Revirement stratégique pour GM Europe
...l'autonomie des marques au cœur de sa stratégie européenne, General Motors annonce un changement de cap. Désormais, finie l'indépendance, l'heure est à la reprise en main du management et, surtout, à la mise en commun des procédures pour les trois grandes marques européennes du groupe : Opel, Vauxhall et Saab. Un revirement stratégique que justifie l'ampleur des pertes de GM Europe. Déficitaire depuis 1999, la filiale européenne du premier constructeur automobile mondial a vu ses pertes nettes atteindre 286 millions de dollars en 2003, et la tendance devrait encore s'aggraver cette année, les pertes représentant 116 millions de dollars au premier trimestre contre 65 millions l'année précédente, cela en dépit du lancement satisfaisant de la nouvelle Opel Astra. Plus grave encore, la part de marché du groupe en Europe ne cesse de reculer au point de ne pas dépasser aujourd'hui 9,2 % contre 10,2 % l'année dernière. Des contre-performances qui, face à la montée de certains concurrents, tels que le très offensif Toyota qui talonne GM depuis qu'il a supplanté Ford au rang de numéro 2 mondial, finissent par inquiéter la direction américaine. Celle-ci s'était déjà attaquée au problème avec Olympia, un plan de redressement lancé il y a trois ans et qui prévoyait une réduction de 15 % des capacités industrielles du groupe en Europe et 2 500 suppressions d'emplois, l'ensemble devant aboutir à une économie de 2 milliards d'euros. Cette première vague de mesures n'ayant visiblement pas suffi à ramener GM Europe dans le vert, le siège américain lance une seconde offensive visant, cette fois, à rationaliser la gestion de sa filiale en décrétant une complète refonte de son organisation : les domaines financiers, marketing, informatique et juridique ainsi que la communication et les ressources humaines dépendront à l'avenir du siège européen de Zurich et non plus de celui d'Opel, en Allemagne. De même, le groupe s'oriente vers une gestion plus centralisée des marques Opel, Vauxhall et Saab, dont les modèles devraient bénéficier, à l'avenir, "d'une architecture commune". Une stratégie déjà utilisée par le passé notamment avec la Saab 9.3 et l'Opel Vectra, toutes deux issues d'une même plate-forme.
Une chirurgie radicale pour sauver GM Europe
Alors que le vice-président de GM, Bob Lutz, déclarait dernièrement que seul ce type de "chirurgie radicale" pourrait sauver GM Europe de la débâcle, certains experts semblent relativiser la portée de ces nouvelles mesures. Spécialiste automobile chez Charles Riley Consultants, Raphaël de Boisgrollier y voit surtout une évolution naturelle. "Cette centralisation des fonctions entre les trois GM Europe en 2003
marques va dans le sens de l'histoire. De nombreux groupes ont déjà procédé à ce type de réformes. Il s'agit donc pour GM Europe de corriger une organisation jusqu'alors peu intégrée, malgré des gammes pratiquement identiques entre Opel et Vauxhall et le faible volume de vente de Saab. Ce type de réorganisation vise à renforcer le pilotage du centre sur ses filiales, faciliter la coordination et réduire les frais." Première concernée par cette reprise en main, Opel, la marque phare de GM en Europe, qui réalise à elle seule 80 % du chiffre d'affaires de la filiale. Pénalisée par une image dégradée et par des ventes en recul, la marque se voit aujourd'hui contrainte de renoncer à son statut de vaisseau amiral du groupe en Europe pour se soumettre aux prérogatives d'une nouvelle direction centralisée. "Le rôle traditionnellement fort d'Opel (au sein de GM) appartiendra bientôt au passé", déclarait ainsi un spécialiste allemand du secteur à l'annonce de la réorganisation. Symbole de cette nouvelle hiérarchisation, le directeur général d'Opel, Carl-Peter Forster, se voit propulsé numéro 2 de GM Europe (Chief Operating Officer), aux côtés du nouveau président, Fritz Henderson. Pour autant, Raphaël de Boisgrollier juge la filiale sur la voie du rétablissement. "GM Europe a longtemps perdu de l'argent notamment en raison d'un outil industriel surdimensionné mais ses capacités de production ont été réduites dans le cadre d'Olympia. Si les problèmes de qualité ont été résolus, il reste à renforcer l'image d'Opel et Vauxhall. GM Europe s'y emploie en opérant une mutation des produits d'une offre classique vers une offre de niche, explique-t-il. En 2001, les modèles traditionnels représentaient environ 80 % de la gamme et l'objectif affiché par GM est que cette proportion ne dépasse pas 50 % d'ici 2006. La tendance est perceptible avec des modèles du type Agila, Tigra, Mériva voire Signum positionnés sur des niches. Ils sont globalement bien perçus du public même s'il est encore trop tôt pour que cela profite directement à l'image d'Opel, la mutation d'une image de marque étant un processus très lent et complexe. Mais ce dernier est amorcé et il devrait aboutir, à terme, à un redressement des ventes et donc, à une reconquête de la part de marché."
En chiffres
Caroline Castets Le nouvel Economiste pour Le Journal de l'Automobile
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