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Industrie

Anne-Marie Idrac, France Logistique : "L’Europe n’est pas en retard sur la voiture autonome"

Publié le 14 mai 2025

Par Nabil Bourassi
4 min de lecture
Pour la haute représentante du gouvernement français pour le développement des véhicules autonomes, présidente de France Logistique, l’Europe souffre d’un manque d’investissements en matière de voiture autonome. Cependant, l’ancienne secrétaire d’État estime que le continent dispose de toutes les compétences pour peser dans ce domaine.
Anne-Marie Idrac France Logistique
Anne-Marie Idrac, Haute représentante du gouvernement français pour le développement des véhicules autonomes, présidente de France Logistique. ©France Logistique

Le Journal de l’Automobile : Depuis un an, les États‑Unis et la Chine ont repris la guerre de la voiture au­tonome avec des projets extrêmement avancés. Où en est l’Europe ?

Anne-Marie Idrac : Il y a beaucoup de choses qui sont ef­fectivement annoncées dans ces deux régions du monde et peut‑être moins en Europe. On est au cœur des conclusions du rapport Draghi qui promeut une verticale automobile plus am­bitieuse sur le Vieux Continent. La question de la voiture autonome en Europe ne souffre pas d’un problème réglementaire contrairement à ce que je peux entendre ici ou là. Bien au contraire, la réglementation euro­péenne est même l’une des plus libé­rale du monde. J’ajoute qu’elle est ho­mogène sur l’ensemble du continent, là où aux États‑Unis, il y a autant de réglementations que d’États. Donc, notre sujet, c’est une question d'investissements.

 

Et le rôle de l’Europe est d’être le chef d’orchestre d’un éco­système vertueux autour de la voiture autonome. On trouve de plus en plus d’expérimentations qui deviennent en réalité de véritables services opé­rationnels qui conjuguent l’expertise d’un constructeur automobile et d’un opérateur de mobilité. C’est vrai que l’Europe est encore tournée vers le transport en commun, mais cela im­plique néanmoins une maîtrise des technologies nécessaires qui permet­tra assez facilement de passer à des voitures individuelles.

 

J.A. : L’Europe n’est pas en retard selon vous ?

A.-M. I. : Non… Elle a fait des choix d’investisse­ment tournés vers l’électrification, sous la nécessité entre autres de la décarbo­nation, mais elle n’est pas en retard sur les compétences notamment sur les différentes briques technologiques né­cessaires au déploiement de la voiture autonome. Elle a d’ailleurs plusieurs prototypes. La question, c’est passer du prototype à l’échelle. D’où la néces­sité de s’appuyer sur le rapport Draghi pour définir un plan d’investissement favorable à la voiture autonome.

 

La question de la voiture autonome en Europe ne souffre pas d’un problème réglementaire

 

J.A. : Mais le passage à l’échelle est déjà une réalité en Chine ou aux États‑Unis, c’est un retour d’expérience crucial qui va faire la différence…

A.-M. I. : Il y a un certain nombre de briques technologiques qui sont déjà acquises et qui sont à la disposition des Euro­péens pour créer leur propre écosys­tème. Sur l’intelligence artificielle, il faut rappeler que nous sommes parmi les meilleurs. En outre, nous avons notre propre proposition de valeur que ce soit sur la protection des données per­sonnelles ou des normes sociales. Il n’y a pas de raisons que l’Europe soit tota­lement disqualifiée de cette course. En outre, nous avons des acteurs très puissants sur les infrastructures qui pour­ront faire la différence. Même chose sur des opérateurs de mobilité ou tout sim­plement des gestionnaires de flotte qui maîtrisent parfaitement une partie de la chaîne de valeur. C’est essentiel. Enfin, il ne faut pas oublier que nous avons une industrie automobile puissante.

 

J.A. : Il y a quelques années, la France dispo­sait d’entreprises innovantes et bien po­sitionnées comme EasyMile ou Navya… Celles‑ci n’ont pas survécu aux besoins de financement qu’implique l’innovation dans la voiture autonome.

A.-M. I. : Ces deux entreprises innovantes ont eu une fin bien triste. D’emblée, elles ont voulu tout faire, tout maîtriser dans la chaîne des briques technologiques. Elles ont également subi des change­ments intempestifs de dirigeant et de stratégie. Il faut tirer les conclusions de cette séquence parce que ces entreprises ont mis à la route des navettes auto­nomes qui circulent encore aujourd’hui partout dans le monde. Ce n’est pas rien.

 

 

J.A. : Vous êtes la haute représentante du gouvernement à la voiture autonome depuis 2018. Est‑ce que cette institution est toujours en place ?

A.-M. I. : Oui, cette instance existe toujours. Je finalise actuellement mon dernier rapport de mission. Je travaille sur des recommandations pour l’attribu­tion des derniers sous qui restent du programme France 2030. Je planche également sur les freins du passage à l’échelle en proposant de standardiser les démonstrations de sécurité et les processus d’homologation qui coûtent extrêmement cher.

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