Insolente Allemagne !
L’industrie automobile allemande a su prendre les bonnes décisions après le déclenchement de la crise et elle se trouve aujourd’hui en bien meilleure position que toutes les autres industries automobiles du Vieux Continent. C’est en résumé le message qu’a fait passer le cabinet d’études Xerfi-Precepta à l’occasion de la deuxième édition du Printemps de l’Economie organisée par l’association Les Economiques. “Elle a conservé ses positions sur ses marchés de niche, elle a modéré ses hausses de salaire et elle s’est fortement intégrée avec les pays de l’Europe de l’Est”, explique Aurélien Duthoit, le directeur des synthèses stratégiques chez Xerfi-Precepta. Résultat : les constructeurs allemands ont profité au maximum de la demande mondiale, l’Allemagne enregistrant au final un très faible repli de ses capacités de production industrielles totales entre 2007/2008 et 2013 (voir graphique).
Des perdants
“La France et l’Italie ont quant à elles représenté les deux grandes perdantes de l’industrie automobile européenne dans les années 2000”, poursuit Aurélien Duthoit. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’évolution de la balance commerciale du secteur sur la période 2006-2013 en France : elle est passée d’un excédent de 3,08 milliards d’euros en 2006 à un déficit de 9,34 milliards d’euros en 2013 (voir graphique pour les autres années). La production de véhicules sur le territoire est passée de 3,01 millions d’unités en 2007 à 1,74 million en 2013. “La production italienne repose pour sa part à 90 % sur le seul groupe Fiat”, relève le directeur des synthèses stratégiques de chez Xerfi-Precepta. Pour ce responsable, l’industrie automobile française chercherait aujourd’hui à rebondir avec de la montée en gamme et du développement de nouveaux usages, l’industrie automobile italienne misant sur le luxe et le Premium. Bref, ces deux pays pourraient commencer à sortir de l’ornière, à l’instar du Royaume-Uni et de l’Espagne.
Des rebonds
Les productions automobiles sont reparties à la hausse tant au Royaume-Uni qu’en Espagne (1,51 million de véhicules au Royaume-Uni en 2013, contre 1,46 million en 2012, et 2,16 millions de véhicules en Espagne en 2013, en hausse de 9,13 % par rapport à 2012). “Le gouvernement britannique s’est attaché à maintenir une livre sterling faible par rapport à l’euro et a procédé à une baisse de l’impôt sur les sociétés”, explique Aurélien Duthoit, qui rappelle aussi la forte flexibilité du marché du travail anglais. Dès lors, rien d’étonnant à ce que le rebond britannique soit fortement tiré par l’export (80 % de sa production automobile a été exportée en 2013, dont la moitié hors UE). “Le rebond espagnol s’explique lui en grande partie par les renégociations des coûts de main-d’œuvre”, poursuit le directeur des synthèses stratégiques chez Xerfi-Precepta.
Des problématiques
Mais tout n’est pas rose pour autant chez nos voisins d’outre-Rhin. “L’industrie automobile allemande est tentée de s’implanter de plus en plus à l’étranger avec la hausse de ses volumes et la volonté de certains pays de développer une production locale, notamment la Chine”, explique Aurélien Duthoit. Pour Guillaume Duval, auteur du livre Made in Germany et rédacteur en chef d’Alternatives Economiques, la précarité a par ailleurs sensiblement augmenté outre-Rhin depuis les réformes de Gerhard Schröder. Enfin, il convient de tenir compte du fait que le modèle allemand est difficilement transposable ailleurs. “C’est l’un des pays où les entreprises appartiennent le moins aux actionnaires, où un apprenti peut devenir dirigeant d’un grand groupe et où il y a systématiquement deux responsables à la tête d’une société”, rappelle aussi Guillaume Duval. C’est aussi un pays où la part de la valeur ajoutée industrielle est de 20 à 24 % (12 à 14 % en France) et où le taux maximal de l’impôt sur les sociétés est compris dans une fourchette allant de 25 à 30 % (35 % au moins en France). “Les investissements entrant en Allemagne sont aussi de plusieurs dizaines de milliards d’euros alors qu’ils sont proches de zéro en France”, indique Olivier Passet, économiste et directeur des synthèses économiques chez Xerfi.
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