“Les exigences des constructeurs nous prennent de l’énergie et des moyens”
Journal de l’Automobile. Quelle est la philosophie qui dicte le développement du groupe JMJ ?
JACQUES DUBOIS. Notre entreprise, créée par nos parents Marc et Simone Dubois en 1957, a été reprise par mon frère Jean-Marc et moi en 1993. Notre objectif a toujours été de pérenniser l’existant, et pour ce faire, il est nécessaire de se développer. Nos développements ont été guidés par une logique régionale, car il est important de respecter une distance raisonnable entre les affaires. Ces dernières années, les opportunités se sont davantage présentées avec la marque Citroën*. Nous avons également repris des sites annexes, ce qui nous permet de bien couvrir notre zone sur les marques que nous représentons et de bénéficier d’un maillage intéressant. L’orientation demeure de consolider nos marques avec les investissements en cours ou déjà réalisés.
JA. Quels sont ces projets ou chantiers aujourd’hui ?
JD. Avec la mise à l’image de Marque de l’ensemble de nos sites, nous comptons sept chantiers majeurs engagés qui seront terminés courant 2014. Il s’agit de trois rénovations (Dijon Nord, Morteau, Champagnole) et quatre constructions neuves à Chenove avec Citroën, Lons-le-Saunier et Louhans avec Peugeot et Citroën. Nous avons créé l’enseigne JMJ Discount en décembre 2012 à Besançon (25), avec le slogan : “Une voiture de qualité pour chacun”. Les VO que nous destinions auparavant à marchands sont désormais préparés et revendus à particuliers. L’offre se compose ainsi de VO à petits prix, bénéficiant de garanties adaptées, sur lesquels il existe une vraie demande. Nous sommes satisfaits des retours.
Nous allons également lancer un projet de centres logistiques de pièces JMJ CARPRO pour la marque Citroën à Tavaux (39). Ce centre de moyens se situera à l’épicentre de notre groupe, à 50 km de l’ensemble de nos sites principaux. Ce projet ne s’inscrit pas tant dans une optique d’économie ou de rentabilité, mais davantage dans une logique de rationalisation, d’optimisation et de professionnalisation accrue. Ainsi, nous aurons davantage de disponibilités sur les pièces, avec plus de 10 000 références sur un même site (environ 5 000 dans une concession), nous offrirons une qualité de service renforcée et une plus grande efficacité grâce à la rationalisation des stocks.
JA. L’ambition pour le groupe est-elle désormais de se développer sur de nouvelles marques ?
JD. Notre philosophie reste inchangée et peut être déclinée à d’autres marques. Les constructeurs Premium représentent une opportunité intéressante. Nous restons ouverts aux discussions, nous n’avons pas d’a priori sur les autres acteurs.
JA. Ce début d’année est-il plus difficile que l’exercice 2013 ?
JD. Au global, 2012 reste pour nous une bonne année (voir fiche). En revanche, 2013 est plus compliquée, car le marché continue de baisser et les marges s’érodent. Pour l’après-vente, c’est plus difficile, mais nous faisons front convenablement, au même titre que pour le VO.
Nous avons la chance, avec Citroën, de nous appuyer sur la gamme DS, qui a permis d’augmenter le mix produits de 1 500 euros sur un an, et ainsi d’amortir une partie de nos baisses de chiffre d’affaires. Nous sommes passés de 17 500 à 20 000 euros de prix moyen en l’espace de trois ans, avec des prix qui atteignent même 22 000 euros. La gamme DS nous a aidés et un modèle comme le C4 Picasso a bien résisté en attendant l’arrivée du nouveau Technospace C4 Picasso. Nous avons été pénalisés sur la disponibilité de C3 en début d’année, mais la nouvelle mouture nous permet de reprendre des parts de marchés. Concernant Peugeot, les nouvelles 2008 et 308 sont des superbes produits appréciés par nos clients qui devraient nous permettre de bien résister au second semestre.
Certes, nous traversons une période compliquée avec des constructeurs français qui perdent des parts de marché au profit des marques allemandes et asiatiques, mais nous n’en restons pas moins bien armés avec les marques du groupe PSA.
JA. Quel regard portez-vous sur les reventes de succursales Citroën ?
JD. Un constructeur s’inscrit avant tout dans une logique industrielle plus que commerciale. Son but est de concevoir, produire des voitures, et de les faire vendre. La distribution n’est pas forcément leur métier. Le groupe PSA est actuellement en recherche de cash, cela lui permet de mieux traverser cette période compliquée, quitte à faire le chemin inverse quand la situation sera assainie.
