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Constructeurs

Ratan Tata élu Homme de l’Année !

Publié le 26 février 2013

Par Alexandre Guillet
10 min de lecture
Alors qu’aucun grand favori n’avait véritablement fait la différence lors du premier tour de délibérations, le second tour s’est révélé indécis et riche en débats. Mais au moment du vote, Ratan Tata a été largement élu. Volontiers discret, ce grand capitaine d’industrie n’en est pas moins très charismatique et symbolise parfaitement le nouvel ordre automobile mondial. Récit.
Alors qu’aucun grand favori n’avait véritablement fait la différence lors du premier tour de délibérations, le second tour s’est révélé indécis et riche en débats. Mais au moment du vote, Ratan Tata a été largement élu. Volontiers discret, ce grand capitaine d’industrie n’en est pas moins très charismatique et symbolise parfaitement le nouvel ordre automobile mondial. Récit.

Comme nous vous l’indiquions dans notre précédente édition, le premier tour des délibérations n’avait pas permis d’isoler véritablement un grand favori et le jury avait mis en exergue un nombre assez élevé de “candidats” à la distinction d’Homme de l’Année 2012. Le second tour, sanctionné par le vote final, s’est finalement révélé moins profus, les débats ne se concentrant que sur quelques noms, aucun “invité surprise” ne venant brouiller les pistes. Au chapitre des surprises, entre guillemets, il convient de noter que plusieurs membres du jury ont encore mis en avant Luc Marchetti, le fondateur d’Exagon Motors. “Si on joue la perspective par rapport au discours ambiant, voilà un français qui décide d’entreprendre en France et qui vise directement le haut de gamme. Ne lui reprochons pas d’être élitiste, alors qu’on déplore justement à grands cris que les français font des complexes ou ne savent pas faire du haut de gamme. Et même si la structure est petite, cela crée des emplois. En outre, l’homme est très agréable et passionné, son passé d’ingénieur et de motoriste en témoigne”, lance un membre du jury. Cependant, d’autres membres du jury estiment que la société est encore très confidentielle et que le succès, commercial comme financier, n’est pas avéré. Du côté des équipementiers, si Laurent Burelle (Plastic Omnium) est une nouvelle fois cité, c’est finalement Jacques Ashenbroich, président de Valeo, qui revient le plus souvent sur le devant de la scène. “Le rôle des équipementiers va croissant dans l’industrie automobile et les équipementiers français ont globalement plus d’aplomb que nos constructeurs. Valeo a su se réorienter et se globaliser et Jacques Ashenbroich a une idée précise et claire sur les défis de compétitivité. En outre, par rapport à certains de ses prédécesseurs, il est humainement très agréable”, souligne un membre du jury, mais ce ne sera pas suffisant pour réunir de plus larges suffrages. D’autres membres du jury vendent ensuite chèrement la peau des étoiles de la compétition automobile. Wolfgang Ullrich, pour Audi Motorsport, et Sébastien Loeb sont plébiscités. Mais le fait que ce dernier ait déjà été élu par le passé va néanmoins le couper d’une partie du jury… On peut dire la même chose à propos d’Audi, ce qu’illustre la déclaration d’un membre du jury : “Wolfgang Ullrich et même Rupert Stadler méritent d’être élus, mais d’une certaine manière, avec Martin Winterkorn et Christian Klingler l’an passé, nous avons déjà tout dit”.

“La mutation d’une industrie traditionnelle vers une ère servicielle”

Dans le périmètre allemand, c’est le groupe BMW qui tire son épingle du jeu, par le biais de son président Norbert Reithofer. “C’est un autre symbole de la puissance allemande. Les résultats commerciaux progressent sur tous les marchés et les performances financières, notamment la marge opérationnelle, sont très élevées. Avec Mini et Rolls-Royce, il s’agit d’un succès global qui fait de surcroît le lien avec le deux-roues et le VE. Et ce succès s’opère sans compromis, avec une passion pour la chose automobile assumée”, souligne un membre du jury. Puisqu’il est question du véhicule électrique, Vincent Bolloré revient au cœur des débats et comme de coutume, les échanges deviennent plus contrastés, voire… électriques ! Pour un membre du jury, “Quoi qu’on en dise, il a renouvelé l’image de la voiture en ville et il illustre la mutation d’une industrie traditionnelle vers une ère servicielle. La notion d’usage devient vraiment centrale”. Mais pour d’autres membres du jury, d’une part, le succès d’Autolib reste encore à démontrer et d’autre part, l’homme d’affaires renvoie aussi à des pratiques contestables. Toujours aussi clivant, Vincent Bolloré peine à réunir une majorité, même s’il convainc toujours plus de jurés au fil des ans.

