"Un vendeur qui ne vend que la voiture n’a pas sa place"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. La relation client semble être votre cheval de bataille, que préconisez-vous ?
PHILIPPE POIRIER. Il faut être réactif. Nous devons récupérer toutes les données concernant un visiteur pour être capable de le recontacter par la suite. Il y a une chose importante à comprendre, c’est que personne ne vient par hasard en concession. Ce ne sont pas des lieux glamour. Celui qui y rentre a forcément un intérêt pour la marque, et le concessionnaire se doit donc de l’accueillir. Nous travaillons sur un process baptisé “VCC”, acronyme de Value Chain Customer, qui donne à l’ensemble des employés le détail des rôles de chacun, depuis le premier contact avec le client jusqu’à la révision. La dématérialisation est aussi une chose intéressante, car nous pouvons suivre, en ligne et à travers toutes les concessions, les données du carnet d’entretien via le site développé par le constructeur.
JA. Quelles seraient les autres pistes à explorer ?
PP. Nous observons que nous avons de plus en plus de contacts téléphoniques. Paradoxalement, nous avons des collaborateurs qui ne sont pas des professionnels du téléphone. Le groupe TTA met par conséquent en place un programme de formation au métier du téléphone, en interne.
JA. Est-ce réalisé avec le concours de Toyota ?
PP. Il s’avère que nos idées convergent sur la question, mais pour le coup, nous avons fait appel à une société extérieure qui gère des centres d’appel. Ainsi nous avons affaire à de vrais professionnels, hors de l’automobile.
JA. Quelle est la finalité de cette mesure ?
PP. Nous voulons être plus pro-actifs. Nous augmentons notre utilisation du téléphone depuis que nous avons mis en application le rappel systématique de l’ensemble des clients pour les inviter à passer faire le premier entretien en concession. Une procédure soldée par un relatif succès, puisqu’en moyenne 83 % des contactés repassent par les ateliers du groupe. Un score d’ailleurs plus fort en province qu’en région parisienne. Nous voulons pousser l’expérience et les relancer chaque année en adoptant le bon discours. L’enjeu est de ne pas nous laisser prendre de vitesse par les centres-autos qui viennent avec un argumentaire séduisant vis-à-vis de la cible.
JA. Quel a été l’impact des incidents de 2010 et 2011 ?
PP. La campagne de rappel a eu des avantages, car nous avons pu voir beaucoup de nos clients et leur prouver notre réactivité. Ces derniers nous ont témoigné une confiance réjouissante. En ce qui concerne les retards, ils ne touchent pas que Toyota, mais l’ensemble des constructeurs. Nous avons des délais un peu plus longs que nos concurrents, certes, mais il est rassurant de voir à quelle vitesse les équipes au Japon avancent sur ce dossier pour nous donner satisfaction. Toyota a organisé une logistique entre les filiales européennes pour faire jouer les stocks et approvisionner les distributeurs.
JA. Comment l’annonce d’un label VO “hybrid” a-t-elle été reçue ?
PP. C’est une grosse aide découlant d’une forte demande des concessionnaires car nous avons besoin de communication autour d’une gamme qui est appelée à prendre de l’importance. Il est vrai que, sur les parcs de véhicules d’occasion, il y avait trop peu de différenciation entre les offres classiques et hybrides.
JA. Quid des ventes à sociétés sur lesquelles Toyota-Lexus mise également ?
PP. Le marché des particuliers est en baisse, en termes de commandes. Du côté des sociétés, la prolongation des contrats de location longue durée, l’an passé, a provoqué un contrecoup en 2011. Toyota et son réseau se doivent de se positionner clairement sur ce marché, notamment au vu des produits pertinents que le constructeur a développés, les hybrides en tête de liste.
Le groupe TTA a investi dans ce canal, mais une telle structure nécessite deux à trois ans de rodage. Une cellule indépendante n’aurait pas de sens, il faut garder cette activité en interne, par concession. Car les attentes des clients professionnels sont totalement différentes, et la proximité reste la clé de la réussite.
JA. Le financement est certes un outil fidélisant, mais est-ce un service profitable ?
PP. Le financement est une des priorités chez TTA. Aujourd’hui, nos sources de profits ne sont pas de 8 ou 10 points avant impôt et il faut être extrêmement vigilant. Depuis deux ans, nous nous battons sur le financement, convaincus qu’un vendeur qui ne vend que la voiture n’a pas sa place. Il lui appartient de vendre une voiture, du financement, de la garantie, de l’entretien et de l’assurance. On commercialise un package de services au client et, en termes de profitabilité, c’est la seule voie pour vivre honorablement.
JA. Quel bilan chiffré tirez-vous de cette politique ?
PP. Au mois de mai, nous étions à 39 % de pénétration sur le financement de VN, quand l’objectif est de 35 %. Ce qui est une très belle performance. Sur la même période, nous avons fait une offre de prestation d’assurance à 98 % des clients, contre un objectif de 100 %. Nous sommes le meilleur groupe de France sur cet item de la présentation de produit. En 2010, nous étions à 78 % de moyenne sur l’année. Le taux de conversion est de 16 %, mais nous pensons que plus il y aura de propositions, plus il y aura de concrétisations. Les concessionnaires ne sont pas des assureurs.
JA. Quels sont les autres leviers de profitabilité actionnés par TTA ?
PP. Il faut comprendre son marché, capter les tendances et être en avance. Raison pour laquelle nous avons nommé depuis le mois de février un acheteur VO pour le groupe TTA. Nous sommes persuadés que le VO est très important pour notre profitabilité et avons déjà été chercher plus de 200 véhicules partout en Europe pour renflouer nos stocks.
JA. Parenthèse benchmarking, qu’est-ce qui a retenu votre attention dans les autres filiales de TTA ?
PP. Mes collègues russes et tchèques ont inventé un système de carte de fidélité. Ce à quoi nous n’avions jamais pensé, mais que nous avons trouvé tout à fait pertinent. Une autre piste pour garder le lien avec le client consisterait à réaliser une seconde mise en main de la voiture, lors d’une première révision, gratuite, au 1 500 km.
JA. Fort d’un maillage géographique étendu, quelles sont vos perspectives de croissance ?
PP. Le groupe TTA est en phase de consolidation. IL y a deux ans maintenant que Kenji Suzuki a repris la présidence, épaulé de moi-même. Deux années durant lesquelles il a fallu œuvrer à redonner de la profitabilité à la société. Ce que nous avons réussi à faire. Nous souhaitons améliorer la relation client avant de penser à nous étendre.
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