Attention aux micro-monopoles de distribution
...sur le marché. C'est le cas, par exemple, des micro-monopoles de distribution automobile à l'échelle locale (une ville, un département). Lorsqu'un même investisseur y est concessionnaire de la quasi-totalité des marques significatives, que reste-t-il de la concurrence ? L'enjeu est loin d'être négligeable : si nous prenons pour référence un marché toutes marques inférieur à 10 000 unités, il suffit d'une vingtaine de cas en France pour que 100 000 immatriculations au moins soient concernées ; à l'échelle européenne, on dépasserait rapidement le million d'unités. Bien entendu, nous ne connaissons pas l'état d'avancement des réflexions de la Commission européenne en la matière, ce qui nous permet d'aborder très librement la question et d'imaginer comment elle pourrait réagir face à cette menace. D'abord, ces micro-monopoles seront-ils considérés par la Direction de la Concurrence comme légitimes au regard de la réglementation européenne ? Naturellement, ce qui suit n'engage que nous-même.
Micro-monopoles et concurrence
A notre avis, les micro-monopoles, aussi petits soient-ils, constituent, de facto sinon de jure, une sérieuse entorse aux règles de la concurrence. Plus exactement, on a du mal à penser que le consommateur européen, qui devrait être le principal bénéficiaire de la nouvelle réglementation européenne, sera particulièrement satisfait dans ses exigences par l'existence d'un monopole local. L'investisseur, qu'il ait choisi de regrouper sous un même toit toutes les marques qu'il représente, ou qu'il ait laissé subsister des structures séparées, fera en sorte que les remises clientèle ou les surévaluations des reprises soient harmonieusement modérées, de façon à ne pas se faire du mal. Mais il y a autre chose : le fait de représenter (presque) toutes les marques met l'investisseur à l'abri d'une éventuelle ouverture de points de vente de la part de concessionnaires concurrents. L'existence d'un monopole de fait dans un marché local restreint en termes de volumes potentiels est extrêmement dissuasif pour un nouvel investisseur : il faut être dépourvu de tout sens des affaires pour aller dépenser beaucoup d'argent dans le seul but d'arracher quelques ventes à un potentat local. En d'autres termes, le micro-monopole tend à recréer une exclusivité territoriale de fait. On en revient, localement, au bon vieux système sélectif et exclusif.
Réintroduire plus de concurrence ?
Que pourra faire la Commission européenne ? Pas grand-chose avant 2010, date prévue pour la rédaction éventuelle d'un nouveau règlement. Avant cela, la DGCCRF sanctionnera les activités anticoncurrentielles. Le nouveau règlement, en revanche, pourra changer la donne au moyen de nouvelles dispositions. L'une d'entre elles pourrait être de ne pas faire bénéficier de l'exemption les accords verticaux éliminant "la concurrence pour une partie substantielle des biens et services en cause" (Considérant 31 du 1400/02), en se référant à des marchés ou zones d'influence dépassant, par exemple, 3 000 immatriculations annuelles. Une mesure analogue pourrait consister en une invalidation des mandats des concessions concernées, pour tous les cas où un même investisseur et ses "entreprises liées" réalisent plus de 60 % des immatriculations dans (une de) leur(s) zone(s) d'influence. Mais il est par ailleurs possible que la question des micro-monopoles puisse être réglée de fait par des dispositions d'une portée plus générale. Lesquelles supposeraient cependant que le prochain règlement soit caractérisé par une nouvelle élévation du niveau de la concurrence, notamment en appliquant à la vente VN les règles retenues pour l'après-vente dans le règlement 1400/02. Si c'était le cas, la Commission disposerait de plusieurs armes. Pour favoriser l'entrée de nouveaux entrepreneurs dans la distribution, y compris sur les marchés locaux les plus modestes, elle retiendrait la seule sélectivité qualitative, et pourrait définir et énumérer les quelques rares domaines de pertinence des critères de sélection, ainsi que le montant maximum de leur impact économique rapporté aux bénéfices attendus, en limitant particulièrement les exigences concernant les points de vente supplémentaires. La Commission contredirait-elle ainsi certaines de ses propres indications récentes, marquées par le souci compréhensible de protéger les investissements des réseaux existants ? Sans doute, comme cela a toujours été le cas lorsqu'un règlement en a remplacé un autre. Heureusement.
Ernest Ferrari, Consultant
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.