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Industrie

“Le plan stratégique de NTN-SNR place l’innovation comme vecteur de sa croissance future”

Publié le 9 septembre 2015

Par Hervé Daigueperce
9 min de lecture
Depuis quelques mois à la tête de NTN-SNR Europe, Alain Chauvin installe le nouveau plan stratégique triennal. Une opportunité pour mieux le connaître et faire le point sur l’équipementier franco-japonais.

journal de l’Automobile. Appartenir au sérail constitue-t-il une condition sine qua non pour présider aux destinées de “la maison des ingénieurs” NTN-SNR et pour capter la confiance de ses membres ?

Alain Chauvin. Ce n’est pas une condition sine qua non, mais cela peut constituer un plus pour être connu et accepté par l’entreprise. D’ailleurs, avant Didier Sepulchre de Condé auquel je succède, et qui était, comme vous dites, “du sérail”, tous les présidents étaient nommés par l’ancien actionnaire Renault. Aujourd’hui, nous devons y voir une volonté des dirigeants du groupe NTN de s’appuyer sur le management “ex-SNR”, qui était en place dans l’entreprise. Nous y voyons aussi un signe de confiance, puisque le président étant nommé par l’actionnaire, il valide, en quelque sorte, le parcours des sept ans que nous venons d’effectuer dans le groupe NTN.

 

jA. Si l’on regarde votre parcours, comment définiriez-vous votre spécialisation dans le groupe ?

AC. Depuis 34 ans, mon parcours se veut plutôt industriel. J’ai commencé par la technique, en travaillant dans les bureaux d’études, une fonction tournée autour des produits, des process, des procédures. Après ces quelques années “techniques”, j’ai œuvré au niveau de la production avant de prendre des postes de direction : division précision Aéronautique (y compris le commercial), direction commerciale Industrie première monte et distribution, direction industrielle (à l’entrée de NTN) puis direction générale, pour laquelle j’étais l’adjoint de Didier Sepulchre de Condé depuis 2011. La mobilité interne s’avère un axe fort de la politique de ressources humaines de l’entreprise et nous pensons, d’ailleurs, que c’est un facteur de fidélisation du personnel, comme en atteste la faiblesse du “turn-over”. Il faut mentionner que nous sommes très attachés à la composante métier, c’est-à-dire développer les compétences en interne, qui constituent les atouts de l’entreprise. Ce qui ne nous empêche nullement d’intégrer de nouveaux collaborateurs venus d’ailleurs, et forts d’autres expériences.

 

jA. Comment se porte la maison Europe, dont vous venez de prendre la présidence ?

AC. Nous avons réalisé une croissance intéressante de 5 %, (moyenne de nos activités l’année dernière), en 2014 et nous devrions obtenir des résultats similaires en 2015. Nous sommes donc plutôt dans une dynamique de croissance compte tenu des difficultés conjoncturelles. Plus largement, au niveau du groupe Europe, nous sommes en plein développement, grâce à l’addition des quatre activités, l’Automobile, l’Industrie, le Ferroviaire et l’Aéronautique. Toutes n’étant pas logées à la même enseigne. Nous avons eu, par exemple, une année difficile en rechange auto en 2014, liée aux marchés russe ou brésilien, mais nous en sortons. Nous bénéficions par ailleurs du regain de l’industrie automobile européenne et de nouvelles parts de marché en automobile, avec des produits nouveaux à plus forte valeur ajoutée.

 

jA. Quels sont les axes stratégiques que vous comptez développer ?

AC. Notre axe principal pour les roulements, porte sur la réduction de CO2, c’est-à-dire la réduction de frottements, des couples, l’allégement des produits, que l’on obtient par des matériaux plus performants et aussi par le design, la géométrie interne, etc. Nous travaillons aussi beaucoup sur la fiabilité des produits, comme lorsque nous nous attaquons à de nouveaux marchés comme l’éolien. Nous portons nos efforts également sur le service et le diagnostic en industrie (le TCO). Dans un autre cadre, nous démarrons le nouveau plan stratégique triennal Europe pour emmener l’entreprise vers notre vision 2025, un plan que nous déployons avec toutes nos équipes en Europe. Un beau challenge pour un nouveau président !

