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Constructeurs

Un micromarché plein d’avenir

Publié le 3 juin 2005

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Lors de la remise du prix de l'Homme de l'Année 2004 du Journal de l'Automobile, le récipiendaire - Georges Douin -, interrogé sur ses regrets au cours de sa carrière, a confessé qu'il était admiratif du courage de Toyota de commercialiser la Prius, un véhicule hybride, technologie dont la rentabilité...

...industrielle avait toujours freiné le constructeur au losange. Une prudence qui s'avère aujourd'hui justifiée. Mais demain ?


L'année dernière, il s'est vendu environ 154 000 voitures hybrides à travers le monde, dont 52 % aux Etats-Unis et 39 % au Japon. Cela peut paraître à la fois peu et beaucoup selon où l'on place le curseur. En effet ces modèles propulsés à la fois par les énergies thermique et électrique ne représentent que 0,42 % du total des véhicules particuliers immatriculés en 2004. Ce chiffre, dont la faiblesse pourrait suffire à elle seule à nous faire considérer les hybrides comme une des fausses bonnes idées de la technologie, convient tout de même d'être regardé avec plus d'attention. Ainsi, ces 154 000 véhicules immatriculés se sont concentrés sur une poignée de modèles (cinq pour être précis), et le chiffre est finalement loin d'être ridicule si on le compare par exemple aux 137 000 Laguna, 143 000 C2 ou encore aux 159 000 Focus C-Max et Skoda Octavia vendues dans le monde l'année passée. Mais le plus marquant, c'est qu'à l'image de l'envolée récente des cours du pétrole, les immatriculations de véhicules hybrides ont explosé ces derniers mois. Même si les incitations fiscales spécifiques à chaque pays ne semblent pas encore être bien connues du grand public, c'est surtout le faible nombre de modèles proposés qui limite encore les volumes des motorisations de ce type. En effet, seuls les constructeurs japonais Toyota (avec la Prius II, Voiture de l'Année 2004 aux Etats-Unis et 2005 en Europe) et Honda (Civic IMA) sont présents sur le marché européen. Il semble que les investissements nécessaires à la mise en série de la technologie hybride rebutent pour l'instant les constructeurs occidentaux. Toutefois, la situation pourrait évoluer plus rapidement que prévu dans les prochaines années. On est en effet en droit de se demander si, à l'image du marché américain sur lequel les ventes de véhicules hybrides ont progressé de plus de 1 000 % entre 2000 et 2004, et qui ont encore cru de 100 % sur les deux premiers mois de l'année 2005 (comparée à la même période en 2004) pour atteindre 0,78 % du marché total, les marchés européens ne vont pas eux aussi quitter ces niveaux marginaux (0,08 % du MTM France à la fin février) pour atteindre des scores plus significatifs.

L'exemple américain

Les immatriculations de véhicules hybrides ont atteint 83 153 unités en 2004 aux Etats-Unis, en augmentation de 83 % par rapport à l'année précédente, et un volume multiplié par 11 depuis 2000. La 2e génération de la Toyota Prius a conquis 53 761 acheteurs américains (+ 33 % par rapport à 2003), parmi lesquels on compte plusieurs célébrités d'Hollywood (Leonardo Di Caprio, Jennifer Lopez). La Prius s'est octroyé 64 % du segment des véhicules hybrides en devançant assez nettement la Honda Civic IMA qui, avec 25 586 immatriculations, représente 31 % du total des hybrides. L'offre produit en modèles hybrides ne cesse de s'élargir aux Etats-Unis, tant au niveau des berlines que des light trucks. Pour ce qui concerne les berlines, les Toyota Prius, Honda Civic, Insight et Accord seront rejointes en 2006 par la Lexus GS et en 2007 par la Nissan Altima. L'actualité produit sera encore plus dynamique du côté des light trucks : l'unique modèle Ford Escape mû par un moteur faisant appel à la complémentarité essence/électricité sera dès cette année concurrencé par les SUV Lexus RX 400h et Toyota Highlander, tandis que les pick-up Dodge Ram et Chevrolet Silverado font quant à eux appel au binôme Diesel/électricité. L'année prochaine, le Saturn Vue viendra encore compléter l'offre tandis que ce ne sont pas moins de quatre nouveaux modèles hybrides qui sont d'ores et déjà prévus pour 2007 : Toyota Sequoia, Chevrolet Tahoe, Dodge Durango et GMC Yukon. La législation, plus ou moins incitative, induit des disparités régionales. Ainsi, la Californie, pionnière dans la lutte contre les émissions polluantes provenant des automobiles, est longtemps restée isolée dans son combat. Elle dépasse largement tous les autres Etats, avec 30 % des immatriculations totales d'hybrides aux Etats-Unis, soit 25 021 véhicules. C'est 4,5 fois plus qu'en Virginie qui, avec 5 613 immatriculations, occupe le 2e rang de ce classement. L'Etat de Washington, avec 3 441 unités, occupe la troisième place devant la Floride (3 272 véhicules) et le Maryland (3 238 véhicules).

