Le réseau Renault retrouve-t-il les sommets ?
Une chose est sûre : la marque Renault est sortie de l’anonymat dans lequel elle se trouvait ces derniers temps. Bien sûr, on exagère quelque peu, mais l’élan nouveau que connaît le losange ces derniers temps est sans commune mesure avec les années précédentes. Un élan qui se fait tout d’abord ressentir au niveau des produits. En effet, depuis le lancement de la Clio IV fin 2012, la gamme de la marque s’est considérablement renouvelée. Outre la citadine, Renault a investi avec succès le segment des SUV urbains avec le Captur, tout en renouvelant parallèlement la Twingo. Plus récemment, le losange a enfin dégainé le Kadjar, l’Espace V, mais aussi le Talisman, berline du segment D, qui vient remplacer la Laguna et même l’insipide et déjà oubliée Latitude, des modèles qui coiffent la gamme par le haut. Enfin, d’ici quelques mois, Renault dévoilera également une remplaçante à la Mégane et toute sa famille (Scénic…). Qui dit mieux ? Peu de marques peuvent en effet se targuer d’avoir une politique produits aussi densément riche. Fin 2014, Renault pouvait déjà se réjouir de quelques-uns de ces lancements, lesquels ont porté la marque sur le marché français puisque celle-ci totalisait en fin d’année dernière 353 890 unités commercialisées, en progression de 4,82 %, pour une part de marché nationale de 19,71 % (VP). Des résultats surtout portés par les têtes de gondole que sont les Clio (115 201 unités), Captur (62 984 unités), Mégane (93 854 unités) et Twingo (42 016 unités). Un semestre plus tard, à fin juin, la marque poursuit sa progression : + 9,9 % à l’issue d’un premier semestre pendant lequel Renault a écoulé 208 606 VN pour une part de marché de 20,5 % (+ 6,4 % pour l’ensemble VP/VUL). Des résultats qui réjouissent aussi Philippe Buros, directeur Commerce France de la marque. Mais pas seulement.
Une politique produits saluée par les distributeurs
Après des années difficiles, le réseau se félicite aussi du retour commercial du losange. “Les résultats de la marque depuis deux ans sont en très nette amélioration et devraient continuer dans ce sens. En outre, la politique produits est bonne, rassurante et encourageante pour l’avenir”, a d’ailleurs témoigné Alain Daher, dirigeant du groupe Bodemer. Un sentiment partagé par Stéphane Michel, dirigeant du groupe éponyme, qui souligne de son côté “la bonne politique produits et la dynamique que traverse la marque actuellement”, tout en rappelant “le côté rassurant au niveau du design et le succès des modèles récents”. De son côté, Edouard Schumacher, dirigeant du groupe francilien, se félicitait récemment (JA n° 1227) de l’arrivée de l’Espace V au sein de la gamme. “Si Renault n’est pas une marque Premium, elle possède néanmoins dans sa gamme des produits tels que l’Espace V qui peuvent être considérés comme Premium”, confiait l’opérateur.
De nouvelles initiatives au sein du réseau
Ce dernier incarne, à l’instar de certains de ses confrères, le nouvel élan que traverse le réseau Renault. Un dynamisme qui a démarré notamment avec le déploiement des Renault Store au sein des concessions du losange voilà plus de deux ans et en passe de se terminer aujourd’hui. Tous les opérateurs du réseau s’y sont mis et reconnaissent l’utilité du concept “faisant entrer la concession Renault dans une nouvelle ère plus moderne, où le digital a sa place”. Outre les Renault Store, préconisés par le constructeur, de nombreux distributeurs ont modifié et modernisé leurs installations. Ainsi, le groupe Schumacher ouvrait l’an passé à Nanterre (92) la première concession à abriter d’un côté les marques du groupe Renault et de l’autre celles du groupe Fiat. Inédit, voire même impensable, il y a peu de temps ! Plus récemment (JA n° 1228), le groupe Havard a inauguré la plus grande concession Renault de France (en plus des panneaux Nissan et Dacia) au Val d’Europe (77). Stéphane Michel n’est pas en reste : le dernier vainqueur du trophée du Groupe de l’Année du Journal de l’Automobile n’a eu de cesse ces derniers mois de remettre aux normes tous ses sites au losange tout en densifiant son offre avec la marque en reprenant l’an passé la succursale d’Angoulême (16) et ses 1 700 VN.
