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Distribution

"Dans la plupart des marchés, il est indispensable de disposer des réseaux de garages"

Publié le 6 mai 2011

Par Hervé Daigueperce
12 min de lecture
Roland Dilmetz, directeur général d’ATR International AG - Dirigeant le groupement international de distributeurs de pièces indépendants, ATR International AG, Roland Dilmetz dépeint, non sans humour, son organisation, la plus importante au niveau européen.
Roland Dilmetz en compagnie de Marcus Hähner, responsable grands comptes Allemagne de NTN - SNR Roulements, fournisseur IPAS.

Journal de l’Automobile. Comment se porte le groupement de distribution ATR, et comment a-t-il vécu la crise ?
Roland Dilmetz.
Pendant la période de crise proprement dite, nous ne pouvons pas dire que nous avons souffert. Au contraire, nos liens avec nos fournisseurs se sont resserrés et nous avons développé des parts de marché ensemble. Certains de nos adhérents à l’Est ont subi quelques ralentissements mais qui sont plus liés aux problèmes de monnaie à l’extérieur de la zone euro qu’au marché. Depuis trois ou quatre ans, notre développement s’avère très important dans les pays de l’Est et globalement nous progressons partout. En 2010, nous devrions dépasser les 4,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires (soit 25 % de croissance), on ne peut pas parler de crises ou alors, je suis d’accord pour les vivre ainsi !

JA. En France, ATR n’est représenté que par un adhérent, est-ce une règle ou plusieurs possibilités existent-elles ?
RD.
Dans la plupart des pays, nous avons plusieurs adhérents, plusieurs groupes de distribution de pièces. La situation en France s’avère, au contraire, plutôt une exception et cela n’est pas lié, par exemple à la taille, puisqu’en Allemagne, nous disposons de trois très grands groupes adhérents. En revanche, cela tient au volume du marché. Quand une entreprise seule n’est pas assez représentative dans un pays, d’autres sont recherchées, comme en Grande-Bretagne, où nous en comptons deux. En Ukraine, nous attendons plusieurs adhésions parce qu’il y a 55 millions d’habitants et que nous sommes sous-représentés.

JA. Pour poursuivre sur la question du “maillage”, pensez-vous être suffisamment représenté en France ?
RD.
Avec la France, nous entretenons une belle histoire depuis longtemps, histoire qui a commencé par la rencontre avec Alain Laurent, qui préside aux destinées du groupe familial. J’apprécie particulièrement Alain Laurent, qui nous apporte son soutien depuis de longues années déjà et dont les qualités humaines sont remarquables. C’est, d’ailleurs, le premier membre, extérieur à l’Allemagne, à avoir rejoint le “supervisor report”. Nous avons eu, avec Alain Laurent, de très nombreux échanges, qui nous ont permis de mieux comprendre nos marchés respectifs et je me félicite de cette relation et plus encore de la représentativité d’ATR grâce au groupe Laurent en France.

JA. Ne disposer en France que de la couverture du groupe Laurent vous paraît-il suffisant ?
RD.
Il est clair que la taille du marché en France peut supporter plus d’un membre adhérent mais nous ne pouvons pas nous limiter à l’aspect purement “potentiel de volume” pour accroître notre présence. Beaucoup d’autres critères jouent comme la structure de la société, le comportement d’achat, les méthodes de travail, etc.

JA. Dans un marché qui constitue l’un des plus bataillés en Europe, est-il encore possible de faire prévaloir certaines valeurs sur la fascination qu’exerce la part de marché ?
RD.
Nous sommes présents dans 44 pays, et depuis le mois dernier, en Afrique du Sud, mais notre groupement s’envisage toujours comme une grande famille. Tous les membres se connaissent et les relations humaines, entre tous, sont très fortes. Nous avons des réunions fréquentes et nous nouons des contacts très personnels, c’est ainsi que le côté humain et des valeurs de respect mutuel prédominent dans notre groupement. J’ajouterais, de manière assez amusante, que nous avons toujours une dominante germanique alors qu’avec 44 pays nous sommes le plus international des groupements !

JA. Votre côté très allemand ne provient-il pas de la répartition de votre chiffre d’affaires ?
RD.
Je ne nie pas qu’il y a quelques années, 70 à 80 % du chiffre d’affaires étaient réalisés en Allemagne. Mais aujourd’hui, malgré l’importance de nos adhérents et de leurs clients en Allemagne, nous réalisons 70 % du chiffre à l’extérieur…