 

jA. Le partage du monde initié après le rachat continue-t-il de se construire ? Plus généralement, avez-vous les coudées franches en Europe ?

AC. Notre périmètre comprend l’Europe, l’Afrique et, historiquement, une partie de l’Amérique du sud, parce que nous avions déjà des équipes en place et des implantations industrielles. Ce périmètre n’a pas vocation à changer, même si nous assisterons à quelques ajustements de “frontière”. Nous sommes, d’une manière générale, attentifs à maintenir un équilibre entre, d’une part, des zones plutôt matures dans lesquelles la croissance ne pourra se faire que par l’innovation ou la diversification, et, d’autre part, des zones à fort potentiel de croissance.

 

jA. Quand pourra-t-on écrire que SNR (ou NTN-SNR Europe) portera en totalité la division Rechange ? (en plus de ses activités première monte).

AC. Notre influence dans le groupe au niveau de la rechange automobile s’avère très présente et notre leadership reconnu. Pour nos équipes, obtenir l’animation globale de la rechange Automobile pour le groupe répondrait à une réelle ambition, mais nous n’en sommes pas encore là. Notre mission consiste déjà à développer toutes les synergies possibles avec NTN Japon, y compris en matière de rechange automobile.

 

jA. Votre taille est-elle suffisante pour lutter face à la mondialisation ?

AC. Si nous prenons l’automobile comme accroche, NTN-SNR est reconnu comme leader mondial du roulement de roues, quand SNR avait déjà une forte position européenne sur ce roulement. En outre, nous n’avions que très peu d’applications communes, ce qui s’est présenté comme un atout supplémentaire. Le groupe dispose donc d’une bonne dimension pour se développer dans l’industrie automobile mondiale aujourd’hui.

 

jA. Cependant, l’émergence de géants constitués par les récentes grandes concentrations ne vous obligera-t-elle pas, vous aussi, à embrayer le pas des concentrations ? Pourrez-vous rester mono-produits ?

AC. Au niveau roulements, les concentrations ont déjà eu lieu et, par ailleurs, dans le groupe, nous développons deux grosses activités : l’activité roulement et l’activité transmission. Sur la première, nous sommes n° 3 mondial, et n° 2 pour la seconde, ce qui signifie que nous sommes en position de leaders en tant que multi-spécialistes et non en tant que mono-produits. Et nous n’avons pas vocation à devenir généralistes.

jA. Vous avez hérité du Continent le moins porteur aujourd’hui, l’Europe. Comment remédier à tous ses maux ? Savez-vous faire du “bas coût” ? Comment lutter contre les concurrents asiatiques (de seconde catégorie) avec du produit à prix de marché européen ? Ou comment servir des marchés “low-cost” comme la France avec des produits sophistiqués ?

AC. Nous sommes conscients que l’Europe ne se présente pas comme la zone des fortes croissances à venir ! Cependant, dans cette zone, nous avons “hérité” de pays riches en croissance potentielle. C’est pourquoi nous nous concentrons sur ces pôles auxquels nous apportons les ressources nécessaires pour capter le plus de développements possibles. En ce qui concerne l’Europe au sens large, nous privilégions l’innovation technologique, qui s’avère, toujours, notre principal atout auprès des constructeurs mondiaux les plus innovants, comme auprès des industries aéronautiques ou leaders dans d’autres secteurs. Incontestablement, l’innovation est un de nos moteurs de développement, y compris dans le groupe NTN-SNR au global. Je ne sais pas ce que signifie “faire du low cost”, il m’appartient en revanche, d’atteindre l’objectif fixé par les clients et de réaliser le profit suffisant pour développer l’entreprise. Lorsque nous réfléchissons à une implantation, nous l’envisageons de manière globale, en intégrant les coûts de production, les coûts logistiques et les impératifs de proximité.

jA. Vous bénéficiez d’un atout rare, celui de vous appuyer sur des usines en Europe de l’ouest, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’il est impensable de produire en Europe et encore moins en France. Comment faites-vous ?

