“La valeur des concessions est orientée à la baisse”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quelles conséquences peut-on attendre de la concentration des réseaux de distribution et du surdimensionnement de ceux-ci par rapport au marché ?
STEVE YOUNG. Depuis un moment déjà, nous avons prédit une bombe à retardement au niveau du nombre de concessions par rapport au rétrécissement des réseaux traditionnels, ce qui va créer un déséquilibre avec une offre supérieure à la demande, des infrastructures supérieures aux besoins du marché. De plus, même dans des zones où les sites seront conservés, les concessions existantes sont parfois trop grandes et mal configurées au regard des nouvelles exigences liées à la digitalisation du process de vente, ce qui va engendrer une baisse des loyers. La conjugaison de ces deux facteurs va faire baisser la valeur des concessions, affaiblissant ainsi le secteur, notamment dans le rapport avec les banques ou les autres prêteurs, ceux-ci étant enclins à limiter leur soutien ou à augmenter leurs taux quand ils identifient un facteur risque croissant en amont. Cette situation va aussi affecter les propriétaires des sites, majoritairement des familles qui avaient pris l’habitude d’une certaine sécurité au niveau des revenus immobiliers, même s’ils ne sont pas forcément actifs dans la gestion opérationnelle des concessions. Cette crise de confiance aboutira à la sortie du marché d’un certain nombre d’investisseurs, renforçant ainsi la tendance actuelle d’une baisse du nombre d’investisseurs plus rapide que celle du nombre de points de vente.
JA. Les groupes de distribution ont-ils intérêt à traverser les frontières pour continuer à croître, on pense notamment à la piste de croisements capitalistiques pour une approche paneuropéenne ?
SY. Nous constatons un intérêt croissant pour une expansion transfrontalière de la part des groupes de distribution, mais le phénomène demeure encore modeste et limité à des zones où il existe des affinités culturelles ou de langue, à savoir la péninsule ibérique, la Scandinavie, les pays francophones ou germanophones. Par ailleurs, une expansion internationale réussie nécessite que le groupe acquéreur apporte un réel avantage concurrentiel au groupe racheté, lui assurant un gain de parts de marché. La notion de capital peut naturellement avoir son importance, mais au-delà de l’effet d’échelle internationale, on sait que l’impact de ce type d’opérations reste limité du fait même de la structuration actuelle de la distribution automobile. L’investisseur doit plutôt apporter de meilleures pratiques et des process plus performants qui peuvent s’appliquer à un nouveau marché, avec des adaptations si nécessaire. Par exemple, cela peut concerner une meilleure approche de l’activité VO en appliquant des recettes qui ont fait leurs preuves ailleurs. En outre, comme le nombre d’investisseurs se réduit et que le marché de la distribution se concentre, nous pensons qu’il y aura des opérations de croissance internationale à l’avenir, car les opportunités domestiques deviendront trop réduites.
JA. Nous constatons que des groupements d’intérêts financiers ont tendance à se substituer aux traditionnelles affaires familiales : quels sont les risques et les opportunités de cette tendance ?
SY. Pour les raisons que nous venons d’évoquer, mais aussi parce qu’il y a actuellement un changement de génération et une demande d’investissement croissante dans les infrastructures de la part des constructeurs, nous pensons que cette tendance va se confirmer, les familles laissant la place à des groupes financiers, même si elles gardent des participations dans les affaires. Si cette situation présente un risque, il réside dans la possible perte de la touche personnelle qu’apportaient les familles, ce qui rime avec proximité, ainsi que dans une connaissance moins précise des zones de chalandise et des organisations des plaques. A l’inverse, les opportunités se font jour au niveau de l’accès au capital à moindre coût, de partenariats renforcés avec les constructeurs, ce qui ouvre des perspectives d’investissements partagés pour développer les nouvelles technologies et des process plus sophistiqués.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Alexandre Guillet