JA. Avec la puissance de feu dont dispose ATR en Allemagne, la tentation de venir sur le marché français n’a-t-il pas effleuré certains de vos adhérents allemands qui n’ont qu’une frontière à franchir…
RD.
La culture française s’avère bien particulière, surprend beaucoup les Allemands et les dissuade de venir chercher une place parmi autant de monde. Les entreprises allemandes ont, pourtant, l’habitude de se tourner vers l’international et de composer avec d’autres cultures, mais la France demanderait trop de temps à conquérir, à moins de passer par un management local, et encore. Je ne crois pas que cela soit une bonne opportunité. Lorsque j’étais jeune chef de produits chez Bosch, j’ai travaillé en Espagne et en France, nous étions appelés “les occupants, les têtes carrées, les casques à pointe” et quand je suis revenu, après 5 ans, mes collègues m’ont dit : “nous avons mis 5 ans pour arrondir ta tête, ne retourne pas en Allemagne, ils vont te la passer dans un moule pour la remettre au carré”. Les cultures sont bien trop différentes…

JA. Venir en France, pour les géants allemands, coûterait donc trop cher pour un retour sur investissement trop lointain ?
RD.
Ce qui est sûr, c’est que les entreprises allemandes ont dû s’occuper, depuis la chute du mur, de l’Est du pays, puis de l’Est de l’Europe et leur travail est loin d’être fini. Par ailleurs, il leur est plus naturel d’exploiter le savoir-faire qu’ils ont acquis à l’export sur les marchés émergents de l’Est jusqu’à la Chine plutôt que de tenter de grappiller des parts de marché minimes sur des marchés matures.

JA. Etes-vous satisfait du maillage international d’ATR ?
RD.
Nous sommes vraiment satisfaits de notre présence à l’international, et les actionnaires le sont sur leur territoire. Néanmoins, il existe toujours des zones qui méritent plus d’attention. En Italie par exemple, où nous avons eu plusieurs déconvenues. Je suis convaincu que nous avons une place à prendre et puis, je prends ce challenge comme une question personnelle : j’aime trop l’Italie, la cuisine, l’accent italien, pour partir sans voir le drapeau italien dans notre organisation, dussé-je y mettre 10 ou 15 ans !

JA. Un groupement international comme ATR est-il suffisamment armé pour aborder les grands comptes que sont les flottes d’entreprises, afin de leur fournir une solution globale ?
RD.
Nous travaillons déjà beaucoup, en Allemagne, avec les flottes, les groupes de centres-autos et les enseignes de spécialistes. C’est déjà une démarche naturelle pour nos adhérents. Cependant nous travaillons et investissons beaucoup d’argent - notamment en informatisation - pour que nous soyons prêts à faire face aux demandes européennes. Nous aurons une offre globale et européenne dans un proche avenir. Déjà, les principaux groupes disposent d’une facturation centralisée au niveau national, la prochaine étape sera de la passer au niveau international, il ne reste plus qu’à signer…

JA. Qu’est-ce qui vous différencie des trois autres grands groupements de distributeurs internationaux, ADI, GAI, et TI ?
RD.
“We’re simply the best” ! Plus sérieusement, ATR a développé une très large gamme de produits, d’activités et de services. Sur les 28 personnes travaillant au siège social, par exemple, 11 se consacrent aux concepts de garages. Nous en avons plus de 2 700 aujourd’hui qui sont affiliés. De plus en plus, en outre, nous nous consacrons à notre rôle de médiateur entre le fournisseur et l’adhérent pour améliorer le service que nous privilégions par-dessus tout. Nous suivons de très près les chiffres des différents marchés et nous avons dédié une équipe de 7 personnes - la plus importante dans ce métier - pour suivre le business avec les fournisseurs, comment il progresse, quels sont les freins, les pistes d’amélioration, etc. Et si un problème se pose entre fournisseurs et groupes de distribiteurs, nous intervenons en tant que modérateur.

JA. Quelles sont les conditions de recrutement et les conditions de référencement de vos fournisseurs ?
RD.
Actuellement, nous nous fondons sur 33 fournisseurs privilégiés, qui réalisent 70 % du chiffre d’affaires global, ceux que nous appelons les IPAS ou “International Preferred ATR Supplier”. Ce nombre volontairement restreint de partenaires relève d’une stratégie que nous avons initiée en 2006, de façon à ce que nous puissions bénéficier de part et d’autre de conditions satisfaisantes.

JA. Quel a été le moteur de votre management des achats ?
RD.
Dès 2004, le président d’ATR m’a demandé d’élaborer une stratégie fournisseurs qui puisse s’adapter à l’internationalisation croissante du marché. Si nous voulions une stratégie européenne, déjà, il fallait se concentrer et jouer la carte des volumes et des acteurs internationaux. Nous nous sommes aperçus alors, que, chacun, dans son pays adoptait sa propre stratégie d’achat, que nous atteignons déjà un nombre de 50 fournisseurs et que nous allions vers les 200, si on continuait sur le même rythme. Autrement dit, nous perdions à terme notre puissance d’achat. Et nous étions face à une problématique assez compliquée, augmenter le nombre des membres et réduire la base des fournisseurs, pour bénéficier de volumes intéressants.

