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Industrie

Equip Auto Algeria, la voix du Maghreb

Publié le 2 avril 2014

Par Hervé Daigueperce
7 min de lecture
En prônant dès l’ouverture du salon les vertus des coentreprises à la presse internationale et aux exposants étrangers, Equip Auto Algeria a pris une nouvelle dimension.

En quelques années, la conférence de presse inaugurale du salon, dans le Parc des expositions de la Safex, a changé de statut pour devenir un événement quasi politique. Son public a d’ailleurs évolué de façon marquante, passant de quelques journalistes “parisiens” venus accompagner une version “light” d’Equip Auto Paris à une cohorte de journalistes algériens et internationaux, flanqués de dizaines de chefs d’entreprise nationaux, d’institutionnels et de représentants de grands groupes mondiaux, sous les feux d’une douzaine de caméras de télévision. Cela signifierait-il que le salon, du haut de ses 8 ans, a réussi à convaincre de sa capacité à fédérer et à être force de propositions, tant du côté régional que du côté global ? Que l’Algérie commence à s’inscrire durablement dans les pays à forte valeur ajoutée, en développements industriels et économiques ? Ou que la carte des pays dits émergents est en train de prendre des couleurs complémentaires ? Ou encore que la richesse du pays (le sous-sol) en fait une tête de file plus attractive que ses voisins ? Un peu de tout cela, il est vrai, et pour ne valider que ce dernier point, il suffisait de noter l’intérêt des industriels tunisiens, marocains, turcs, polonais et bien sûr chinois, pour les discours pleins de promesses des invités, notamment ceux de Bernard Sonilhac, P-dg de Renault Algérie Production, de Hamoud Tazerouti, P-dg de la SNVI, de Bachir Dehimi, président du directoire de SGP Equipag (gestion des participations de l’Etat, dont les filiales Etrag, EMO, ENMTP, etc.). Des discours en forme de propositions d’alliance en coentreprises pour générer les bases d’une nouvelle sous-traitance industrielle locale au service de l’usine Renault d’Oran (42 % d’intégration en quatre ans), des usines de véhicules industriels développées par Daimler, comme celle des camions et bus Mercedes-Benz en avril, ou encore l’usine de Tiaret de Mercedes-Benz (6 000 Sprinter et 2 000 Classe G), mais aussi l’unité de fabrication de moteurs de Constantine, des engins de construction Liebherr ou encore des tracteurs Massey-Fergusson.

Renault, vecteur d’industrialisation locale

En donnant la parole à Bernard Sonilhac, Nabil Bey Boumezrag, le directeur du salon, ne sortait pas de son rôle de “promoteur” des filières automobiles et véhicules industriels. En effet, ayant réussi à imposer à Alger un salon international des pièces détachées automobiles et des équipements de garage, il lui était indispensable d’accompagner le développement de ses clients. Avec 320 exposants dont 80 % d’internationaux, il donnait le ton, surtout cette année en occupant le pavillon central, plus spacieux et plus opérationnel. En augmentant la présence des réseaux constructeurs, notamment PL (Renault Trucks, Volvo, etc.), il montrait qu’Equip Auto Algeria s’ouvrait à toutes les rechanges, d’autant que les acteurs de l’automobile ne sont pas insensibles à la diversification, et mieux encore, qu’ils devront s’y mettre – obligation légale sur laquelle nous reviendrons. Et en mettant en relation les industriels internationaux présents avec les distributeurs nationaux autour de la proposition de Renault (et des autres constructeurs), Nabil Bey Boumezrag a apporté une nouvelle pierre à l’industrialisation de l’Algérie. Il n’existe pratiquement pas, en effet, d’usines d’équipementiers sur le territoire national. Or, devenir en trois ans seulement un sous-traitant de Renault relève de l’exploit, faute d’un terreau technologique suffisant. De plus, pour les équipementiers internationaux, implanter une usine suppose la création d’une société qui doit, obligatoirement, comprendre un actionnariat algérien majoritaire à 51 % au minimum. Une obligation légale qui refroidit bien des investisseurs, d’où l’intérêt de la présence – rassurante – des représentants de Renault et de l’Etat algérien, prompts à relativiser lesdites obligations. Conscients qu’implanter des sites de production en peu de temps et les doter des innovations technologiques exigées par Renault – pas question, bien sûr de produire différemment que dans les autres usines du groupe – ne peut s’envisager qu’avec les équipementiers globaux, les institutionnels algériens sont prêts à faciliter les choses, comme laisser le management de l’entreprise nouvelle à la direction de l’équipementier et à ses cadres, ou permettre à ceux-ci de rester maîtres des choix technologiques, voire financiers. Il n’est pas impossible, de la même façon, d’intégrer plusieurs actionnaires algériens, afin de diluer la gouvernance. Les objectifs du gouvernement étant multiples : relancer l’industrialisation, former des cadres, développer l’emploi, créer des pôles industriels et apporter des réponses en termes de carrière aux désirs des jeunes, représentant la plus grande part de la population. En clair, favoriser l’instauration de sites industriels, en attirant les investisseurs étrangers sans, toutefois, servir de plate-forme “low cost” aux internationaux.