Plus de reprises qu’à l’accoutumée
Cette acquisition, certes d’importance, ne fut pas la seule au sein du réseau Renault. En effet, alors que le réseau avait la réputation, à juste titre d’ailleurs, d’être un réseau dénué de mouvements, il fut quelque peu surprenant de constater certaines évolutions ces derniers mois. Des évolutions non sans importance qui ont permis à certains opérateurs de se mettre en évidence. A commencer par l’opération de croissance la plus marquante, tous réseaux confondus d’ailleurs : la reprise du groupe Mennetrier et de toutes ses affaires Renault/Dacia/Nissan par le groupe Gueudet. Ce dernier, désormais deuxième groupe de distribution de l’Hexagone avec 32 000 VN écoulés, a sans aucun doute réalisé une opération d’envergure en raflant quinze points de vente Renault, dix Dacia et sept Nissan en Haute et Basse-Normandie, lesquels totalisent plus de 7 000 VN, lui permettant d’écouler aujourd’hui la bagatelle de 23 563 véhicules neufs Renault par an. Toujours au sein des grands groupes de distribution, le groupe PGA s’est également renforcé dans la marque au losange en s’emparant du groupe Domont et de ses deux affaires de Marignane et Vitrolles (13), portant sur 1 800 Renault neuves et 460 Dacia neuves. De son côté, le groupe Rousseau s’est emparé du Garage de la Gare de Beauchamp, situé à Pierrelaye (95). Enfin, le groupe Autoreva dirigé par Yann Milliez rachetait les affaires Tupinier Auto2 à Auxerre et Avallon (89), renforçant ainsi le dispositif du groupe Autoreva déjà présent à Joigny, toujours dans l’Yonne.
Des résultats en progression, mais des critiques qui subsistent
Des reprises et acquisitions qui ont encore modifié le visage du réseau Renault. En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années, le nombre de sites primaires est passé sous la barre des 700 points de vente pour terminer l’exercice 2014 à 685. La direction du réseau du losange nous a signalé lors du dernier Bilan des Réseaux (JA n° 1222) que onze concessions et annexes ont été fermées l’an passé pour aucune ouverture en contrepartie. Avec 87 investisseurs en place aujourd’hui (contre 89 un an plus tôt), le réseau Renault reste toutefois le plus concentré de France (7,87 sites par investisseur). La réorganisation entreprise en son sein, tout comme l’amélioration des ventes de la marque en 2014 (+ 4,8 %) ont aussi permis aux opérateurs de retrouver des affaires plus fructueuses : avec une rentabilité moyenne de 0,52 %, le réseau Renault a sorti l’an passé la tête de l’eau et retrouve ainsi le niveau qui était le sien en 2008 ! En outre, le CA moyen par affaire de 33,61 millions d’euros fin 2014, en progression de 7,11 % par rapport à 2013, est à nouveau le plus important de l’Hexagone. Au regard des ventes en progression, du plan produits plus vaste avec des véhicules plus rémunérateurs (Espace, Talisman, voire Kadjar) et surtout des ambitions retrouvées, il n’y a pas de raisons que cela cesse. Des progrès soulignés par les distributeurs eux-mêmes qui rappellent ainsi “que les relations avec leur concédant sont aujourd’hui au beau fixe et surtout constructives”. Dans ce panorama, tout n’est cependant pas parfait et des critiques émanent du réseau. Ainsi, pour certains, “les stocks sont encore trop nombreux, tout comme les plans d’enlèvements”, quand d’autres regrettent “les résultats financiers au sein du réseau, encore trop bas”. Mais la plupart se rejoignent pour dire que la marque “pratique trop d’ingérence auprès des distributeurs”, la jugeant même parfois “inquisitrice”. Sévères, les distributeurs ? Peut-être, mais ils veulent aussi retrouver les sommets.
-----------
FOCUS
Quid du réseau secondaire ?
