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Entretien avec Edouard Michelin, président-directeur général et cogérant de Michelin : "Nous voulons être des initiateurs du développement du concept de mobilité durable"

Publié le 10 octobre 2003

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Organisé au pied levé au cœur du circuit Infineon, le point presse avec Edouard Michelin s'est déroulé en toute décontraction et... en toute franchise ! Une bonne occasion de faire le point sur les objectifs poursuivis par le Challenge Bibendum et sur l'engagement de Michelin en faveur de...

...la mobilité durable, des énergies nouvelles et des véhicules propres. Florilège de réponses choisies.


Le Journal de l'Automobile : Pourquoi avoir choisi les Etats-Unis pour organiser cette 5e édition du Challenge Bibendum Michelin ?
Edouard Michelin : Tout d'abord, je tiens à souligner que les enjeux liés au concept de mobilité durable trouvent un écho de plus en plus important à travers le monde. Je suis moi-même surpris par ce phénomène. Agréablement surpris bien entendu ! Cette prise de conscience croissante se mesure tout particulièrement aux Etats-Unis et avec une grande acuité en Californie. Après plusieurs éditions organisées en Europe, le choix des Etats-Unis s'est donc imposé cette année comme une évidence.


J.A. : Ce millésime 2003 est marqué par l'absence des constructeurs français. Comment analysez-vous ce que l'on peut pudiquement appeler la timidité de nos constructeurs nationaux ?
E.M. : Michelin n'a pas à juger les constructeurs français et nous pensons simplement que leur absence s'explique par le fait qu'ils ne disposent pas de couverture industrielle sur le marché automobile américain.


J.A. : Quelle est la légitimité de Michelin pour organiser une manifestation d'envergure dédiée à la mobilité durable, voire à la protection de l'environnement ?
E.M. : Nous n'analysons pas notre action en ces termes. D'ailleurs, nous ne cherchons pas, et nous n'avons pas, à définir les enjeux que recouvre la mobilité durable. Nous nous attachons simplement à créer la situation idoine pour que ces enjeux soient l'objet de discussions ouvertes, de prises de position et de dialogues constructifs. Par rapport à cette ambition, nous pensons avoir réussi.


J.A. : Ne pensez-vous pas que les constructeurs cherchent surtout à se donner bonne conscience en présentant des




CURRICULUM VITAE

  • Nom Michelin
  • Prénom Edouard
  • Age 40 ans

    Diplômé de l'Ecole Centrale de Paris, Edouard Michelin rejoint l'entreprise familiale en 1985 où il occupera différents postes de responsabilité. Il prend ensuite la direction de la fabrication de l'usine du Puy-en-Velay avant d'être nommé President et Chief Operating Officer de Michelin Amérique du nord. Outre-Atlantique, il assume la direction industrielle de l'ensemble des usines nord-américaines du groupe, côtoie Carlos Ghosn et se rompt aux pratiques libérales. Nommé cogérant du groupe en 1991, il rejoint François Michelin et René Zingraff au siège de Clermont-Ferrand courant 93. Depuis l'assemblée générale du 11 juin 1999, il est le nouveau président-directeur général de Michelin.

  • véhicules utilisant des énergies dites "propres" ?
    E.M. : Je ne pense pas que l'on puisse dire cela. En revanche, il faut bien comprendre que nous en sommes au stade du frémissement par rapport à l'utilisation en grande série de ces nouvelles énergies et technologies. La vraie question d'avenir est donc de savoir qui va acheter ce type de véhicules. D'où l'importance de l'information, de l'incitation, mais aussi de la définition de règles de marché adaptées à ces avancées et respectant le principe de concurrence. Le Challenge Bibendum va dans ce sens. Bref, nous ne pouvons que progresser par étapes. Mais c'est la loi naturelle de fonctionnement de toutes les innovations significatives.


    J.A. : Est-ce cette même loi qui explique les difficultés de diffusion que rencontre actuellement le Pax System ?
    E.M. : Oui, mais il faut savoir être patient. Prenez les exemples de l'airbag ou de l'ABS, il y a toujours une phase de maturation avant qu'une innovation ne s'impose sur le marché. Le Pax System n'échappe pas à la règle, mais je puis vous garantir que des projets de grande série sont actuellement en cours de négociations.


