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Distribution

Renault comme dans un roc

Publié le 30 mai 2008

Par David Paques
9 min de lecture
En plein pays bigouden, la plaque Sud Bretagne du groupe de Michel Schuller cultive l'enracinement de la marque au losange sur le marché local. Privilégiant le pragmatisme en poursuivant l'efficience, l'affaire Renault de Quimper est devenue...

...un modèle pour son groupe. Rencontre.

A Quimper, où le soleil joue parfois les intermittents, il est une affaire qui n'a rien d'incertain. Propriété du groupe Schuller depuis 1992, le Garage de l'Odet est même devenu, au fil du temps, une des figures de proue du réseau de 19 sites Renault que possède aujourd'hui l'investisseur. A la sortie de Quimper, "l'étranger" aura sans doute quelques difficultés à trouver les portes du showroom. Pas les locaux. Car le distributeur est, ici, presque une institution. Sur un hectare, dont 5 000 m2 couverts, le Garage de l'Odet est l'épicentre de la plaque Sud Bretagne du groupe Schuller. Autour, gravitent les sites de Douarnenez, de Concarneau (racheté en 1996), de Chateaulun (repris en 2001), mais aussi un réseau de 50 agents ! A eux quatre, ces sites ont immatriculé l'an dernier 2 275 véhicules neufs, 1 763 véhicules d'occasions et réalisé 74 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une plaque dont dépendent également les affaires Nissan de Brest et de Quimper. Le maître des lieux : Philippe Coubès. Directeur pendant sept ans de la plaque REA Group Bretagne, puis de REA Group Paris Ouest, l'homme a promené son enthousiasme dans les arcanes des succursales Renault et plus généralement du constructeur. Entré chez Renault en 1971, il a accumulé 14 mutations. En début d'année 2007, plutôt que de poser ses valises dans un pays de plus, Philippe Coubès décide de retourner à ses premières amours. "Je me suis rendu compte que j'étais plus un distributeur qu'un homme de siège. J'avais besoin de retrouver le terrain et le contact client dans une région qui m'avait marqué", confie-t-il. En février 2007, Philippe Coubès répond favorablement à l'offre de Michel Schuller et succède ainsi à André Lecuillier, parti après 15 années de services dans le Finistère. Après un an d'adaptation, le retour aux sources est concluant.

Un mois d'avance par rapport à 2007

"J'ai découvert un système pragmatique, autonome et efficace", témoigne l'intéressé au sujet du groupe Schuller. Quand le réseau Renault atteint en moyenne 0,91 % de rentabilité du chiffre d'affaires en 2007, le site de Quimper affiche quant à lui 1,4 %. Le directeur entend d'ailleurs atteindre les 2 %, qu'il estime plus en phase avec les habitudes de la concession. Comme de nombreux distributeurs de la marque au losange, Renault Quimper surfe aujourd'hui sur les bons résultats de Renault. "J'ai actuellement un mois d'avance par rapport à 2007", se félicite Philippe Coubès, en pointant l'instauration de l'écotaxe et le bon positionnement de la gamme Renault en termes d'émission de CO2 pour expliquer ce succès. Malheureusement, ce dernier observe de gros problèmes de livraisons de la part du constructeur. "Je vais finir au mois de juin avec seulement 100 véhicules en stock sur ma plaque alors qu'il me faudrait un mois d'avance et que nos performances sont à la hausse. Il va m'en manquer entre 150 et 200. Or, je ne pourrai plus avoir de véhicules avant septembre. Et je ne parle pas des modèles qui marchent fort comme la Twingo ou la Clio Estate. Pourtant, je fais partie des gens gâtés ! Le souci, c'est que nos vendeurs sont incapables d'annoncer un délai aux clients", peste Philippe Coubès. Au-delà de ça, l'allongement des délais de livraison semble avoir un effet négatif sur la pénétration de l'affaire au niveau du financement. "Actuellement, les banques estiment que l'automobile est un secteur moins risqué que l'immobilier. Elles se montrent donc très agressives sur ce secteur. Et, malheureusement, avec nos problèmes de livraisons actuelles, nous avons eu un certain nombre de financements annulés", détaille Philippe Coubès.

Le VO souffre, Dacia brille

A l'inverse du marché VN, l'occasion souffre en cette première moitié d'année. Comme tout le monde, Quimper piétine. Sur le VO récent notamment. Des véhicules devenus moins attractifs avec les aides à l'achat "écologique". "Si depuis le début 2008, le VN est dans la région à + 10 %, le VO est lui à - 10 % !", constate Philippe Coubès. Le distributeur cherche donc à développer son business VO sur le marché de l'occasion de plus de trois ans pour minimiser l'impact de la mauvaise santé actuelle du VO récent. Le site ne répond donc plus qu'aux objectifs du constructeur en matière de VO récents, voilà tout. Ce qui le conforte dans sa politique puisque le distributeur a depuis longtemps limité son approvisionnement à marchands, privilégiant le particulier. "En plus de cela, nous aurons de toute façon de plus en plus de difficultés à faire du VO récent face à l'allongement de la gamme Dacia", ajoute Philippe Coubès. Du côté de la distribution de la marque "roumaine", Renault Quimper a, qui plus est, de belles performances. La Logan a représenté l'an dernier 11 % des ventes de VN, avec 156 immatriculations. Rien à voir toutefois avec les résultats exceptionnels enregistrés sur le site de Chateaulun. Là-bas, le groupe a vendu 81 Logan pour 330 Renault en 2007, sur une zone de chalandise qui ne compte que 15 000 habitants. Le site a même affiché l'an dernier la plus grande pénétration de Dacia de tout le réseau français, à 6,8 % quand le constructeur affichait des parts de marché nationales plus proches des 1,5 %. En tout, ce sont ainsi plus de 300 Logan qui ont été vendues l'an dernier entre Quimper, Douarnenez, Concarneau et Chateaulun. Pourtant, là encore avec un pur pragmatisme, l'intérêt de faire germer une concession Dacia indépendante à Quimper ou ailleurs est pour lui bien peu envisageable. "Avec 400 VN dans une affaire Nissan et de vraies marges, nous avons déjà du mal à dégager de la rentabilité. Chez Dacia, nous n'avons pas de marges, pas d'après-vente, pas de VO et nous avons même du mal à avoir des voitures. Je ne vois pas comment rentabiliser une telle affaire !", explique-t-il.