L'Europe pas encore prête ?

On pourrait penser que le consommateur européen n'est pas encore prêt si l'on regarde par exemple ce qui se passe au Royaume-Uni, où l'instauration d'un péage urbain à Londres en février 2003 (8 euros par jour pour circuler en voiture dans le centre de la capitale) avec une dispense pour les véhicules hybrides n'a pas eu de réel impact sur les ventes de ces modèles. Ainsi, l'avantage financier "offert" aux Londoniens n'a pas changé la structure des ventes, la progression, certes importantes, des ventes de Prius et de Civic IMA étant du même ordre dans le "Greater London" que celle observée dans le reste du Royaume-Uni. En France, les contribuables qui achètent un véhicule neuf "propre", c'est-à-dire combinant l'énergie électrique et une autre énergie traditionnelle (essence ou gazole), de même que ceux fonctionnant en bicarburation essence GPL ou exclusivement au GPL, peuvent bénéficier depuis 2002 d'un crédit d'impôt sur le revenu de 1 525 euros. Cette disposition, prolongée par la loi de Finances 2005, n'a pas eu l'effet escompté, que ce soit pour les véhicules utilisant le GPL ou l'électricité en complément de l'essence. Pour expliquer ces résultats modestes, on peut bien sûr invoquer la percée du Diesel, en progression exponentielle depuis 2000 (pour atteindre 71,1 % des immatriculations du 1er trimestre 2005) et le surcoût des modèles hybrides : avec un prix tarif de 24 950 euros à 28 700 euros pour la Prius et de 22 100 euros pour la Civic IMA lorsque les modèles concurrents du segment M1 débutent aux alentours de 16 000 euros. Il faut ajouter enfin un autre frein : des performances limitées par une technologie encore récente. Toutefois, à l'instar des Etats-Unis, c'est avant tout l'offre de modèles qui permet de soutenir (ou de créer la demande) et force est de constater que de ce côté-ci de l'Atlantique les projets se font plus que discrets. Après la mesure avortée de juin 2004 de taxation des véhicules en fonction de leurs émissions de CO2 et dans l'optique de respecter les nouvelles normes retenues par l'Acea pour 2008 (140 g/km en moyenne par constructeur), les marques européennes pourront-elles durablement faire l'impasse en se contentant de tout miser sur le Diesel ? Le palmarès 2005 de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui consacre une nouvelle fois les véhicules hybrides dans la catégorie "essence" avec à la première place la Toyota Prius avec une performance CO2 de 104 g/km et au cinquième rang la Honda Civic IMA (116 g/km), résultats remarquables pour ces berlines qui entrent dans la catégorie des familiales, peut nous amener à y réfléchir. D'autant plus si l'on compare ces résultats avec la moyenne des émissions de CO2 des véhicules vendus en France qui stagne depuis 2001, à 154 g/km en 2004, soit un modeste gain de 2 grammes en quatre ans ! En Europe, la moyenne des émissions des véhicules est de 163 g/km de CO2. Toutefois, comme pour tous les biens de consommation, c'est le consommateur qui guide l'industriel dans le choix de son offre produit. Et, à ce titre, un sondage de la Sofres réalisé à la demande de l'Ademe lors du dernier Mondial de l'Automobile, fait apparaître que seulement 8 % des acheteurs potentiels se préoccupent de l'impact environnemental des véhicules, et c'est sans doute là que se trouve la clé du développement des véhicules hybrides sur le marché français.


Jean-François Picone, R.L. Polk France





FOCUS

Toyota va produire un million d'hybrides par an en 2010

Toyota vient d'annoncer la production d'une version hybride de son modèle très populaire Camry sur son plus gros site américain, l'usine de Georgetown (Kentucky). La production doit débuter fin 2006 et devrait porter sur un volume de près de 50 000 véhicules par an. Ce sera le premier véhicule hybride de la marque fabriquée aux Etats-Unis et le cinquième de la gamme après Prius et Highlander et Lexus RX400h et GS450h (en 2006). En 2007, Toyota élargira encore son offre au SUV Sequoia et au pick-up Tundra, pour atteindre, à partir de 2010, un volume annuel de production d'hybrides d'un million d'unités par an.

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