Autres dirigeants déjà très en vue lors du premier tour de délibérations, Peter Schreyer et Ratan Tata viennent aussi régulièrement animer les débats. Jouissant d’un important capital sympathie, Peter Schreyer est perçu comme “un symbole de la transformation de l’automobile coréenne. Sa réussite stylistique chez Kia est indéniable et avec sa récente promotion, il permet de faire le lien avec le groupe Hyundai-Kia. Sa réussite démontre aussi que les généralistes ne sont pas condamnés, un message qu’on aimerait bien entendre plus souvent en France, histoire de secouer le fatalisme ambiant et de faire bouger les lignes”. Mais pour un autre membre du jury, si Peter Schreyer a effectivement fait franchir un cap à Kia, “il n’a pas pour autant révolutionné les codes du design. On ne peut pas dire qu’il a encore inventé grand-chose”. Un faux procès pour d’autres : “Il n’a rien inventé, certes, mais il partait de tellement bas en arrivant chez Kia que son travail est remarquable. En outre, c’est une démonstration du trait d’union entre style et performance commerciale”.

“Ratan Tata est passionné par l’automobile, au sens profond du terme”

De son côté, Ratan Tata impressionne. “Il a su orienter son groupe sur le chemin de la mondialisation et il est la parfaite incarnation de l’avenir de l’automobile. Il faut voir au-delà de notre bout du nez européen et en outre, c’est l’année ou jamais, car Ratan Tata a pris sa retraite le 28 décembre 2012. En ayant pris le soin de préparer minutieusement sa succession, ce qui n’est pas toujours le cas dans le monde moderne. Et 2012 est aussi son année, car on a pu mesurer le nouveau souffle de Jaguar et de Land Rover. Le succès de l’Evoque est même assez emblématique”, détaille un membre du jury. Pour d’autres, il est encore trop tôt pour savoir si ces reprises seront vraiment des réussites totales et les produits Tata ne répondent pas encore aux standards mondiaux. Réactions immédiates : “Ratan Tata incarne le nouvel ordre automobile mondial, c’est un symbole fort. C’est aussi un grand patron qui a su développer son groupe et le moderniser, notamment Tata Motors. Il a su aller de l’avant et prendre des risques !”, ou encore : “Ratan Tata est passionné par l’automobile, au sens profond du terme. Il crée des emplois et il a su construire un groupe complet, PL, VUL, VL, etc. Si la Nano n’a pas été le blockbuster annoncé, elle témoigne de sa qualité de visionnaire et d’une réelle prise en compte des enjeux environnementaux et de sécurité routière. Il inspire d’autres grands dirigeants de l’automobile. Enfin, Jaguar et Land Rover sont à nouveau dans une phase ascendante, alors qu’on sait combien sont ardues les reprises dans l’automobile”. Banco ! A l’issue du vote final, Ratan Tata est largement élu Homme de l’Année 2012, devant un peloton très homogène rassemblant Peter Schreyer, Nobert Reithofer et Vincent Bolloré.

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Questions à Gautam Sen, rédacteur en chef d’Auto India.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Que représente exactement Ratan Tata en Inde ?
Gautam Sen.
C’est une institution ! Dans son ensemble, son groupe réunit plus de 100 sociétés et un demi-million de salariés. Mais il est intéressant de souligner que l’intérêt de Ratan Tata se porte prioritairement sur Tata Motors, bien avant Tata Steel ou Tata Consultancy. Il est passionné par l’automobile. Ratan Tata est un grand patron très respecté car il a su augmenter par 6 la taille de son groupe tout en pilotant son internationalisation. C’est une vraie success-story ! Ratan Tata est aussi très respecté, car il est toujours resté honnête, alors qu’il y a beaucoup de corruption en Inde. Il est droit et respecte une vision très éthique des affaires et de la vie en général. Il est aussi très simple et accessible. Il suscite presque une forme d’admiration.

