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Distribution

"Il faut trouver une taille critique appropriée et s’y tenir"

Publié le 1 juillet 2011

Par Gredy Raffin
12 min de lecture
Cyrille et René Paumier, président du groupe Nep-Car et président du conseil de surveillance - Bien qu’il se situe sur l’une des zones de la région parisienne les plus complexes à travailler et qu’il soit pour ainsi dire monomarque, le groupe Nep-Car parvient à tirer son épingle du jeu en se positionnant auprès des particuliers et des grandes entreprises locales. Une réussite partagée entre père et fils.
Cyrille Paumier

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment expliquez votre croissance de 2010 ?
Cyrille Paumier.
Nous avons profité des aides de l’Etat. Les ventes à particuliers se sont envolées, qui plus est au dernier trimestre 2010. Cela nous a permis de réaliser des volumes que nous n’avions pas enregistrés depuis longtemps. Cette augmentation peut également s’expliquer par une réorganisation du groupe qui a renforcé les ventes à sociétés.

JA. Qu’entendez-vous par là ?
CP.
Nous avons créé un pôle dédié à la vente à sociétés. Cela a consisté
à réunir tous les commerciaux sur un même site, quand auparavant ils prospectaient depuis plusieurs affaires. Ils sont chapeautés par un Chef des ventes en charge du management de ce Pôle Sociétés Groupe. Nous avons un site à Villepinte (93), qui a été calibré en termes de réception après-vente professionnelle. Il y a quatre ans, nous avons agrandi la concession pour y intégrer notamment une carrosserie et des nouvelles aires de préparation et de livraison. En renfort, le site de Gonesse (95) a également été optimisé pour accueillir cette population et leur livrer des véhicules. Mais notre affaire de Villepinte reste notre noyau central, d’autant que celui d’Aulnay-sous-Bois (93) a atteint son maximum. Cette organisation répond à notre problématique : nous travaillons principalement avec des sièges sociaux et filiales basés dans la zone de Roissy même si, parfois, les véhicules sont aussi à livrer en province, sur les sites opérationnels de nos clients. Mais nous avons aussi engagé avec le constructeur, une réflexion sur l’implantation d’un PRO+.

JA. Vous réalisez 6 000 VN, quel est le mix client ?
CP.
Sur l’année 2010, les particuliers sont montés dans le mix de vente. Avec 3 800 immatriculations, ils ont représenté plus de 60 %, quand habituellement nous sommes à 45/55 entre particuliers et professionnels. Le groupe a une répartition spécifique, et les sites de Chelles (77) et Sarcelles (95) comptent naturellement plus de clients particuliers que ceux d’Aulnay-sous-Bois, Villepinte et Gonesse, géographiquement situés au cœur d’une zone d’activité. Mais la poussée de 2010 a modifié ce constat.

JA. Qu’en est-il du VO ?
CP.
Nous avons principalement des marchands de proximité. Ce ne sont pas des gros volumes qui s’écoulent par ce canal, quelque 1 000 unités, mais cela représente environ 50 % de nos sorties. Nous n’avons pas une politique centralisée, nous laissons une indépendance organisationnelle à chaque concession mais en conformité avec les directives et la stratégie du groupe. Cela fait partie, cependant, d’une liste de projets à l’étude aujourd’hui, sans qu’il soit possible pour autant d’avancer des délais de concrétisation.

JA. On parle pourtant de l’année du VO, ne vous organisez-vous pas en conséquence ?
CP.
Tout à fait ! Nous avons un responsable métier transversal Groupe qui coordonne les actions à mettre en place et dans chaque affaire, un chef de vente VO.
Nos ventes sont plus orientées à particuliers, et nos achats extérieurs reflètent cette tendance. Le groupe Nep-Car estime que les gros marchands ont leurs partenaires, nous ne désirons donc pas chercher à nous inscrire comme des nouveaux entrants. Il y a quelques potentialités dans les années à venir, compte tenu de nos relations professionnelles. Mais, dans un premier temps, les ventes à particuliers restent notre axe prioritaire, et c’est d’autant plus valable si l’on considère le nouveau label du constructeur, les “Offres futées”, qui apporte des prix différenciants pertinents sur notre zone de chalandise, où le pouvoir d’achat est modeste, si ce n’est faible.

Nous avions d’ailleurs créé en 2010 notre propre label, “Easy Occasions” (l’appellation pourrait changer, N.D.L.R.), qui prévoyait le reconditionnement de véhicules de 4 à 8 ans et de 120 000 km au maximum, que nous avions pris pour habitude de céder à marchands. Nous vendons alors les voitures presque en l’état sur le plan esthétique, mais avec une révision mécanique afin de proposer des extensions de garantie de 3 à 36 mois accompagnées d’une solution de financement. Ainsi, nous collons à un budget en adéquation avec la demande locale. Nous vendons, sous ce label, une vingtaine d’unités par mois, mais le problème reste le sourcing compte tenu de l’impact de la prime à la casse qui a éliminé des véhicules qui auraient été éligibles à notre programme.