Renault en ligne avec les prévisions

Pendant quelques années, cette fameuse usine Renault de Oued Tlélat (20 km d’Oran), qui devait s’implanter, faisait office de serpent de mer. D’un côté, Carlos Ghosn n’obtenant pas, selon les rumeurs, les “incitations” souhaitées ou la localisation à Alger, de l’autre, le gouvernement demandant trop de compensations. “Nous sommes en ligne avec les prévisions, qui s’articulent autour de trois dates : en décembre 2012, signature du pacte, en janvier 2013, création de Renault Algérie Production, en novembre 2014, sortie de la première voiture. La société respecte le droit algérien et l’obligation des 51/49, Renault détenant 49 % de RAP, quand la SNVI (Société nationale des véhicules industriels) dispose de 34 % et le FNI (Fonds national d’investissement) 17 %, soit une majorité algérienne. La première étape, en SKD, permettra de sortir 25 000 véhicules par an, la deuxième, en CKD, produira 75 000 véhicules et verra l’atelier peinture carrosserie entrer en action. Quant à l’emboutissage, il viendra plus tard. Nous devons donc développer rapidement le tissu local des fournisseurs indispensables à la production des Renault Symbol, n’a quoi qu’il en soit pas hésité à déclarer Bernard Sonilhac. L’idée étant de sous-traiter par paliers, du plus “simple” comme les plastiques, les vitrages, les mousses, les câblages, les caoutchoucs, au plus sophistiqué comme l’électronique.”

Une mise en place délicate

Si le nombre de projets avancés par la SNVI comme par SGP Equipag sont nombreux et prometteurs, la question de la capacité à répondre rapidement à la création d’entreprises en sous-traitance gêne aux entournures. Pour les institutionnels, d’un côté les entreprises algériennes ont pris du retard à l’allumage, et les équipementiers internationaux mettent trop du temps à prendre conscience de leur intérêt – les Français sont les plus attendus, puis les Italiens, les Allemands, etc. De l’autre, les investisseurs algériens, y compris d’Etat, comme le souligne Ahcene Betatache, directeur général de Africaver (société africaine du verre), souffrent de devoir, cent fois sur le métier, remettre l’ouvrage : “les entreprises algériennes n’en peuvent plus d’être considérées comme des “potentiels en attente de validation” et réclament des cahiers des charges, des standards à obtenir et des délais pour pouvoir participer. Et quand on parle de standards, il ne s’agit pas de se contenter des standards nationaux usuels (mais non reconnus par des groupes comme Renault), mais bien des standards internationaux.” Derrière, se dessine aussi la volonté d’exporter les pièces… Parallèlement, le gouvernement algérien a mis le feu aux poudres chez les concessionnaires qu’ils obligent, via la nouvelle loi de finances de 2014, à investir dans les trois ans dans des entreprises automobiles. Autrement dit, à créer des coentreprises en sous-traitance. Les concessionnaires contestent cette nouvelle pression alors qu’ils sont déjà en retard sur l’installation de leur propre après-vente, “ils n’auraient que trois ans pour créer des entreprises sans pouvoir assurer de la sécurité des technologies amenées par les équipementiers”. Un avis sous forme de menaces qui s’appuie sur les conséquences du récent abandon de la lettre de créance, qui permettait de verrouiller les provenances des biens, les montants importés, et donc le respect de la fiscalité. Bref, de quoi alimenter les prochains Equip Auto Algeria, d’autant qu’à ce jour, un seul sous-traitant a été choisi par Renault Algérie Production, sur 110 candidatures : le groupe Joktal, spécialiste de l’injection plastique.

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