Julien Soares, Car Trade France : "Nous voyons les concessionnaires dissoudre les équipes d'achat"
Le Journal de l'Automobile : Comment se résume le rôle de Car Trade France sur le marché des voitures d'occasion ?
Julien Soares : Notre projet est né d'un constat, celui de la nécessité de développer une entreprise qui servirait d'intermédiaire à l'échelle européenne. J'ai passé plus de vingt ans au service de Fiat, puis de Mercedes, en France. Je sais que les constructeurs et les grands loueurs ont des cellules de remarketing des voitures d'occasion, mais ils ont aussi besoin de partenaires pour absorber les volumes excédentaires.
J.A. : Jouer à l'échelle européenne impose tout de même une certaine forme de déontologie…
J. S. : En effet, nous établissons les règles avec chacun de nos apporteurs d'affaires. Par exemple, pour le compte d'un constructeur japonais, nous nous interdisons de revendre leurs voitures d'occasion aux concessionnaires français. Les offres sont systématiquement formulées hors des frontières.
J.A. : La société Car Trade France a été fondée au printemps 2020. Le monde a bien changé dans la foulée. Comment avez-vous fait évoluer votre concept initial ?
J. S. : Il est vrai qu'à la suite de la pandémie, Car Trade France a dû, comme tout le monde, faire face à la pénurie. Par conséquent, nous avons démultiplié nos fournisseurs. Les concessionnaires et les marchands ont été démarchés. Aussi, nous avons lancé un service de cellule d'achat externalisée.
Nous étions inquiets pour 2024. En vérité, les problématiques devront être affrontées en 2025
J.A. : Quel est l'accueil du marché ?
J. S. : Notre plateforme prend de l'ampleur, car certains grands groupes commencent à se détourner de cette activité. Nous voyons des équipes d'achat se dissoudre chez les concessionnaires. Comme les buy back arrivent en masse, sans gestion calendaire du phénomène, les cellules semblent perdre en intérêt aux yeux des investisseurs. Cependant, les responsables VO (RVO) n'ont plus le temps de chercher et de gérer les dossiers administratifs. Ce que nous faisons.
J.A. : Dans les faits, comment fonctionne la plateforme de Car Trade France ?
J. S. : Pour nous démarquer, nous avons fait le choix de renoncer aux systèmes d'enchères et de soumissions. Je crois que les professionnels sont fatigués de passer du temps à miser pour finalement remporter peu d'enchères. Notre approche semble pertinente, car nous avons abaissé la rotation moyenne à 15 jours et 70 % des voitures d'occasion exposées repartent en 48 heures.
J.A. : Vos confrères sont partagés sur la notion d'achat en lots. Quelle est votre opinion sur le sujet ?
J. S. : Je suis d'accord avec ceux qui pensent que l'achat en lot est passé de mode. Il faut fonctionner de manière unitaire. Mais, nous serons rattrapés par la réalité. La vague de buy back que j'évoquais juste avant va conduire le marché à revenir à cette pratique. Il y aura des opportunités. Encore faudra-t-il accepter d'absorber quelques pertes parfois.
J.A. : Ce qui implique d'avoir des moyens. Jouerez-vous cette manche ?
J. S. : Nous avons commencé. En février 2024, Car Trade France a acheté un lot de près de 240 exemplaires de Citroën C3 Puretech. Nous avons pris trois mois pour le revendre intégralement et la partie de volume a été orienté vers l'Italie, où se trouve notre actionnaire, le groupe Automontreal. Idem, en août, quand les agence de location courte durée ont anticipé les fins d'exploitation en prévision d'une fin d'année difficile et d'atténuer les risques de chute de valeur résiduelle. Ils ont utilisé une place de marché et des canaux parallèles comme les nôtres.
J.A. : Que cela présage-t-il de l'année à venir ?
J. S. : Nous étions inquiets pour 2024. En vérité, les problématiques devront être affrontées en 2025. Tout le monde se félicite du volume de ventes. Or, j'alerte sur le nombre d'invendus. Des constructeurs ouvrent des parcs immenses pour stocker des voitures neuves et d'occasion qui ne trouvent pas d'acheteur. Le segment des électriques en est l'illustration. Les ventes d'occasion ne décollent pas, si bien que les concessionnaires repartent sur des cycles de location. À mon sens, cela ne fait que décaler les soucis dans le temps car personne ne cherche à assainir la situation des valeurs résiduelles.
J.A. : Dans ce contexte, quels sont vos projets et ambitions ?
J. S. : Notre force doit rester la réactivité. Nous voulons passer de 2 000 unités en 2024 à 2 500 unités en 2025. Il nous faut donc aller chercher de nouveaux clients, mais aussi avoir davantage la mainmise sur l'approvisionnement de la plateforme. Raison pour laquelle Car Trade France va créer une filiale de location qui proposera des voitures et utilitaires neufs et d'occasion. Elle s'adressera aux entreprises peu considérées par les financeurs. Car Trade France financera les flottes et supervisera les buy back pour optimiser le couple âge-kilométrage. Ainsi, nous fabriquerons des véhicules d'occasion à recommercialiser sur notre plateforme.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.