Jean-Louis Mosca, co-dirigeant du groupe Gerbier-Mosca
JA : Que représente aujourd'hui le groupe Gerbier Mosca ?
JLM : L'ensemble de nos contrats représente désormais un volume de 27 000 VN, pour un périmètre de 720 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous sommes présents en France et en Suisse francophone. Nous représentons le groupe Fiat, historiquement, puis les groupes PSA, Volkswagen, General Motors, Ford et très prochainement le groupe Renault.
JA : Depuis quelques années, votre groupe ne cesse de croître, notamment par le biais d'une importante croissance extérieure. Comment parvenez-vous à financer une telle politique de reprise sans jouer avec votre endettement ?
JLM : Lorsque nous avons commencé, nous avions effectivement 100 % d'endettement. Comme quoi le manque d'argent n'empêche pas l'entreprise. Chacun de nous trois (avec David et Jérôme Gerbier) a emprunté 400 000 euros afin de constituer des fonds et racheter notre première affaire. Mais au fur et à mesure, ce taux est bien évidemment descendu. Aujourd'hui, nous veillons donc à ne pas dépasser un certain seuil d'endettement. Il est actuellement de 50 %. Nous avons été des élèves sérieux. Nous nous sommes rapidement aperçus que la capitalisation était fondamentale dans ce métier. Il n'est pas d'entreprise qui ne puisse survivre sans être profitable. Dans chaque opération, nous devons avoir le souci d'effectuer un développement rentable. Au sein des concessions, c'est la même chose. Chaque activité doit être profitable. Quand nous reprenons une affaire, nous déployons ainsi un système qualité pour relever les indicateurs et viser la rentabilité. Et la base de tout cela, c'est le client. La satisfaction client mène à la rentabilité.
JA : Justement, quelle est votre profitabilité ?
JLM : Nous avons une rentabilité de 1,5 % de notre chiffre d'affaires. Ce qui n'a rien de négligeable en valeur absolue. Il y a peu de secteurs qui garantissent un tel retour.
JA : Pouvez-vous nous éclairer sur votre organisation, qui peut parfois paraître complexe ?
JLM : Le groupe Gerbier Mosca est un groupement de concessions que David, Jérôme et moi avons créé. Une association basée sur la liberté d'entreprendre et le respect de chacun des investisseurs. Il n'y a pas d'ingérence dans les affaires des autres. Chacun est libre de suivre ou pas dans les affaires que nous réalisons. Ce qui est une sorte de garde-fou. C'est en effet plus rassurant quand deux ou trois associés suivent que lorsqu'on est seul.
En marge de cela, Jérôme et moi avons eu la volonté de créer "By My Car" afin de faire adhérer l'ensemble de nos cadres dirigeants à cette structure. Pour ce faire, nous avons donc créé une entreprise qui se nomme la "Société des managers", dans laquelle nos cadres dirigeants participent et qui représente aujourd'hui 5 % du capital de By My Car. Nous avons aussi voulu accueillir un nouvel associé qui vient de la grande distribution. Jean-Pierre Roche nous a rejoint dans By My Car. Ce qui fait 4 associés.
JA : Dans votre stratégie, il semble y avoir une logique de marque, mais un peu moins de territoire. Quelle est-elle exactement ?
JLM : Les vérités sont successives et si, à un moment, on peut penser qu'il faut rester localisé pour rester performant, cela peut être exact. Mais à un autre moment, avec une autre organisation, on peut franchir les frontières et s'autoriser des reprises loin de ses bases. C'est une question de maturité d'entreprise. Je pense qu'on peut toujours gagner de l'argent dès lors que l'on fait correctement son métier et que l'on offre au client des services qu'il est prêt à payer.
JA : Vous venez justement de faire votre entrée dans le réseau BMW à Paris ? Pourquoi BMW et pourquoi Paris ?
