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Constructeurs

Un nouveau règlement = un an de préavis ?

Publié le 20 novembre 2012

Par La Rédaction
6 min de lecture
La nécessité de réorganiser l’ensemble ou une partie substantielle d’un réseau de distribution permet-elle le recours à un préavis d’un an plutôt que deux ans ? La Cour de cassation valide !
Stéphane Willemart, avocat au sein de Koan (à gauche) et Elisabeth Fontaine, avocat au sein de Koan.

Le 25 septembre dernier, la Cour de cassation a rendu une décision commune dans cinq affaires opposant l’importateur français de poids lourds DAF Trucks à d’anciens distributeurs de son réseau. Cet importateur avait conclu avec chacun d’eux un contrat de concession exclusive comprenant la vente de véhicules neufs ainsi que des prestations de services après-vente sur certaines parties du territoire, en application du Règlement européen n° 1475/95 du 28 juin 1995. Ce Règlement prévoyait qu’en cas de résiliation du contrat, le préavis devait être de minimum deux ans, réductibles à un an en cas de nécessité pour le concédant de réorganiser la totalité ou une partie substantielle de son réseau de distribution.

L’entrée en vigueur du Règlement 1400/2002

Ce Règlement 1475/95 a toutefois été modifié par le Règlement 1400/2002 du 31 juillet 2002 remplaçant le système de distribution exclusive, dans lequel le concessionnaire exerçait son activité sur un territoire déterminé avec un contrat unique pour la distribution et les services de réparation et d’entretien, par un système de distribution sélective et sans exclusivité territoriale ni lien obligatoire entre la distribution et les services après-vente.

Une période transitoire de quatorze mois était laissée aux constructeurs afin d’adapter leurs contrats en cours au nouveau Règlement, la mise en conformité devant être effective à compter du 1er octobre 2003.

Aux fins de se conformer valablement au nouveau Règlement 1400/2002, la société DAF Trucks France a dès lors résilié, le 16 juin 2003, l’ensemble de ses contrats de concession, avec préavis d’un an, invoquant la nécessité de réorganiser son réseau de distribution.

Une procédure judiciaire a ensuite été introduite par cinq concessionnaires membres de ce réseau dans le but de dénoncer cette résiliation jugée abusive en raison du bref délai du préavis (un an au lieu de deux ans).

Le droit au préavis réduit

Le droit européen de la concurrence reconnaît au concédant la faculté de résilier un contrat de concession moyennant un préavis abrégé d’un an s’il apporte la preuve de la nécessité de réorganiser l’ensemble ou une partie substantielle de son réseau de distribution.

La Cour de cassation rappelle à cet égard qu’une telle résiliation doit se justifier “par des motifs d’efficacité économique, fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l’entreprise du fournisseur qui, à défaut d’une réorganisation rapide du réseau, serait susceptible, compte tenu de l’environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l’efficacité des structures existantes de ce réseau”.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier la nécessité d’une réorganisation rapide du réseau, compte tenu notamment des éventuelles conséquences économiques défavorables que pourrait subir le concédant en cas de résiliation de ses accords de distribution moyennant un préavis de deux ans.

Dans le litige opposant DAF à ses anciens concessionnaires, l’intervention d’un Règlement modifiant les conditions d’exemption de la prohibition prescrites par le droit européen de la concurrence a été considérée comme constituant une circonstance objective externe à l’entreprise du fournisseur, et l’adaptation du réseau par la mise en conformité des contrats à ce Règlement comme une nécessité juridique.

DAF insiste d’ailleurs sur le fait que cette nécessité avait des conséquences économiques défavorables, puisque le concédant était confronté à un risque d’amende et de nullité des contrats en cours, ce qui représente un risque juridique et économique important.

En outre, la nouvelle législation européenne d’exemption par catégorie applicable au secteur automobile imposant un système de distribution sélective et non plus exclusive impliquait nécessairement une modification substantielle des conditions d’exploitation du réseau et, de ce fait, sa réorganisation.

Le délai très court de 14 mois pour se mettre en conformité avec le Règlement supposait une réorganisation rapide du réseau. Certes, la Cour a admis que DAF avait accusé un retard certain en ne résiliant les contrats de concession qu’au mois de juin 2003, faisant ainsi survenir la fin du préavis d’un an plus de huit mois après l’entrée en vigueur du Règlement 1400/2002 !

La Cour n’en a pas moins considéré que ce retard ne supprimait en aucun cas l’obligation d’adaptation des contrats existants ni le risque de sanctions, mais au contraire rendait d’autant plus urgente la réorganisation du réseau.

En effet, durant cette période de 8 mois, bon nombre des dispositions des anciens contrats, pourtant conformes au règlement 1475/95, allaient se trouver en conflit avec la réglementation mise en place par le règlement 1400/2002 comme la séparation de la vente et l’après-vente en deux contrats distincts, la clause de localisation, la motivation du préavis, la faculté de cession du contrat à un membre du même réseau et de même niveau, etc., en créant ainsi une insécurité juridique que la Cour de Cassation n’a pas souhaité aggraver sur une durée plus longue.

Enfin, l’application d’un préavis de deux ans “aurait maintenu DAF une année supplémentaire dans un système plus rigide et économiquement moins favorable que celui dans lequel se trouvaient ses concurrents “en ordre de conformité””.

Rejet du pourvoi par la Cour

La Cour de cassation a donc estimé que les conditions relatives à la notification et à l’exécution d’un préavis d’un an avaient été remplies par DAF Trucks, et a débouté les concessionnaires de leurs demandes.

Les faits à l’origine du litige se sont déroulés il y a presque dix ans et, aujourd’hui, le Règlement 1400/2002 a lui-même été remplacé par un Règlement du 31 mai 2010 (461/2010), lequel établit pour la première fois une distinction nette entre les accords de distribution de véhicules automobiles neufs et les accords de fourniture de services de réparation-entretien et de distribution de pièces de rechange. Ce Règlement est déjà applicable dans le secteur de l’après-vente, mais n’entrera en vigueur qu’au 1er juin 2013 pour les accords de distribution de véhicules neufs.

En perpétuelle évolution, l’industrie automobile nécessite une attention particulière et une adaptation régulière des réglementations et de la jurisprudence, afin de maintenir et renforcer la compétitivité et la durabilité du secteur.

Elisabeth Fontaine et Stéphane Willemart

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FOCUS - Le Cabinet Koan

Koan, cabinet d’avocats indépendant, accompagne ses clients belges, français et étrangers, dans les principaux domaines du droit des affaires, sur le plan national, européen et international, tant en matière de conseils que de contentieux.
L’équipe “Droit de la Distribution et de l’Automobile” de Stéphane Willemart a développé une spécialité particulièrement affirmée dans le droit de la distribution et spécialement en matière de concession de vente et d’agence commerciale.
En marge de cette activité spécialisée dans le droit de la distribution, l’équipe a développé une des plus importantes pratiques du droit de l’automobile en Belgique et a exporté en France son expertise via le bureau parisien de Koan.
 

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