JA. Quel est votre regard d’expert sur la stratégie automobile de Ratan Tata ?
GS.
Ratan Tata est parti d’un groupe qui était un constructeur indien local de camions pour le développer sur tous les fronts : PL bien entendu, mais aussi véhicule commercial et véhicule léger. Ratan Tata a aussi été le premier indien à se lancer dans l’exportation. Pour le VL, après l’échec du projet avec Honda, Ratan Tata a décidé de ne pas passer par un JV et de fabriquer ses propres voitures. L’Indica a ainsi vu le jour en 1998 et c’est un grand succès en Inde, même s’il y a eu des problèmes de qualité. La gamme s’est étoffée et Ratan Tata s’est ensuite lancé dans le projet de voiture du peuple, accessible au plus grand nombre, c’est la saga Nano. Le succès n’a pas été aussi vaste qu’attendu, mais ce n’est pas le produit qui est en cause, même si la qualité n’était pas exempte de tout reproche, mais plus le marketing et la communication. En effet, de voiture accessible, la Nano est devenue une voiture pour pauvres dans l’esprit des Indiens et elle a perdu beaucoup d’attrait. Il y a pourtant un potentiel pour ce type de voitures en Inde. Pour s’internationaliser, Ratan Tata a racheté JLR, ce qui a eu un immense retentissement en Inde. Au-delà de la transaction et de l’image de luxe, le symbole historique était fort. Ratan Tata a su surmonter la crise et remettre les marques sur la voie du succès. Bref, aujourd’hui, Tata Motors gagne de l’argent, mais le groupe est pourtant à la croisée des chemins en Inde, avec une situation pas si évidente que cela. Les prochaines années seront décisives.

JA. Le connaissant depuis plusieurs années, que pouvez-vous nous dire de Ratan Tata ?
GS. C’est un homme très simple, très accessible, qui n’a rien d’un show-man. Il est humble. Par exemple, il vit dans un appartement, un bel appartement certes, mais ce n’est pas un palais. De même, tout en respectant certaines règles de sécurité, on le voit souvent se promener seul. Vous pouvez aussi l’apercevoir dans une queue à l’aéroport. Même si rien ne filtre de sa vie personnelle, on lui connaît une passion pour les chiens, les avions, qu’il pilote à l’occasion, et les belles voitures. Au sein de Tata Motors, il est très investi dans le design, c’est même lui qui décide, n’oubliez pas qu’il est architecte de formation. Enfin, le plus remarquable, c’est sa vision, son instinct, son intelligence. C’est rare chez les grands patrons… Ce n’est pas juste un grand financier, il se démarque par son instinct, une sensibilité très fine.

Propos recueillis et traduits par AG

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FOCUS - Les membres du Jury

- Astagneau Denis, France Inter
- Barbe Stéphane, L’Equipe
- Bazizin Luc, France 2
- Bellu Serge, Automobiles Classiques
- Bolle Héloïse, Challenges
- Botella Jean, Capital
- Boulanger Pascal, TF1 / LCI
- Bourroux Christophe, RTL
- Calvez Laurent, France 3
- Chapatte Dominique, M6
- Chevalier Jacques, Auto-Addict
- David Christian, L’Expansion
- David Marc, free lance
- Etienne Thierry, Le Figaro
- Feuerstein Ingrid, Les Echos
- Fillon Laure, AFP
- Fréour Cédric, Les Echos
- Frost Laurence, Thomson Reuters
- Gallard Philippe, free lance
- Gay Bertrand, AutostratInternational
- Genet Jean-Pierre, L’Argus
- Genet Philippe, La Revue du Vin de France
- Grenapin Stanislas, Europe 1 / M6
- Jagu-Roche Jean-Pierre, Auto Infos
- Jouany Félicien, free lance
- Lagarde Jean-Pierre, free lance
- Macchia Jean-Rémy, France Info
- Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
- Normand Jean-Michel, Le Monde / Le Monde 2
- Pennec Pascal, Auto Plus
- Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
- Robert Lionel, free lance
- Roubaudi Renaud, free lance
- Roy Frédéric, CB News
- Roy Jean-Luc, Motors TV
- Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune
- Zambaux Guillaume, Le Parisien

 

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