AC. Nous continuons d’investir dans les usines françaises, mais en effectuant des choix raisonnés, tenant compte de paramètres. Nous travaillons beaucoup, en Europe, sur l’automatisation, la robotisation et les produits à plus forte valeur ajoutée, correspondant à notre marché ! Ce sont des préoccupations récurrentes que nous partageons également avec nos fournisseurs. Et je ne vous apprendrais pas que, lorsqu’un groupe possède 80 sites de production, la concurrence entre ces derniers existe bel et bien au niveau mondial.

jA. L’innovation technologique qui porte votre groupe continue d’être prééminente. Disposez-vous suffisamment de ressources pour garder votre avance et comment ?

AC. Nous avons la chance d’avoir un produit qui a de l’avenir, le roulement étant au centre des préoccupations de tous nos clients. Puisque tout le monde recherche l’efficience énergétique, notre composant a un rôle primordial. Nous devons ainsi maintenir tous nos efforts de recherche et développement sur cet axe de performance, c’est-à-dire travailler sur la réduction des couples, des frottements, des masses, sur les durées de vie, sur les systèmes de monitoring ou de diagnostic… En outre, compte tenu de la concurrence des grands groupes auprès des constructeurs européens, nous devons, en permanence, accroître nos recherches sur des produits dits de rupture, des modules, des systèmes plus complexes.

En termes de ressources, nous avons notre centre de R&D à Annecy, doté de 300 ingénieurs en charge des produits et des procédés. Nous travaillons en synergie avec le groupe NTN, ce qui est important, comme l’est le fait que nous disposions, également, d’une certaine autonomie en R&D en France. Ce qu’il faut noter, c’est que NTN a ciblé, dans son nouveau plan stratégique, une croissance fondée sur l’innovation, c’est-à-dire par des produits différents de ceux existants aujourd’hui, une dynamique qui nous anime également aujourd’hui dans notre région.

jA. La Recherche et Développement est le nerf de la guerre des entreprises occidentales, le dépôt de brevets sa sauvegarde, pouvez-vous encore garder longtemps le “R” en distribuant aussi nettement le “D” ?

AC. Les centres de développement, (les applications), sont localisés à proximité des sites de production de nos clients, Brésil, Allemagne, Roumanie, etc. En revanche, la recherche fondamentale, ou en amont, reste centralisée dans notre centre européen.

jA. Comment voyez-vous l’avenir de l’automobile ? le roulement connecté, c’est pour demain ou déjà dépassé ? Comment allez-vous vous inscrire dans cette problématique ?

AC. Tout ce qu’on appelle services, diagnostic embarqué pour les applications ferroviaire, aéronautique, automobile, etc. constitue un axe fort dans l’élargissement des gammes et des produits plus technologiques à venir. Cela entre dans le plan stratégique et reste encore confidentiel. Pour être complets, nous ne travaillons pas tous seuls (face aux GAFA, par exemple), et nous continuons d’intégrer des compétences externes, comme cela se pratique, lorsque nous explorons de nouveaux domaines.

jA. Quels sont vos atouts concurrentiels selon vous ?

AC. L’un de nos points forts prend sa racine dans les hommes, dans l’engagement des équipes qui se sont toujours mobilisées sur tous les projets que l’on a pu mener. Nous avons, en outre une capacité d’innovation reconnue sur le marché. J’ajouterais qu’il nous revient de conserver l’âme de l’entreprise, même si elle a changé de dimension, afin de disposer de la même souplesse, de la même capacité d’adaptation et d’écoute des clients, des atouts indéniables de l’entreprise NTN-SNR Europe. Nous souhaitons continuer à nous appuyer sur les valeurs fortes de l’entreprise pour accompagner, voire anticiper, les évolutions que l’on voit sur les marchés.
 

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