L'ajustement carbone aux frontières va accélérer les délocalisations
Réduire les émissions de CO2 en Europe tout en limitant les risques de délocalisations induits par le Green Deal présenté par la Commission européenne : c'est un peu la quadrature du cercle pour l'industrie automobile.
En plus du zéro émission pour les véhicules en 2035, des futures normes Euro 7, Bruxelles anticipe une "fuite de carbone" et donc une délocalisation de production de matières premières, de composants ou de produits semi-finis qui viendraient pénaliser tous les secteurs industriels concernés par la neutralité carbone imposée par l'Europe pour 2050. "Nous sommes dans une période de bascule où l'industrie peut se trouver en très grande difficulté. Nous devons faire très attention", explique Claude Cham président d'honneur de la Fiev, qui représente les équipementiers.
De fait, l'Union européenne estime que dans les années à venir, 10 tonnes de CO2 évitées en Europe se traduiraient en réalité par la création de près de 3 tonnes de CO2 hors de l'Union européenne du fait de ces délocalisations. Le système d'échange de quotas d'émission (ETS), existant aujourd'hui entre la zone Europe et les autres pays, ne saurait éviter cette fuite. Les Etats membres souhaitent donc proposer un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) dont l'ambition est de taxer les produits importés de la même manière que les produits fabriqués en Europe, selon le prix de la tonne de carbone.
Les secteurs de l'acier et du ciment seraient touchés dès 2023, puis progressivement l'aluminium mais aussi la chimie, le raffinage, le papier et le verre. "Nous intégrons des matières premières venant de l'étranger dans nos productions. Ces décisions vont mener obligatoirement à un renchérissement du coûts des produits inclus dans ce mécanisme. Les secteurs utilisateurs d’acier comme les équipementiers automobiles pourraient subir une perte de compétitivité, sans parler de la délocalisation de la production des produits finis qui seraient ensuite réimportés sur le marché européen en évitant le surcoût européen de l’acier. L'Europe se tire une balle dans le pied", poursuit Claude Cham.
Déjà pénalisés par la hausse du cours de l'acier, qui a bondi de 113 % entre juin 2020 et juin 2021, en passant de 375 €/t à 800 €/t, les équipementiers seraient donc fortement pénalisés. Selon la Fiev, une prochaine hausse de 300 à 350 €/t pourrait encore survenir dans le courant du second semestre 2021. L'impact du MACF pourrait ajouter un surcoût compris entre 22 et 94 € la tonne en considérant un prix du CO2 de 50 €/t.
"Nous avons déjà fait sauter le verrou du moteur à combustion. Il faut que l'Europe fasse attention à ne pas accélérer le processus qui l'amènerait à perdre complètement sa souveraineté", prévient Claude Cham.
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