De 7 000 à 2 000 heures sous garantie en un an

Ces derniers mois, les ateliers ont sévèrement souffert. "Depuis octobre, notre fréquentation a même terriblement baissé !", ajoute-t-il. Il y a un an, l'après-vente de Quimper réalisait, par exemple, 7 000 heures de travail sur garantie. En 2008, l'affaire ne devrait pas dépasser les 2 000 heures ! Aujourd'hui, la concession ne revoit plus revenir les véhicules qu'elle écoule. Signe de la montée en qualité des véhicules de la gamme, sans doute. Mais les interventions sous garantie ne sont qu'un élément pouvant expliquer les résultats moyens qu'enregistre actuellement l'après-vente. "Si vous ajoutez à cela la baisse du nombre d'accidents, l'allongement des espaces d'entretiens et la forte baisse du parc roulant de Renault, l'addition se fait lourde pour nos ateliers", témoigne Philippe Coubès. D'autant plus lourde que si l'activité après-vente représente à Quimper 9,3 % du chiffre d'affaires, elle représente également 34 % de la rentabilité du site. Depuis début janvier, le Garage de l'Odet a vu son chiffre d'affaires après-vente baisser de 5 %, quand les sites de Concarneau et Chateaulun reculaient tous deux de 8 %. Pire, son chiffre d'affaires Garantie a, quant à lui, baissé de 50 % ! Conséquence : le distributeur s'est vu contraint de réduire ses effectifs. "Pour nous adapter, nous avons dû enlever cinq productifs à Quimper, trois à Concarneau et deux à Chateaulun", explique Philippe Coubès. Autre parade, plus surprenante celle-là, Renault Quimper s'est mis à faire de l'adaptable. "Cette évolution est pour moi la principale menace pour les trois ans à venir. Il nous faut désormais aller chercher les véhicules de plus de six ans pour nos ateliers. Outre la publicité et les promotions, j'ai donc décidé de faire du Motrio pour être plus compétitif", annonce-t-il sans vergogne. "Nos ventes de pièces de rechange marchent très bien. Nous avons une grosse activité de grossiste. Ce qui veut dire que les garagistes marchent mieux que nous sur la réparation", commente-t-il. Sur le 1er trimestre 2008, l'affaire a, en effet, enregistré 10 % de croissance sur ses ventes PR. Les 4 vendeurs PR de la plaque entretiennent d'ailleurs la bonne réputation des lieux en la matière. Chaque jour, le site de Quimper livre deux à trois fois ses clients garagistes.

Faire plus que son travail

A l'instar de la politique menée à l'égard des professionnels de la réparation, le Garage de l'Odet cultive cet esprit de service et porte un regard particulier sur ses performances en termes de satisfaction clientèle. Pour l'après-vente, par exemple, les lieux affichent un indice de 71 %, contre 67,6 % pour la moyenne nationale de Renault. Des résultats sans doute engrangés par les efforts réalisés dans ce secteur. Le site de Quimper possède par exemple deux cabines de peinture et 30 ponts élévateurs. Malgré les quelques difficultés actuelles, ce sont aujourd'hui 40 mécaniciens, dont 14 carrossiers, qui officient sur les 3 000 m2 d'atelier. "Le groupe Schuller a pour devise l'esprit de service. Nous faisons donc en sorte que chaque collaborateur serve et surprenne le client", explique Philippe Coubès. Un domaine dans lequel l'affaire excelle depuis longtemps. Depuis 31 ans, par exemple, un bus fait la navette entre le centre ville et la concession pour les clients de l'atelier six fois par jour. Le groupe entend poursuivre dans cette voie. C'est d'ailleurs pour cette raison que le site de Quimper vient d'achever l'aménagement d'une aire de livraison, située entre le showroom du VN et celui du VO. Sur 300 m2, soit un espace pouvant accueillir une dizaine de véhicules, les vendeurs procèdent à la remise des clés dans un univers spécifique. Un système de récupération des gaz d'échappement a même été posé pour éviter les nuisances lorsque plusieurs moteurs tournent en même temps.

FOCUS

Cartech en formation

  • Alors que le site finistérien éprouve quelques difficultés au niveau de son activité carrosserie, le distributeur a décidé d'investir pour préserver sa clientèle. Outre l'achat récent d'un poste à souder moderne (15 000 euros), la concession sera prochainement la première française à compter un "Cartech" dans ses rangs. A l'image des "Cotech" dans les divers ateliers du constructeur, les "Cartech" seront des techniciens supérieurs dans la carrosserie Renault. Cette formation aura coûté 10 000 euros au distributeur.
  • Photo : En 2007, l'après-vente de la plaque a dépassé les 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Depuis début janvier, le groupe accuse une baisse de ses activités entre 5 et 8%.

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