JLM : Paris représente 20 % des immatriculations françaises. Un si beau territoire mérite qu'on s'y attache. Ensuite, BMW a une politique très logique sur la représentation de la marque à Paris. Il y avait un nombre d'affaires trop important, avec une mauvaise représentation, un mauvais taux de satisfaction client… Pour donner à chacune des entreprises la chance de se développer, il fallait réduire le nombre de sites. Ce plan qui consiste à diviser Paris en 4 secteurs, d'avoir une affaire en intra muros de manière à avoir un service de proximité, puis un certain nombre de sites en première couronne, est une stratégie calquée sur celles d'autres secteurs, du type Decathlon, etc. La présence dans Paris doit exister. Les affaires doivent simplement avoir un volume suffisant pour créer des structures d'accueil satisfaisantes pour le client. Nous croyons en ce business modèle. C'est un challenge, mais le risque est pour moi minime. Dans chaque problématique, il y a des pépites. Il s'agit de les trouver. L'approche que nous avons des reprises fait que nous gagnons les batailles avant même qu'elles n'aient lieu. C'est-à-dire que l'analyse des dossiers, aussi bien du point de vue financier que des études de charges ou des capacités de vente, est très importante chez nous. Quand l'équation économique n'est pas bonne, il ne faut pas le faire. C'est tout.
JA : Aujourd'hui, dans votre portefeuille de marques, vous avez des généralistes et des premiums. Est-ce que certaines marques exotiques ou de luxe vous intéresse ?
JLM : Le luxe n'est pas un domaine qui nous attire spécifiquement. D'abord, nous n'avons jamais eu l'opportunité. Ensuite, c'est une relation d'hyper-proximité à adopter avec la clientèle. C'est presque un autre métier. Pour ce qui est des marques exotiques, s'il y a du volume, la donne sera différente.
JA : Sur quels leviers basez-vous précisément votre croissance ?
JLM : Je crois que le business modèle d'une concession repose sur 4 ou 5 activités. Il est clair qu'il ne peut pas y avoir de rentabilité si chacun de ces centres de profit n'est pas rentable. Nous avons connu des difficultés chez certains constructeurs, que nous avons bien vécues car nous avons su développer l'après-vente, le service et aller chercher des ventes additionnelles…
JA : L'an dernier, le VO a fait beaucoup de mal à la trésorerie des distributeurs. Qu'en a-t-il été pour vous ? On voit apparaître également de nouvelles initiatives de distributeurs sur le VO, comme des centres pour particuliers, des labels de distributeurs, ou même des réseaux. Entendez-vous mettre en place une telle initiative ?
JLM : Il faut arriver à mettre en place une qualité d'organisation, de rachat, de remise en état et une transparence de négociation qui fasse que le client soit enclin à vous vendre sa voiture en même temps qu'il en rachète une. De cette façon, ce métier est profitable. Du reste, notre activité VO est profitable. Mais nous n'avons pas de projet de label ou de réseau indépendant.
JA : Quid de l'Internet ?
JLM : C'est une manne. Or, la multiplication des contacts clients fait partie de nos métiers. Nous sommes donc présents sur le Web au travers de sites d'annonces, mais pas encore avec un outil propre. Je pense que si quelque chose doit être mis en place, c'est au constructeur de le faire. Peugeot l'a notamment très bien réussi.
JA : Vous semblez suivre les constructeurs, sans vouloir tirer parti de la force que vous représentez pour prendre des initiatives. Pour quelles raisons ?
JLM : Certains pensent qu'il y a quelque chose à tirer d'un rapport de force. Pas moi. Je pense que l'on tire davantage d'un consensus. Aujourd'hui, nous sommes là pour nous adapter et rester à l'écoute du marché. Il y a des veilles mises en place chez les constructeurs. Les marques cherchent le meilleur pour leur réseau, le best practice. Je considère donc que la lutte est un gaspillage d'énergie. Nous sommes là pour accompagner les constructeurs, pas pour nous y opposer. Nous souhaitons resserrer le partenariat avec eux et les accompagner dans leur évolution. C'est le client qui l'exige. Quand on est consommateur, on vient acheter un produit d'une marque, avec des valeurs de marques, sur un territoire de marque. Nous devons donc renforcer ce partenariat afin de coller à la demande du client.
JA : On sent parfois les distributeurs totalement étrangers au débat sur la future réglementation européenne. Etes-vous sensibilisé à ce sujet et qu'en pensez-vous ?
JLM : La réglementation, nous ne la faisons pas, nous la suivons. Par ailleurs, je suis convaincu que les constructeurs connaissent l'importance de leur réseau. Quelle qu'elle soit, l'évolution de la réglementation ne me fait donc pas peur.
Photo : Après des débuts dans la grande distribution (Auchan), puis un passage chez un constructeur (Fiat), Jean-Louis Mosca, 44 ans, est aujourd'hui l'un des plus importants distributeurs de France. Il est l'un des trois co-dirigeants du groupe Gerbier Mosca.
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