S'abonner
Distribution

La révolution du 1er mai 2004

Publié le 4 juin 2004

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
L'élargissement de l'Union à 25 pays offre des opportunités en matière industrielle mais soulève de nombreuses questions en ce qui concerne le droit de la concurrence. L'Union européenne a fait coïncider à la date du 1er mai 2004 une série de changements majeurs dans son...
L'élargissement de l'Union à 25 pays offre des opportunités en matière industrielle mais soulève de nombreuses questions en ce qui concerne le droit de la concurrence. L'Union européenne a fait coïncider à la date du 1er mai 2004 une série de changements majeurs dans son...

...organisation. En premier lieu, le 1er mai 2004 est entré en vigueur le 5e élargissement de l'Union avec le passage de 15 à 25 Etats membres. En second lieu, le système juridique organisant le droit de la concurrence a été complètement revu avec effet à la même date : l'application des règles de concurrence a été entièrement décentralisée et un système d'exemption légale substitué à celui de l'interdiction/autorisation. Ces changements, associés à la poursuite des travaux en vue de l'adoption d'une Constitution européenne, portent en germe une révolution dans le fonctionnement de l'Union. L'Europe réalise ainsi à la fois son élargissement et son approfondissement : élargissement par le grand bond vers l'Est, qui se poursuivra en 2007 avec l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie, et peut-être de nouveaux accords avec d'autres Etats des PECO ; approfondissement grâce à une intégration plus poussée et une application rapprochée du droit communautaire. La portée de ces bouleversements ne peut pas encore être entièrement appréciée. Quelles en seront les conséquences pour la distribution automobile ?

I. L'élargissement

De nouveaux défis industriels et commerciaux. Pour l'industrie automobile européenne, le principal défi de l'élargissement consistait dans la préparation de sa présence sur les marchés des PECO et dans la possibilité de profiter à la fois des avantages des facteurs de production locaux et de la croissance de la demande interne de ces Etats. L'industrie française s'est assez bien préparée à ces défis puisqu'elle est présente dans plusieurs de ces nouveaux Etats membres où elle occupe des positions commerciales importantes. Les réseaux de distribution ont dû être réorganisés également.
Mais aussi juridiques. Les problèmes liés au passage du règlement n° 1475/95 au règlement n° 1400/2002 se sont posés également dans les nouveaux Etats membres et de façon encore plus complexe. En effet, avant même l'échéance de l'adhésion, de nombreux Etats avaient mis leur législation interne en conformité avec le droit communautaire, en s'inspirant soit du règlement automobile, soit du règlement restrictions verticales. La non-coïncidence des dates d'application de ces législations nationales représente un facteur de complexité dans la gestion des réseaux. Dans un souci de simplification, il a été décidé que le nouveau règlement automobile n° 1400/2002 s'appliquerait à compter du 1er mai 2004 avec une période de transition de 6 mois. Du point de vue commercial, les déclarations des constructeurs et des distributeurs laissent à penser que l'élargissement ne devrait pas donner lieu à des perturbations majeures même si dans certains cas les écarts de prix pourront conduire à des phénomènes de réimportation entre marchés proches (voir l'enquête du JA du 7 mai 2004).

II. La décentralisation et l'exception légale

• La modification de la portée du règlement automobile par le nouveau régime applicable à compter du 1er mai 2004. La  Brochure explicative et son complément de novembre 2003 n'envisagent aucunement les conséquences pour l'application du règlement automobile de l'entrée en vigueur au 1er mai 2004 du règlement-cadre n°1/2003. Or ce nouveau règlement procédure modifie radicalement le cadre juridique de l'article 81 en substituant un régime d'exception légale décentralisé au système classique de notification centralisée auprès de la Commission. L'article 81-3 est désormais d'application directe et les notifications individuelles disparaissent. La Commission perd son monopole d'application de l'article 81-3, toutes les juridictions et autorités nationales étant désormais compétentes pour le mettre en œuvre. A notre sens, cette réforme affectera la portée du règlement automobile. Celui-ci pose des conditions assez rigides qui ne sont pas toutes justifiées du strict point de vue du droit de la concurrence. Le nouveau système encouragera les opérateurs à faire valoir que leur accord n'est peut-être pas conforme au règlement mais qu'il remplit néanmoins toutes les conditions de l'exception de l'article 81-3. Aujourd'hui cadre rigide d'exemption, le règlement se transformera, à notre sens, progressivement en circulaire d'interprétation. Cette évolution devrait concerner en particulier les exclusivités de marque qui sont souvent justifiées d'un point de vue concurrentiel et les conditions du règlement qui n'obéissent pas à une logique concurrentielle, mais sont plutôt inspirées par le solidarisme contractuel (Pour aller plus loin, voir notre ouvrage, Droit de la distribution automobile, sur l'élargissement aux dix nouveaux Etats membres : p. 101-102 ; sur le nouveau système d'exception légale et les conséquences du règlement n° 1/2003 : p. 127-128 et 137-140).


Louis et Joseph Vogel





CV

Louis et Joseph Vogel sont les deux associés du cabinet Vogel et Vogel. Ils sont tous deux avocats au barreau de Paris. Agrégé des Facultés de droit, diplômé de Yale Law School, Louis Vogel est également professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris II). Il a publié de nombreux livres et articles en droit européen, droit de la concurrence et droit de la distribution. Joseph Vogel est diplômé d'HEC et de l'Institut d'études politiques de Paris. Ils travaillent pour de nombreux constructeurs.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle