Prévisions 2014 - Etat stable mais critique
2013 : seuil plancher…
Comme prévu, le millésime 2013 a été mauvais pour le commerce de véhicules neufs en France. Le marché des véhicules légers (VP&VUL) s’est établi à 2 157 804 immatriculations, soit une baisse de 5,5 % en données brutes et de 4,7 % à nombre de jours ouvrables comparable sur la même période de référence 2012. Sur le seul périmètre VP, le recul s’affiche à 5,7 % en données brutes et à 5 % à nombre de jours ouvrables comparable. Symboliquement, le marché français passe sous la barre de 1,8 million d’immatriculations, à 1 790 473 unités. “Ce recul était attendu et le marché clôture in fine un peu en dessous de nos prévisions initiales, mais l’écart est moins significatif qu’avec les prévisions initiales des constructeurs”, commente Carlos Da Silva, analyste chez IHS, avant de poursuivre : “Le scénario que nous avions imaginé s’est révélé exact, avec un premier semestre très difficile puis une légère reprise, notamment en fin d’année et surtout au niveau des commandes, plus encore que sur les immatriculations”. Un exercice qui aura aussi été marqué par des effets parasites liés à certaines annonces, le meilleur exemple restant le bonus-malus.
L’effet “nouveautés” fonctionne encore à plein
En somme, le marché français, comme le marché européen d’ailleurs (voir Focus ci-dessous), a donc vraisemblablement atteint sa valeur plancher, ce qui rime avec sa pire performance depuis quinze ans. Un élément qu’il convient de prendre en compte alors que les marques françaises n’étaient pas les plus exposées l’an passé, bénéficiant de nouveautés sur des segments à forts volumes. Las, la crise de confiance des ménages et l’extrême prudence des entreprises auront limité la portée de ce tremplin. Cependant, Carlos Da Silva ne cherche pas à noircir le tableau : “Si nous nous référons aux turbulences que traversent encore l’Europe et la France, nous constatons que le marché français est tout de même légèrement décorrélé de la macro-économie, car il reste à un niveau correct. En fait, les gens ont encore du pouvoir d’achat et on le vérifie d’ailleurs en voyant que l’effet “nouveautés” fonctionne encore à plein, surtout que la dimension émotionnelle de l’achat demeure. Le succès du Renault Captur en est la parfaite illustration”. Tout en refusant le déni de crise et en reconnaissant que l’achat “pratique et pragmatique” a aussi renforcé des positions : “La confirmation du succès de Dacia, avec une Sandero sur un nuage, en est un bon exemple, sachant que Dacia joue un peu en dehors du marché VN, dans la veine du détournement de VO. Dans un registre distinct et à un degré moindre, les résultats de Skoda constituent un autre exemple de ce phénomène”.
Lancement manqué pour la 208
Au niveau des marques françaises, sur fond de fortes tensions sur le groupe PSA, Peugeot a souffert au cours de l’année écoulée. Principalement à cause de nouveautés prometteuses, mais qui n’ont pas donné leur pleine mesure. C’est notamment le cas de la 208. “On peut parler de lancement manqué, car l’offre de motorisations était vraiment trop lacunaire au départ et cela a clairement joué un rôle négatif. A cause de ce faux départ, ce véhicule n’exprimera sans doute pas tout son potentiel, une situation qui bénéficie de surcroît à la Clio”, souligne Carlos Da Silva, avant d’ajouter : “On peut se poser la question des arbitrages qui ont été effectués pour ce modèle… En effet, la réduction de la masse et l’amélioration de la qualité perçue sont manifestes, mais est-ce vraiment ce qu’attendent en priorité les clients de ce segment ?”. Si ses qualités sont incontestables et ses résultats satisfaisants, force est aussi de reconnaître que le petit SUV 2008 a perdu son bras de fer avec le Captur. Là encore, l’image du modèle est peut-être trop polie et sérieuse vu le segment concerné, mais Carlos Da Silva estime que le 2008 a encore une chance de rattraper son retard. Enfin, la 308, bien calibrée par rapport à la cible du segment C, enregistre de bons résultats en France et cela devrait se confirmer. Le souci porterait plutôt sur le potentiel du modèle hors de France : “Sur les autres marchés européens, comment faire valoir une identité forte en se positionnant face à Volkswagen ? Il ne faudrait pas que le benchmark avec la marque allemande devienne obsessionnel, car cela comporte des risques”.
DS : de la difficulté de la montée en gamme
Chez Citroën, si la baisse en volume a été plus marquée l’an dernier, les perspectives sont plutôt bonnes aux dires de Carlos Da Costa : “On sent une bonne dynamique et la stratégie de design est à la fois cohérente et aiguë. En outre, le positionnement de deux gammes, C et DS, est bien pensé pour la France, même si le réel défi, plus difficile de prime abord, consistera à savoir l’exporter. Dans cette optique, l’accueil réservé au Cactus et son lancement donneront une première clé de réponse”. On peut néanmoins penser que le modèle suscitera une saine curiosité au-delà du seul cercle des clients traditionnels et qu’il bénéficiera à la marque, notamment sous l’angle de l’image. Par ailleurs, le bilan intermédiaire de la ligne DS est plus nuancé. La DS3, “une voiture que tout le monde comprend tout de suite”, continue sa belle histoire, mais dépend fortement de la France et du Royaume-Uni qui pèsent 60 % des ventes. A une échelle bien plus modeste en volume, la DS4 parvient à se maintenir, tandis que la DS5 souffre, y compris dans l’Hexagone. De la difficulté de la montée en gamme et du juste dosage dans l’hybridation des segments… “C’est un travail de longue haleine et il est trop tôt pour en tirer des conclusions définitives au niveau européen ou français. Une certitude, la ligne DS a eu un effet très positif sur l’image de la marque”.
L’enjeu du low-mainstream européen
Chez Citroën, l’arrivée du nouveau C4 Picasso a aussi retenu l’attention des observateurs, même s’il est né à une mauvaise période, eu égard à l’attractivité du segment, et son image est légèrement troublée entre gamme C et ligne DS, car la richesse de son contenu technologique est presque paradoxale par rapport à sa dimension usuelle. Cependant, selon Carlos Da Silva, “le véhicule redéfinit bien ce que peut devenir le segment MPV, avec une vision de hatchback surélevé. Volkswagen avait exploré ce territoire avec la Golf Plus”. Par ailleurs, le double positionnement complémentaire de Citroën (C et DS) fait des émules, car Skoda et Fiat explorent des solutions qui vont dans la même direction, famille 500 et famille Panda par exemple. “Or, ce sont trois marques qui veulent s’ancrer dans le low-mainstream européen”, relève Carlos Da Costa, avant de poursuivre : “Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de low-cost. D’ailleurs, l’exemple de Dacia n’est pas duplicable en Europe et il ne faut pas oublier que la France représente à elle seule 40 % des volumes de la marque en Europe de l’Ouest. Bref, dans son registre, Skoda a su relever le défi du “rationnel” comme le traduit le slogan “Simply clever”. Citroën et Fiat doivent faire la même chose, avec leur propre interprétation, technologique pour les chevrons et dans la veine sympathique et de l’émotion latine pour Fiat”.
Renault et Volkswagen sortent du lot
D’une manière générale, PSA aura été l’un des grands perdants de l’année 2013, au-delà même des turbulences qui agitent le groupe en haute sphère. “Mais les choses devraient mieux se passer en 2014”, avance Carlos Da Silva. Plusieurs autres généralistes ont d’ailleurs souffert, comme Fiat, Ford et Opel et dans certains cas, il est délicat de pronostiquer un rebond en 2014, surtout pour ceux qui ont soutenu artificiellement leurs volumes via le réseau et la LCD. On peut aussi évoquer le cas de Chevrolet, même si l’annonce du baisser de rideau change les perspectives. “Le volume va forcément baisser cette année, mais le levier des prix cassés permettra de retarder la chute libre, plutôt attendue en 2015”, note Carlos Da Silva. Toujours chez les généralistes, Hyundai et Kia marquent logiquement le pas, mais il convient de ne pas y voir une alerte significative. Et pour Carlos Da Silva, “Kia est dans une position plus saine que Hyundai en France, car son image est plus claire et intelligible”. En revanche, rien à signaler du côté de Volkswagen, même si la politique de financement très agressive de 2013 n’a sans doute pas eu toute l’efficacité qu’on pouvait en attendre. “L’exercice 2014 sera sans doute un peu plus délicat, car on ne sera pas dans un temps fort du plan “produits”. Mais Volkswagen peut parfaitement négocier ce cycle et il n’y a pas de véritable nuage à l’horizon”, indique Carlos Da Silva. Une autre satisfaction vient de Renault, qui a enregistré une belle année 2013 en profitant à plein de l’effet de ses nouveautés. Ce sera sans doute un peu plus délicat cette année, mais IHS voit tout de même la marque orientée à la hausse grâce au lancement de la nouvelle Twingo, même si le modèle ne sera naturellement pas exploité commercialement en année pleine.