JA. Quelle analyse faites-vous du semestre ?
CP.
Nous avons connu cette situation auparavant. Avec les Jupettes et les Balladurettes, nous nous attendions à une baisse de marché, mais là, elle est significative sur les ventes à particuliers. A côté, sans compenser pour autant ce recul, le marché société se maintient. On ne peut qu’espérer un regain sur le dernier quadrimestre, grâce à des nouveautés produits. Mais, en définitive, il sera difficile, voire impossible, de retrouver des volumes proches de ceux de l’an passé.

JA. Renault et Dacia misent sur le prix, Hyundai sur le produit, comment conjugue-t-on leur philosophie ?
CP.
Au départ, quand nous avons pris Hyundai, le groupe souhaitait acquérir Nissan sur des sites délocalisés qui permettaient d’installer la marque. Or, nous n’avons pu concrétiser ce projet car la Marque était déjà présente sur chacune des zones que nous envisagions. C’était en 2006 et il nous fallait une marque forte sur le segment du SUV, en complément de notre Marque principale qui n’en commercialisait pas, avec des tarifs adaptés à notre marché. Cependant, Hyundai a subi en 2008 les effets de la législation, alors que nous commercialisions 50 à 60 % de SUV, nous entraînant dans une année difficile. Bien heureusement, les Coréens ont su réagir vite en réadaptant et en allongeant leur gamme sur des produits éligibles au Bonus Ecologique, et ramenant les SUV à 35 % des volumes. Un rééquilibrage du mix s’est opéré.

JA. Quelle est la place pour le haut de gamme dans le groupe, d’autant que Hyundai se positionne ?
CP.
Bien qu’il y ait deux marques sur le segment qui existent, Genesis et Equus, Hyundai n’a pas cette image de haut de gamme en Europe. C’est un segment difficile à pénétrer sur notre continent car les marques allemandes ont la mainmise sur les volumes. Cela demande une structure totalement adaptée aux attentes des clients. Il faut se construire une image et, pour cela, nous devons réaliser des volumes significatifs. Toyota, Nissan et Honda sont passés par là avant nous, et nous constatons qu’il faut du temps. Bien évidemment, les opérateurs réclameront des garanties pour se lancer dans la création d’un réseau dédié, mais il est clair qu’on est en présence d’une niche qui leur permettra d’améliorer les rentabilités et de gagner en réputation.

JA. Comment les groupes pourraient-ils négocier la révolution automobile ?
CP.
Nous sommes dans un business de proximité et, malgré tout ce qu’on entend autour de grands projets Internet, dont il ne faut pas se couper, l’automobile nécessite d’être entretenue, d’être touchée, et notre présence physique restera nécessaire. Il n’y a qu’à observer Hyundai pour comprendre qu’à l’achat, le client se pose la question du service après-vente et de la capillarité du réseau capable de répondre à ses attentes. Combien faudra-t-il faire de kilomètres pour apporter sa voiture à l’atelier ? Maintenant, il faut être lucide et se demander si les structures que nous avons dans nos entreprises seront toujours appropriées demain.

JA. Mais il est également question de mobilité…
CP.
L’électrique est en effet un sujet chaud. L’enjeu est de révolutionner la mobilité et de bâtir un réseau de recharge dense. Pour nos clients habitant en résidence individuelle, il y aura peu de problème, mais pour les autres qu’en sera-t-il ? Résoudre cette problématique, c’est lever le premier frein au commerce de cette gamme de produits qui demeure la solution idéale en milieu urbain. Renault s’engage clairement dans cette voie avec une stratégie qui permettra de commercialiser des véhicules à des prix acceptables pour le client. La révolution de la mobilité est en marche !

JA. Vous semblez saluer le choix retenu par Renault, quelle en est votre analyse ?
CP.
La batterie est la composante qui fait varier le prix d’une électrique et suscite le questionnement du client. En retenant le choix de la location, on en reviendra à des tarifs proches des moteurs thermiques, et le consommateur ne se demandera pas quoi faire en cas de problème. Renault prend à contre-pied les autres solutions, et cela devrait être payant. Il y a une opportunité pour développer l’électrique plus rapidement que nous pouvions le penser.

JA. On parle de milieu urbain, quand on considère le cruel manque d’espace, comment pourrait-on réinventer la concession ?
CP.
On entend parler de showroom virtuel, mais je pense que rien ne remplace le contact humain et “physique” ainsi que la proposition d’un essai. Un client fait la différence entre les marques une fois au volant. Les gens ont besoin de réalité, nous devons la leur offrir. Une configuration électronique n’est néanmoins pas à exclure. Il faut le maîtriser.