C’est avant tout le réseau secondaire Renault qui a évolué ces dernières années. En effet, de 2012 à 2013, le nombre de points après-vente vivait une sérieuse cure d’amaigrissement, passant en l’espace d’un an de 5 071 à 4 602 sites. “Sur les 500 agents que nous avons perdus, 350 étaient des agents relais, un statut créé en 2002 et qui avait vocation à disparaître. Quant aux 150 autres, il s’agissait pour la plupart de personnes qui ne souhaitaient pas investir dans de nouveaux standards. Ceux qui ont en revanche investi nous ont permis aussi d’améliorer la qualité du réseau car il fallait en passer par là”, nous avait expliqué à l’époque Alain Lehmann, directeur du développement Renault (JA n° 1197). Fin 2014, le réseau secondaire s’est à nouveau réduit dans la mesure où le nombre de points de vente est passé à 4 373 sites.
----------
QUESTIONS À… Philippe Buros, directeur Commerce France de Renault.
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quels enseignements tirez-vous des résultats enregistrés par la marque Renault à l’issue du premier semestre ?
PHILIPPE BUROS. Tout d’abord, le marché est supérieur à ce que nous attendions. Par ailleurs, la part de marché Renault en VP est la meilleure atteinte depuis 2010, ce qui est à noter. Parallèlement, nous progressons aussi légèrement en VUL (+ 4,9 %). Quant aux résultats de Dacia, ils étaient attendus compte tenu d’un surplus de portefeuille en Duster jusqu’à fin mai. Au global, Renault progresse en VP et en VUL quand Dacia va repartir de l’avant au second semestre.
JA. A quoi attribuez-vous principalement ces résultats ?
PB. A nos produits, essentiellement, avec les fers de lance que sont la Clio ou le Captur notamment. Mais nous avons aussi renouvelé l’Espace il y a quelques semaines, nous sommes en plein lancement de Kadjar, pour lequel le premier mois est pleinement satisfaisant. Tout ceci couronné par la découverte de Talisman qui sera lancé au dernier trimestre. Au global, nous nous attendons à une bonne fin d’année. Des produits auxquels il faudra aussi ajouter la nouvelle Mégane, ce qui fait que nous avons devant nous dix-huit mois “sympathiques” et intéressants, surtout pour notre réseau qui découvre des nouveaux produits de nouvelle génération à tous points de vue.
JA. Le réseau a terminé l’an passé avec une rentabilité de 0,52 %. S’il est encore trop tôt pour connaître ce taux à l’issue du premier semestre, quelles sont néanmoins les tendances qui se dégagent ?
PB. Nous sommes sur un trend de l’ordre de + 0,2 % par rapport à l’année dernière, qui peut nous amener à + 0,7 ou + 0,8 % sur l’ensemble de l’exercice, ce qui, rapporté à de gros chiffres d’affaires, donne des rentabilités respectables pour nos opérateurs.
JA. Outre les produits et la réorganisation du réseau (les Renault Store), quels chantiers allez-vous mener à court terme ?
PB. Nous avons travaillé sur la réorganisation tout en bénéficiant d’une amélioration du marché, atteignant des pénétrations importantes (26,89 % VP + VUL fin juin, N.D.L.R.). Comme je le disais, nous avons dix-huit mois devant nous pendant lesquels nous devons nous occuper à réussir et maîtriser les différents lancements des nouveautés de la gamme. La marque y croit, le réseau y croit. Nous devons nous focaliser dessus, en cherchant à gagner des parts de marché, y compris sur le segment haut, afin de gagner de l’argent.
JA. Certains distributeurs émettent quelques critiques sur la marque, la jugeant parfois trop “inquisitrice”, ou l’accusant de pratiquer trop “d’ingérence”. Que leur répondez-vous ?
PB. Connaissez-vous beaucoup de marques dans le monde, autre que Renault, qui réalisent 27 % de pénétration sur son marché local ? Je n’en connais pas. On n’atteint pas de tels résultats sans mettre de pression forte. Ensuite, les distributeurs sont des chefs d’entreprise, notre rôle consiste à donner des méthodes, des process, à eux de prendre ou pas. S’ils ont les moyens de faire mieux, je ne suis pas contre, on regardera les résultats à la fin.