“Retrouver une certaine sérénité dans la capacité à être rentables”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Que représente pour vous ce titre de Groupe de distribution de l’Année décerné par le Journal de l’Automobile ?
STEPHANE MICHEL. C’est une reconnaissance de la part des professionnels et cela vient récompenser les efforts réalisés, car la notion de Groupe Michel est finalement récente. A l’origine, mon père, Jean-Claude, qui a fondé l’entité, était avant tout un investisseur monomarque avant que le constructeur, Renault en l’occurrence, nous demande de créer une plaque. Quand j’ai rejoint le groupe, j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice en développant la marque Citroën. Pendant longtemps, il y avait donc deux plaques distinctes sans que cette notion de groupe existe. Et malgré une affection toute légitime, nous étions, il faut le reconnaître, concurrents sur le terrain. Au départ en retraite de mon père, en 2009, certains éléments comme le marché, voire même les constructeurs, avaient évolué et ceux-ci étaient devenus plus enclins au multimarquisme. J’estimais donc qu’on ne pouvait l’éviter et qu’il fallait s’appuyer sur cet état de fait. Sans oublier que cette notion de groupe, d’entité, compte énormément aussi en interne. Ceci me fait dire que ce trophée vient couronner une démarche faisant du Groupe Michel une marque locale et ce, seulement après cinq ans d’existence réelle.
JA. Un titre qui vient aussi récompenser l’immense activité du groupe aussi bien en termes de développement interne qu’en croissance externe.
SM. Nous avons été présents sur tous les fronts au travers, notamment, de l’inauguration de la concession Citroën de La Rochelle, qui est régulièrement citée en exemple par le constructeur, au travers du lancement du premier DS Store de France à Royan, ou encore au travers d’une démarche sociale avec la mise en place, en collaboration avec le GNFA, d’une formation continue pour tous nos collaborateurs. Je n’oublie certes pas tous les investissements réalisés avec la mise aux normes de nos Renault Store, et plus récemment l’acquisition de la succursale Renault d’Angoulême qui permet de réaliser une croissance externe de l’ordre 20 % de nos volumes et de notre chiffre d’affaires total. Une reprise qui nous permet au passage d’être le distributeur exclusif Renault dans toute la Charente et la Charente-Maritime.
JA. Justement, en termes de croissance externe, saisiriez-vous de nouvelles opportunités si celles-ci s’offraient à vous ?
SM. Oui. La croissance du groupe s’est faite progressivement en franchissant les étapes les unes après les autres. Cela dit, le secteur évolue très vite et nous constatons que beaucoup de groupes se sont développés, certains fusionnent et d’autres en absorbent des plus petits. Cela fait partie de l’évolution de la distribution automobile. Si je reste sur l’idée de rester concentré régionalement, j’observe cependant ce qu’il se passe et reste prêt à pousser nos frontières. Si une opportunité de taille s’offrait quelque part en France, je l’étudierais si le volume le justifiait. En attendant, la priorité reste de me renforcer régionalement, pourquoi pas avec d’autres marques afin de compléter mon offre actuelle et couvrir de nouveaux segments (SUV, sport, cabriolet…). Enfin, nous pouvons aussi agrandir la région avec les marques que nous représentons en couvrant un grand territoire qui irait de Nantes à Tours, puis Poitiers, en descendant jusqu’à Bordeaux. J’aimerais toutefois ajouter que certaines propositions m’ont été faites, que j’ai préféré ne pas les saisir.
JA. Vous êtes un des seuls grands groupes de distribution à commercialiser conjointement Citroën et Renault. En outre, l’évolution des marques a aussi fait que, finalement, vous en représentez quatre avec l’essor de Dacia et DS…
SM. C’est exact. En peu de temps Dacia est devenue la quatrième marque française avec des résultats éblouissants dans certaines régions. C’est identique pour DS, qui est devenue une marque à part entière avec toute sa légitimité aujourd’hui dans le panorama et le succès des produits de sa gamme. Je crois beaucoup en son avenir, à tel point que j’ai initié la mise sur pied du premier DS Store de France, à Royan. Nous ne sommes qu’aux prémices de ce développement, il faut trouver les bons réglages. Notre groupe fait d’ailleurs partie du comité de réflexion sur le sujet au siège de Citroën.