La remarquable capacité de résistance et de réaction du Premium
Enfin, un mot sur le trio allemand du Premium qui ne bénéficiait pas d’un environnement favorable, notamment avec le coup dur du malus, surtout pour les segments C et D. Mais une nouvelle fois, Audi, BMW et Mercedes-Benz ont fait preuve d’une capacité de résistance et de réaction remarquable. “Leurs efforts sur le segment C, particulièrement chez BMW, sont à souligner”, relève Carlos Da Costa, en anticipant une année 2014 qui restera délicate, toujours avec le malus à contourner. Dans une sphère similaire, via la descente en gamme orchestrée autour du Macan, Porsche devrait connaître “une année record, spectaculaire même !”. Souci de riche entre guillemets, le véritable enjeu se situera vraisemblablement autour de la bonne gestion d’une forte demande face à une attribution de Macan limitée.
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FOCUS - 2014 : le marché européen amorcera une lente et longue rémission
2013 ne sera assurément pas une année à marquer d’une pierre blanche pour les ventes de voitures en Europe. Avec 11,85 millions d’immatriculations, soit un retrait certes contenu de 1,7 % par rapport à 2012, 2013 marque le pire résultat de la région depuis 1995. Même si la croissance est revenue depuis quatre mois consécutifs, selon Carlos Da Silva, analyste chez IHS, “ce serait une erreur de penser que la situation s’est définitivement éclaircie et que tout va reprendre comme s’il ne s’était rien passé depuis 2008”. Au premier chef, à ses yeux, la reprise de ces derniers mois n’est pas à prendre pour argent comptant et elle est en partie engendrée par des mécanismes artificiels, comme les aides en Espagne ou les fortes remises au Royaume-Uni par exemple. En outre, les ventes tactiques ont été très significatives en décembre.
L’année record de 2007 : le paradis perdu…
Par ailleurs, si une progression est attendue pour 2014, il ne faut pas pour autant en conclure que les effets de la crise, qui dure depuis six ans, un triste record !, ont disparu. “En fait, l’Europe est aussi entrée dans une phase de changements structurels et la crise a favorisé cette tendance, voire l’a même accélérée”.
“Démographie moins dynamique, prise de conscience environnementale progressive, évolution du statut social de l’automobile et pouvoir d’achat contraint forment un cocktail qui laisse à penser que la reprise ne sera que lente et limitée. Pour être directs, nous pensons que le niveau de volume de 2008 ne sera pas atteint avant la prochaine décennie et que celui de 2007, année record, ne sera jamais retrouvé”, assène Carlos Da Silva.
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FOCUS - Hybrides et VE : fortes progressions pour tout petits volumes
Dans l’Hexagone, en VP, le véhicule 100 % électrique a vu ses immatriculations augmenter de 50 %, à 8 779 unités, dont 5 511 Zoé, tandis que sur le front du VUL, la progression est de 42 %, à 5 175 unités, dont 4 174 Kangoo. Pour les hybrides, essence comme Diesel, 41 389 immatriculations ont été enregistrées, soit une progression de 94 %. Un marché toujours dominé par Toyota avec 26 754 unités. Si les progressions sont conséquentes, les volumes demeurent donc confidentiels et la part de marché cumulée de ces énergies alternatives excède à peine 3 %. Pour Carlos Da Silva, analyste chez IHS, “plusieurs effets convergents, dans l’environnement économique et sociétal, vont encore bénéficier à ce type de véhicules et la croissance va se poursuivre, même si les volumes vont rester très modestes. On note aussi que la demande ne frémit toujours guère sur le segment des particuliers”. Par ailleurs, il estime que la Zoé, certes dominante sur le marché, aura bien du mal à prendre la dimension mass-market à laquelle elle était initialement promise : “Elle a été trop mise en exergue avant sa commercialisation et elle ne l’est plus assez aujourd’hui… En outre, l’épisode du câble de recharge “universel” a été dévastateur… Bref, même si le modèle est abouti, il est fort improbable qu’il puisse se relancer”. Concernant BMW, il salue le lancement parfaitement réussi de la marque BMW i : “Entre la i3 et la i8, on peut presque dire que BMW réunit Tesla et Renault”. Tout en soulignant que le gain sera plus notable en termes d’image que de volume.
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