JA. Comment adopter une politique de rationalisation des fournisseurs sans rogner le leadership de chaque membre dans son entreprise ?
RD.
Huit adhérents ont accepté d’analyser le marché et les structures des fournisseurs de tous les membres, des adhérents et bien sûr de déterminer les points communs. En dehors de quelques constats éloquents comme le nombre de 13 fournisseurs différents pour uniquement les plaquettes de frein, il est vite apparu que la rationalisation liée à l’internationalisation allait porter ses fruits rapidement. C’est pourquoi, en plusieurs étapes, nous avons construit notre corps de fournisseurs qui comprend 103 agréments internationaux dont 33 IPAS. Pour tout le monde, cela s’est révélé une excellente affaire puisque plus les volumes augmentaient, plus les fournisseurs et les adhérents y gagnaient.

JA. Cela signifie-t-il que les adhérents n’ont plus le loisir de prendre un nouveau fournisseur ?
RD.
En principe chacun est libre de choisir ses fournisseurs. La seule question à laquelle il doit réfléchir se pose ainsi : plus il est libre, moins il est membre d’ATR. Par ailleurs, chaque adhérent doit passer des commandes auprès des IPAS sous peine de payer des amendes.

JA. Le prix constitue-t-il le premier critère de sélection d’un fournisseur ?
RD.
La situation est simple : le prix est, bien sûr, demandé par les adhérents, cependant il doit toujours être conditionné par le service. Ce qui signifie que si la logistique, les fonctions support en marketing, le développement produits ou encore la qualité des relations entre les commerciaux des fournisseurs obtiennent satisfaction de notre part, le prix s’impose de lui-même, il se justifie. Si l’on investit dans la marque, la qualité de service s’avère le plus important.

JA. Beaucoup de vos concurrents réfléchissent à une seconde marque pour pallier les baisses de pouvoir d’achat et privilégient des MDD, comment réagissez-vous par rapport à cela ?
RD.
Cela fait une douzaine d’années que nous avons notre propre marque, ATR Cartechnic pour tout ce qui concerne les produits chimiques, soit environ 1 700 articles, surtout plébiscités en Allemagne. Nous vendons ainsi plus de batteries Cartechnic que de batteries de marques, bien qu’elles proviennent de chez un fabricant OE. Je pense que nous aurons plus de produits ATR à l’avenir, moins chers et qui viendront de chez nos fournisseurs première monte, des produits de qualité qu’ils savent nous proposer. Et nous comptons sur eux parce que l’environnement actuel, la montée des taxes, le vieillissement des véhicules et l’appauvrissement des automobilistes vont accroître ce phénomène de la recherche du prix le plus bas possible, par nécessité.

JA. Pensez-vous que les réseaux de garages soient indispensables pour pouvoir distribuer des pièces automobiles ?
RD.
Dans la plupart des marchés que couvre ATR, il est nécessaire voire indispensable de disposer de réseaux de garages. Deux concepts sont actuellement disponibles, l’un pour les revendeurs, l’autre au niveau international, européen, Auto Check Center (ACC), représenté en Allemagne, en Hongrie, en Turquie, en Grèce, et en Roumanie (une centaine de points), etc. Ces réseaux sont portés par les membres et non par ATR. Aujourd’hui, beaucoup d’adhérents des pays de l’Est sont intéressés et comptent installer des réseaux mais ils ont été ralentis par la crise et ont d’abord dû résoudre des questions de logistique centralisée avant de déployer les concepts de garages. Chaque membre est libre d’adopter le modèle qu’il souhaite mais le modèle que nous avons élaboré est tellement riche qu’il est adaptable, en fonction des modules, par la plupart des adhérents.

JA. Les grands équipementiers font le choix de centraliser la logistique produits, est-ce un choix possible, pour le groupement, de disposer d’un dépôt central européen ?
RD.
Nous sommes face à plusieurs situations logistiques avec nos différents membres. ATR s’appuie sur des leaders de la distribution qui ont déjà centralisé leur stock au niveau national voire européen. L’un d’entre eux dispose d’un magasin de 200 000 produits en stock, un magasin central ATR n’a donc aucun sens, d’autant que nos fournisseurs ont également des plates-formes internationales. La centrale n’a donc pas d’influence sur la logistique.

JA. Quel doit être le rôle d’un groupement international auprès de la commission européenne ?
RD.
Nous soutenons pleinement la Figiefa qui représente notre filière à Bruxelles. Je suis d’ailleurs totalement impliqué à la Figiefa, en tant que ATR mais surtout en tant que membre de l’organisation nationale allemande, la GVA comme la Feda en France. Nous multiplions les réunions pour la campagne Rights to Repair et ce sont les membres, dans chaque pays, qui financent cette campagne. Notre rôle est d’accompagner les démarches de la Figiefa, d’orchestrer si possible les actions de nos membres dans chaque pays en relayant les campagnes et de soutenir financièrement. Il est clair que nous devons soutenir les combats que mène la Figiefa pour défendre les intérêts de nos adhérents à la Commission et au Parlement européens.

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