JA. Justement, le DS Store est une initiative personnelle, vous avez en quelque sorte devancé le souhait des dirigeants sur le sujet. Allez-vous développer les DS Store au sein de votre groupe ?
SM. Réaliser ce projet à Royan relevait d’une opportunité dans la mesure où je possédais les bâtiments adéquats pour le faire, suite à la cession de mes affaires VW/Audi au distributeur local. En outre, la ville de Royan, par ce qu’elle représente au niveau de sa clientèle et de son pouvoir d’achat, se prêtait idéalement à ce projet. Mon souhait personnel reste de poursuivre ce développement. Cela dit, je ne possède pas forcément les structures qui s’imposent. Les investissements nécessaires demandent à être étudiés plus profondément, notamment compte tenu des villes où je suis présent. Néanmoins, je continue à travailler avec la marque pour voir quel est l’avenir de la représentation de la distribution de DS au niveau national, sans faire cavalier seul.
JA. Quels sont les grands projets en cours ?
SM. A court terme, il n’y en a pas : j’ai investi près de 10 millions d’euros ces deux dernières années, et le but maintenant est de digérer et consolider cet investissement, de faire attention à ne pas me brûler les ailes. Par ailleurs, nous avons évidemment quelques idées, avec le comité de stratégie du groupe, pour faire de la prospective, et voir comment nous pouvons améliorer le fonctionnement et préparer l’avenir. Parmi ces idées, nous explorons plusieurs voies en fonction de l’évolution du marché ou des us et coutumes des clients afin aussi de faire évoluer notre offre. Ainsi, il est facile d’imaginer beaucoup de choses, comme le fait d’aller chercher le véhicule des clients pour l’entretien avec un véhicule relais, on peut aussi penser à une nouvelle façon de vendre sous forme de mensualités et un budget établi d’avance, avec la possibilité pour le client de changer de voiture en fonction de ses besoins. Cependant, la vraie difficulté, sur tous ces sujets, est que nous sommes intimement liés aux constructeurs et que nous ne sommes pas totalement indépendants dans le choix de nos politiques commerciales. Certaines initiatives sont donc à prendre avec beaucoup de précautions, en préservant un certain équilibre dans la relation avec nos concédants. Par ailleurs, si ces initiatives peuvent être apporteuses d’affaires, il faut tenir compte de l’équilibre financier. Ne nous leurrons pas, la rentabilité des concessionnaires ces dernières années reste très fragile et ne nous permet pas forcément de nous lancer dans des projets faramineux et coûteux.
JA. Vous estimez que le métier de distributeur est plus difficile aujourd’hui ?
SM. Notre métier est paradoxal. Notre groupe s’appuie sur le plus important chiffre d’affaires du département tout en étant aussi le premier employeur. Par conséquent, cela fait du groupe Michel une très grande entreprise locale. Malgré tout, l’équilibre financier reste fragile. Ceci vaut pour nous, mais aussi pour la plupart des groupes de distribution où la grande majorité des chiffres d’affaires fluctuent en fin d’année avec des évolutions situées entre - 0,5 % et + 0,5 %. J’insiste sur la notion de fragilité car si ces évolutions peuvent sembler mineures dans certains cas, elles représentent parfois un million d’euros, dans un sens comme dans l’autre. A nous de retrouver une certaine sérénité dans la capacité à être rentables et à dégager une performance commerciale.
JA. Dans cette optique, comment voyez-vous évoluer le secteur de la distribution automobile ?
SM. D’un point de vue structurel, depuis trente ans, les choses n’ont pas évolué tant que cela. Il est aussi vrai que le multimarquisme est arrivé, que des groupes se sont formés, que la réparation rapide a pris son essor, tout comme les mandataires, mais finalement les concessions automobiles sont toujours là. Oui, il a fallu s’adapter en termes de structures et d’offres, mais c’est un travail de tous les jours. Je ne vois donc pas plus le paysage se transformer à l’avenir car, à mon sens, il y aura toujours des distributeurs et des concessions parce que le client a besoin de ressentir, de toucher le véhicule. En outre, le marché de l’occasion demeure prépondérant et de plus en plus important, il nous offre un potentiel formidable à exploiter. Je ne vois donc pas de révolution, mais plutôt une évolution. Nous serons plutôt contraints à réutiliser nos structures, à être toujours plus dynamiques et à dégager plus de notoriété locale de façon à mieux nous adapter à un monde qui va toujours plus vite.