Dans le domaine Après-Vente, sur la gestion des pièces, notamment, il y a peut-être des pistes à creuser.

JA. A quoi pensez-vous ?
CP.
Nous avons centralisé les stocks PR des concessions de Villepinte et Aulnay-sous-Bois, et réfléchissons à dupliquer le modèle en créant une synergie entre Gonesse et Sarcelles, ville dans laquelle nous avons un projet de déménagement car l’axe du tramway en construction condamne l’avenir de l’actuel site. Cette mutualisation des coûts est devenue un enjeu dans un contexte de rentabilité difficile. A l’intérieur d’une plaque, la réflexion est nécessaire et légitime avec l’aide et l’expertise du constructeur.

JA. Et une relation entre groupes peut-elle avoir du sens ?
René Paumier.
Capitalistiquement parlant, une association entre divers groupes pose par ailleurs des problèmes de relation. En effet, indépendamment du fait que chacun vit sa propre évolution, souvent par la voie du multimarquisme, nous sommes dans un milieu empreint d’un certain individualisme. Il y a des interrogations car la décennie 2010-2020 changera la face de l’automobile, et toutes les pistes sont à envisager…

JA. Quel pourrait être le futur de votre groupe ?
RP.
Souhaitons-nous devenir un mammouth de la distribution ? Non. D’ailleurs, nous pouvons voir que certains groupes importants ont rationalisé leur structure et se désengagent de certaines affaires, c’est la vie d’un réseau de distribution. Les grands groupes automobiles ne sont pas forcément l’unique solution d’avenir du secteur.

L’essentiel et l’indispensable de notre métier restent avant tout notre capacité à recevoir et conseiller le client avec tout le respect et toute l’attention qui lui sont dus. Et parfois, plus votre groupe est important, plus vous vous dessaisissez du contact avec le client.

Nous sommes purement partenaires de Renault. Hyundai représente une complémentarité de produits à notre activité. Nous opérons sur une zone, le Nord-Est parisien, économiquement difficile. A Sarcelles, par exemple, où différents problèmes économiques sont concentrés, l’image de la ville est difficile et il faut redoubler d’effort pour attirer des collaborateurs. Le coaching des équipes prend alors une tout autre dimension.

CP. Si on conquiert un territoire voisin pour accumuler de la clientèle, on se retrouve fatalement en concurrence avec un nouvel opérateur frontalier. Grossir pour générer des économies d’échelle peut alors être sans fin. Il faut trouver une taille critique appropriée et s’y tenir, au risque de perdre rapidement le contact avec nos collaborateurs, et donc en qualité de service.

JA. Nourrissez-vous toutefois des ambitions de croissances externes ?
CP.
Non, pas à proprement parler. Si cela se faisait, nous n’irions pas nous implanter hors de notre zone, afin de conserver cette rationalité territoriale qui est la nôtre. Mais pour l’heure, l’amélioration de notre organisation interne requiert tous nos efforts.
Nous sommes cependant à l’écoute des évolutions possibles…

JA. Comme gérer l’amélioration du service après-vente qui est en proie à une forte concurrence ?
CP.
Je pense que dans un contexte de concurrence exacerbée, notre service après-vente doit devenir plus professionnel. Les clients n’ont plus forcément le réflexe, même pendant la période de garantie, de venir faire entretenir leur véhicule à la concession. Fort heureusement, nous sommes soutenus par un constructeur innovant en matière de communication et qui a su voir le virage pris par le service après-vente. Illustration faite quand on voit que les concurrents nous emboîtent le pas. Les centres-autos viennent sur notre commerce que sont l’entretien et la garantie. Nous, en réponse, allons clairement sur leur terrain de l’intervention rapide.

JA. La politique de promotion menée à l’après-vente ne grève-t-elle pas votre bilan financier ?
CP.
Il est vrai qu’il y a quelques années, l’excédent technologique a entraîné de lourdes dépenses en formation des compagnons. Nous amortissons maintenant cet investissement car il n’y a plus de bonds technologiques, mais des évolutions progressives maîtrisées. La stratégie de l’offre promotionnelle est valorisée par la compétence des collaborateurs. Ce qui sera d’autant plus valable dès lors que l’électrique entrera en jeu, car nous serons les premiers  à réellement détenir les habilitations pour pouvoir intervenir sur les véhicules.

JA. Comment reprendre la main sur ce marché de l’accessoire qui vous échappe ?
CP.
C’est un sujet important chez Renault. Par le biais d’Internet, le groupe Nep-Car a un projet de réaliser un site marchand pour accessoires. Nous en sommes au test en interne.

De plus, il nous faut le soutien et l’implication des équipes commerciales sensibilisées à ces ventes complémentaires sur la vente de nos véhicules neufs et occasions. En attendant, un site marchand peut apporter une image forte d’acteur du marché de l’accessoire et augmenter le chiffre d’affaires.

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