notre activité. Les produits que nous fabriquons, pour la première monte, sont très complexes et il est naturel que nous les mettions à la disposition de la rechange. Parallèlement, nous sommes convaincus que Delphi est le plus à même de fabriquer d’autres produits pour le portefeuille rechange de Delphi qu’un autre, du fait même de son savoir-faire dans ces familles de produits complexes. (“Nous allons développer, en dehors de ces six premiers produits, d’autres familles. Pour l’instant, c’est une première dans le groupe et Steve Kiefer a tout de suite été d’accord”, Lucia V. Moretti)

JA. Avez-vous les capacités de production nécessaires pour répondre à cette nouvelle demande ?
SA.K.
En général, nous avons des capacités de production, qui peuvent admettre de nouvelles commandes, de nouveaux développements. Plus précisément, nous pouvons réaliser les investissements nécessaires dans nos sites pour que cela soit possible. Par ailleurs, notre organisation a été conçue pour que l’outil de production soit flexible et que l’on puisse gérer dans le planning, des montées en puissance, quand c’est nécessaire.

JA. Pensez-vous à la rechange lorsque vous développez de nouveaux produits très complexes ?
SA.K.
Quand nous commençons à travailler un produit pour la première monte, nous envisageons tout son cycle de vie et même jusqu’au remanufacturing. Et pour être tout à fait complet, nous intégrons, dès le départ, les volumes que représente l’après-vente dans nos processus, et la souplesse que nous devons avoir pour accompagner les acteurs de la rechange.

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