Renault revisite Sandouville
...à plein régime avec le lancement du nouveau modèle.
Avec le Contrat 2009 en toile de fond et cet objectif imprimé dans chaque esprit des 6 % de marge que le groupe entend dégager d'ici deux ans, la sortie de la nouvelle Laguna s'est parée d'une importance bien plus conséquente que celle du simple succès commercial. Gagner en fiabilité, en qualité perçue, en productivité, en services… Renault vise le haut du pavé. Le Top 3 européen, pour être précis. En termes de produits comme au niveau du service (voir page 38). Depuis l'arrivée de Carlos Ghosn à la tête du groupe, et l'annonce de son plan en février 2006, les discours en ce sens ont fleuri au sujet de la nouvelle berline de la marque, augmentant par là les attentes des professionnels comme du consommateur. Une ambition pour laquelle Renault n'a donc pas hésité à remettre en cause ses process de fabrication. "Nous travaillons depuis trois ans sur l'optimisation du poste de travail. Sur le plan de surveillance, la gestion des flux, l'organisation logistique, les contrôles qualités…", témoigne Luis Fernandez Flores, directeur général de l'usine de Sandouville.
Le nombre d'incidents qualité divisé par 5 depuis 2001
Le SPR, système de production Renault, que le constructeur a naturellement rapproché de son PER, plan d'excellence Renault, s'appuie désormais sur 4 éléments. La réorganisation du travail, la formation renforcée des opérateurs, l'accentuation des contrôles produit et fournisseur, puis l'élaboration d'une phase de test plus importante.
La modification la plus spectaculaire se trouve dans l'organisation de la ligne de montage. Une chaîne sur laquelle le groupe a importé le système de "strike-zone" qui caractérise les sites de production Nissan. D'ailleurs, l'unité de production normande n'a pas hésité à envoyer certains de ses employés en formation dans l'usine Nissan de Sunderland. Le dispositif de "kitting", qui lui est associé, régit l'approvisionnement des chaînes. Le fournisseur ne va plus au bord de la chaîne pour livrer, mais dépose désormais sa cargaison dans une zone où des kits à destination des différentes "strike-zones" vont être conditionnés. Cette organisation du travail qui tire son nom d'un terme lié au base-ball, réduit les risques d'erreur. Pourquoi ? Parce que l'ouvrier n'a plus le choix, ne perd plus de temps à aller chercher ses pièces, ne tergiverse plus sur la pièce à poser. Une lumière s'allume en effet au-dessus des bacs correspondant au film de production, pour que la bonne pièce aille sur la bonne voiture. L'employé soumis à ce régime, exerce donc son "art", dans un carré virtuel d'1m50 sur 1m50. Une forme d'ultra-standardisation qui aurait coûté plus de 700 000 euros. "Entre les débuts de la production de Laguna II en 2001 et sa dernière année de production, nous avons divisé par cinq le nombre d'incidents qualité en bout de chaîne", explique Luis Fernandez Flores. "Le dernier mois de production de Laguna II, nous avons même battu le record de toutes les usines Renault", ajoute le directeur du site, comme un ultime témoignage des progrès réalisés, grâce à ce procédé. "Cela donne beaucoup de sérénité aux opérateurs et aux chefs d'équipes", confie d'ailleurs Eric Marchiol, chef du département montage à Sandouville, proche des deux équipes qui se succèdent sur la ligne de fabrication.
45 minutes ajoutées au process pour les contrôles
Selon Michel Gornet, vice-président exécutif de la fabrication et de la logistique, cette optimisation des postes opératoires et cette reconfiguration des flux ont permis de renforcer la fiabilité et de faire diminuer les postes difficiles de plus de 40 %. Mais là n'est pas la seule raison de ce gain manifeste de qualité. Renault mène par exemple une politique nouvelle de protection du véhicule au cours de sa fabrication. Outre les protections individuelles que chaque opérateur se doit d'appliquer sur les ceintures, les montres ou tout objet pouvant provoquer des rayures, des dégradations de peinture ou de carrosserie, les véhicules sont dotés de diverses protections. Certains fournisseurs participent d'ailleurs à l'effort général. C'est le cas, par exemple, de Plastic Omnium, qui fournit à Renault des boucliers avant avec des protections intégrées, de façon à faciliter la démarche.
Dans chaque unité élémentaire de travail, un "check man" est également à l'œuvre. Minutieusement, il scrute les différents points de contrôle établis par le constructeur. Deux personnes s'y sont même attelées pour chaque opération durant la phase de lancement. Au milieu des monteurs, ces agents vérificateurs déambulent en quête de l'anomalie. Pour chaque véhicule produit, ce sont ainsi 45 minutes de process qui ont été ajoutées afin d'effectuer les vérifications à tous les niveaux de la fabrication. Une perte de rentabilité ? Ici, on parle de fiabilité.
600 unités par jour en croisière
En bout de chaîne, chaque véhicule subit, précisément, 14 minutes de contrôle statique. Géométrie, apparence intérieure, moteur, badge, apparence extérieure… Tout est scruté, pointé. Puis viennent les contrôles dynamiques. Avant, seulement 10 à 15 % de la production subissait ce type de tests en mouvement. Désormais, c'est l'intégralité de la production qui est jugée dans 11 épreuves, sur un parcours de 600 m au sein de l'usine. Après cela, un ultime contrôle électronique est effectué avant de partir pour les showrooms. "Aujourd'hui, notre objectif est d'arriver à 90 % de bonnes voitures en fin de ligne, avant retouche, précise Yann Vincent, directeur qualité du groupe. Nous n'y sommes pas, mais presque. Nous sommes encore en phase d'apprentissage", poursuit-il. Jusqu'à présent, 540 Laguna étaient produites par jour. Progressivement, la cadence s'est intensifiée pour atteindre les 600 unités par jour au début du mois d'octobre, pour l'arrivée en concession du modèle. Chacun a conscience de l'enjeu. Mais à Sandouville, l'heure ne semble pas au pessimisme. En témoignent les mots de Luis Fernandez Flores : "La Laguna constitue le cœur de nos volumes de production. Si elle subit un échec commercial, Sandouville vivra des heures très difficiles. Mais je ne l'envisage pas. Je suis plutôt optimiste et réfléchis davantage à la façon dont je vais pouvoir mettre à l'œuvre une 3e équipe ou ajouter une deuxième ligne de production".
FOCUS30 h de formations par salarié en 2006 |
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