    J.A. : Revenons à la mobilité durable, pensez-vous qu'il faut légiférer pour imposer les véhicules dits "propres" ?
    E.M. : C'est une question complexe et nous pensons qu'il s'agit surtout de trouver un juste équilibre entre la loi du marché et la coercition. Par expérience, nous savons tous qu'un autoritarisme schématique et mal géré se révèle souvent commercialement stérile, voire dangereux. Il est inutile d'essayer d'imposer une énergie ou une technologie nouvelle en allant à l'encontre de la liberté individuelle du consommateur. Vis-à-vis des clients potentiels, l'essentiel est d'identifier les bons mécanismes d'incitation à l'utilisation et à l'achat et de les mettre en œuvre. Mais ces mécanismes sont complexes !


    J.A. : Etes-vous surpris par les performances élevées, en matière de contrôle des émissions, affichées par les motorisations Diesel sur le Challenge Bibendum ?
    E.M. : Je ne suis pas surpris outre mesure par ces performances environnementales de bonne facture et, comme vous pouvez le constater, la problématique "Diesel" est très présente sur le Challenge. En dépit de son problème d'image et de son intérêt économique moindre à la pompe, le Diesel possède un réel potentiel commercial aux Etats-Unis. C'est aussi le cas sur les marchés émergents. Comme d'autres carburants ou énergies, il a des atouts d'avenir significatifs et les avancées présentées ici par Bosch, par exemple, en sont la parfaite illustration.


    J.A. : Pensez-vous que l'émergence de nouvelles technologies affichant des indices d'émissions de gaz polluants très faibles annonce la disparition des motorisations essence ?
    E.M. : Non, je pense que les motorisations essence ont encore de beaux jours devant elles. On annonce leur disparition depuis plusieurs années et, à chaque fois, elles réussissent la figure du Phénix, en réalisant des progrès considérables, notamment par rapport au respect des normes environnementales.


    J.A. : De quelle nature sont les retombées du Challenge Bibendum pour le groupe Michelin ?
    E.M. : En interne, nous utilisons le Challenge pour sensibiliser tous nos employés, via des documents écrits et des vidéos par exemple, à la problématique de la mobilité durable. Nous leur expliquons les motivations de notre engagement dans cette




    EN BREF

    2004

    La prochaine édition du Challenge Bibendum se déroulera en Chine. Les relatifs bons résultats des constructeurs français, notamment PSA, nous laissent espérer une présence pour cette édition. Durant cette étape californienne, tous les constructeurs français ont brillé par leur absence.
    démarche globale, afin que ce dernier soit le plus collectif possible. Par rapport à l'extérieur, le Challenge nous apporte une notoriété certaine, notamment auprès de nos partenaires, et la satisfaction de faire partie du club des initiateurs au niveau des efforts déployés pour le développement du concept de mobilité durable et pour la promotion des véhicules propres de demain.


    J.A. : Quel est le budget de cette manifestation ?
    E.M. : C'est un budget conséquent... un budget de plusieurs millions d'euros.


    J.A. : C'est vague…
    E.M. : Nous serons en mesure de vous donner un chiffre plus précis dans quelque temps...


    J.A. : Ne pensez-vous pas qu'il existe une forme de contradiction entre l'organisation du Challenge Bibendum et votre engagement dans la compétition automobile en F1, un monde aux antipodes du respect de l'environnement ?
    E.M. : Non, ce n'est pas une contradiction, car nous menons des recherches différentes par le biais de ces deux engagements. Ce sont deux leviers de progrès qui peuvent apparaître opposés, mais qui se révèlent très complémentaires par rapport aux recherches sur le pneumatique. Nous n'avons donc aucun scrupule à avoir dans ce domaine.


    J.A. : A titre personnel, utilisez-vous un véhicule propre au quotidien ?
    E.M. : Disons que j'alterne entre le vert et le rouge !


    J.A. : Pour conclure, pouvez-vous nous exposer les raisons qui expliquent le choix de la Chine pour l'organisation du Challenge Bibendum 2004 ?
    E.M. : Ce choix nous semble pertinent, car le marché chinois constitue un enjeu capital pour l'industrie automobile. Ce marché a un potentiel à la fois immense et très spécifique. En outre, les Chinois, comme les Asiatiques en général, sont très sensibles aux défis du respect de l'environnement. Nous pensons qu'ils feront les bons choix et qu'ils seront en tête de file pour accepter les nouvelles technologies de mobilité. Nous voulons aussi les y aider. D'une manière générale, je pense que nous allons être surpris par le tour que prendra le développement automobile dans ce pays. La tenue du Challenge Bibendum en Chine dès l'an prochain nous permettra de mesurer plus précisément ces tendances.


    Propos recueillis par Alexandre Guillet

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