JA. Les exigences des constructeurs en termes de standards vous semblent-elles encore justifiées dans la période actuelle ?
JD. Nous ne pouvons pas nous défendre en ne nous positionnant que sur le prix. Nous devons apporter une qualité de service, et les standards demandés par les marques vont dans ce sens.
Mais bien qu’ils aient été assouplis, les standards nous limitent encore dans notre marge de manœuvre. Les exigences des constructeurs nous prennent de l’énergie, des moyens, que nous pourrions orienter ailleurs, en faveur de nos volumes et de notre rentabilité. Nous aimerions pouvoir respirer davantage, avoir une capacité d’initiatives plus forte, surtout dans nos marges, qui sont trop engagées aujourd’hui. Nous sommes à l’étroit dans ce commerce.
JA. Faut-il, selon vous, remettre en question ou revoir le système de distribution actuel ?
JD. Le métier évolue, mais il n’y aura jamais de révolution, simplement des évolutions dans le temps, qu’il faudra suivre. A nous d’avoir une lecture à moyen terme de ces mutations. Mais face aux exigences accrues des clients, je pense que nous devons dépasser le seul statut de distributeur automobile en transformant l’expérience client pour nous rapprocher de la réception et des services que l’on trouve dans l’hôtellerie.
JA. Le groupe JMJ n’est ni un grand, ni un petit groupe de distribution. Cette taille est-elle bonne ?
JD. Nous pouvions déjà nous poser cette même question quand nous ne possédions que deux sites. La vérité est qu’il faut être réactif par rapport aux opportunités. Il est certain que la façon de travailler change quand vous passez de 30 à 500 collaborateurs. Mais nous avons su franchir les étapes, nous ajuster, tout en restant en phase avec notre philosophie et le métier. Nous sommes restés une entreprise à taille humaine, qui nous assure une proximité avec nos collaborateurs et nos partenaires du réseau secondaire.
JA. Qui est le plus exigeant à ce jour : le constructeur ou le banquier ?
JD. Nous n’avons pas observé d’exigences accrues de la part des banques. Elles nous accompagnent dans une relation de partenariat.
JA. Avez-vous le sentiment qu’il est plus périlleux d’investir aujourd’hui ?
JD. Cette année, 75 % des réseaux sont dans le rouge, nous manquons clairement de visibilité. Aussi, la problématique n’est pas tant de savoir si c’est plus ou moins périlleux, mais tout simplement si tel investissement représente un risque. Nous avons en revanche une certitude : les voitures continueront de rouler et de se vendre.
JA. Vous venez de poser un premier pied sur le marché suisse. Quelle est la genèse de ce développement ?
JD. Le groupe est implanté le long de la frontière suisse, sur 200 km. Il était donc logique que nous franchissions un jour la frontière. En mars 2012, nous avons saisi l’opportunité de reprendre une succursale Citroën dans le canton de Neuchâtel dans laquelle nous distribuons également la marque Peugeot. Cela nous ouvre les portes à d’autres développements.
JA. Travaille-t-on de la même manière des deux côtés de la frontière ?
JD. Contrairement au marché français, où les deux marques représentent environ 15 % de pénétration chacune, en Suisse elles ne pèsent plus que 5 % du marché. Le potentiel et la concurrence sont donc différents. Nous nous retrouvons alors dans la peau de certaines marques importées sur le marché hexagonal. C’est une étape très intéressante à vivre.
Par ailleurs, même si la langue est identique en suisse romande, les mentalités sont distinctes. Nous ne mettons pas forcément en avant le fait que nous sommes Français. Si le volet social est de 43h, la productivité est pour autant moins forte qu’en France. Les centres de réparations rapides, qui représentent un argument aux yeux des Français, ne sont pas perçus comme un avantage de l’autre côté de la frontière. Un Suisse ne comprend pas que l’on travaille rapidement sur sa voiture.
JA. Quelles sont vos ambitions pour cet exercice 2013 ?
JD. Nous avons atteint en 2012 une rentabilité satisfaisante de 1,02 %, qui sera difficile à reconduire en 2013. Les premiers tableaux de bord sont à l’équilibre, voire légèrement négatifs. Notre ambition est de stabiliser la baisse. En VN, il sera compliqué de progresser au sein des affaires où nous sommes au-dessus de la moyenne France. Nous nous évertuerons à accroître notre pénétration là où nos performances sont inférieures. Pour les autres activités nous devrions pouvoir les maintenir au niveau de 2012.
*Le groupe a fait l’acquisition du site Citroën de Louhans (71) en juin 2001, suivie des succursales Citroën de Dijon et de Marsannay-la-Côte (21) en septembre 2011.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.