Que va devenir le réseau MG Rover ?
...réseau français MG Rover est encore sonné après l'onde de choc annonçant la faillite du constructeur britannique et son démantèlement prochain. Quelques jours avant, ils étaient pourtant encore nombreux à croire en un revirement de situation, espérant "un miracle, comme on en a connu ces dernières années après les diverses difficultés traversées". On connaît la suite. Les 138 distributeurs du réseau se retrouvent aujourd'hui dans la peau de boxeurs mis KO. "Nous subissons pour l'instant, mais il faut également avouer que nous n'avons pas trop de nouvelles et que nous restons dans l'expectative", reconnaît Patrick Bertrand, distributeur à Gap. Le constructeur est aux abonnés absents et ne s'est pas manifesté auprès du réseau depuis bientôt deux semaines. "Nous ne comptons pas sur notre direction pour en savoir plus. Tout le personnel de MG Rover France a été mis en congé forcé et s'est volatilisé", poursuit le distributeur. En outre, Thierry Depond, président de MG Rover France, aurait quitté ses fonctions.
Les distributeurs ne comptent plus que sur eux-mêmes. Ils se sont ainsi réunis le 21 avril dernier à Roissy pour tenter de trouver des solutions. Sous la houlette de Michel Falvo, le président de l'Association des concessionnaires, le réseau estime que son avenir à très court terme n'est pour le moment pas en danger et qu'il reste "de quoi réaliser encore quelques affaires". Le stock de voitures encore disponible serait de 1 200 VN, soit à peu près l'équivalent de ce qui a été commercialisé sur les trois premiers mois de l'année (1 185 VN, en chute de 33 %). En outre, le parc roulant serait composé dans l'Hexagone de 100 000 voitures, ce qui permettrait aux distributeurs et réparateurs agréés MG Rover de subsister grâce à l'après-vente. D'autant plus que les pièces de rechange pour les deux marques sont assurées par la société Caterpillar qui avait racheté l'activité à Rover, et distribuées dans le réseau en France par Xpart.
Les distributeurs ne devraient pas être remboursés sur les garanties et ne toucheraient pas les primes promises
Toutefois, l'incertitude juridique qui plane sur cette affaire inquiète le réseau et l'ensemble des personnes concernées. En effet, depuis la décision du tribunal de Birmingham d'étendre le dépôt de bilan de MG Rover Group Ldt aux 7 filiales du constructeur en vertu de la procédure européenne d'insolvabilité, les distributeurs et les salariés se retrouvaient sous l'administration judiciaire anglaise représentée par les administrateurs anglais du PriceWaterhouseCoopers. Parallèlement, le tribunal de Nanterre a nommé un mandataire ad hoc en la personne de Didier Segard, mais ce dernier ne dispose d'aucun pouvoir d'intervention ni de contrôle véritable.
Le réseau a reçu une lettre d'intention des administrateurs déclarant que la maison mère ne paierait ni les primes, ni les garanties. Les distributeurs s'attendaient ainsi à perdre de l'argent sans savoir vers qui se retourner, jusqu'à ce que Maître Bourgeon, leur défenseur, les informe d'un nouveau revirement de situation : "Le 27 avril, le parquet a transformé le mandat de Maître Segard en un mandat d'administration provisoire. C'est une solution d'attente qui donne un peu plus d'autonomie à la France par rapport à l'administration britannique. Au moins, le réseau sait désormais à qui s'adresser directement." En tant que créancier de MG Rover France, le réseau peut ainsi demander l'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire pour le versement des sommes que le constructeur lui doit.
Pour Maître Bourgeon, trois problèmes de fond doivent être réglés d'urgence. D'une part, les dettes du constructeur comprenant les primes commerciales et les garanties payées par les distributeurs. D'autre part, les véhicules en stock dans les concessions. En effet, ceux-ci appartiennent juridiquement au réseau. Cependant, ces véhicules sont facturés, mais impayés, et en partie financés par BNP Paribas. Les trois parties, MG Rover France, BNP Paribas et le réseau, sont actuellement en concertation pour obtenir notamment une réponse sur les prix d'achat de ces véhicules pour l'heure invendables. Enfin, qui paiera les garanties sur les VN restants à commercialiser ? En outre, comment ces garanties seront-elles versées ?
A l'évidence, si aucune solution n'est trouvée, il en résultera un manque à gagner considérable pour les distributeurs.
"En prenant en compte les garanties des véhicules et les encours, le constructeur me doit une somme de 150 000 euros", a calculé Patrick Bertrand. Pour Alain Benoît, distributeur à Vannes et Lorient, ce sont 550 VN qui sont encore sous garantie. Le constructeur devait de plus au concessionnaire une somme de 50 000 euros pour les primes de fin d'année, les primes d'objectifs ou encore la participation à la publicité locale. Même son de cloche pour Patrick Borocco, distributeur à Sélestat qui, malgré un petit volume de ventes (50 VN/an), a calculé en moyenne une perte de 600 euros par voiture. Une moyenne qui serait équivalente pour tout le réseau.
Michel Falvo et Maître Christian Bourgeon ont demandé à chaque distributeur d'évaluer le préjudice et de leur faire parvenir la somme due par le constructeur. Celle-ci n'est pas encore connue. "La somme totale des créances pourrait monter à 3 millions d'euros. Il se peut que cette somme soit surévaluée. Cependant, le constructeur a reconnu qu'il devait au minimum un million d'euros à son réseau", a précisé Maître Bourgeon.
Pour le réseau, il devient urgent de se débarrasser des stocks de véhicules. "La faute au constructeur, s'emporte Michel Baril, distributeur à Vichy. Quelques semaines avant la faillite, Thierry Depond nous a annoncé que l'accord de reprise avec les Chinois était signé et qu'un plan de marketing de cinq ans était lancé, nous incitant à commander des véhicules. Certains se retrouvent avec un stock de 20 VN sur les bras." "On a même sabré le champagne en nous faisant miroiter le lancement en juin de la CityRover à Rome", poursuit Alain Benoît. Les stocks pourraient servir de monnaie d'échange contre les sommes non versées par le constructeur. "Il vaut mieux avoir un VN à vendre que rester avec de l'argent au passif", résume Michel Baril. Si les stocks devenaient commercialisables, il reste encore à convaincre les clients.
Ceux-ci sont en effet nombreux à avoir fait marche arrière depuis le début de l'affaire. "En quelques jours, les commandes passées ont été annulées", explique Alain Benoît. Chez lui ou chez d'autres, "plusieurs acomptes versés ont dû être remboursés".
La fin de la distribution de Rover devrait grever beaucoup d'affaires
Pour une grande majorité des distributeurs, les jours de la distribution des marques MG Rover en France sont comptés. Pire encore, la situation pourrait grever la pérennité de beaucoup d'affaires. "La distribution de la marque représentait 20 % de mon chiffre d'affaires et 50 % du chiffre d'affaires atelier", rappelle Patrick Bertrand, tandis que les ventes Rover concernaient, pour Michel Baril, un tiers (40 VN) de son volume total. Pour le groupe Collobert à Vannes et à Lorient, Rover a toujours représenté un poids important. "En 1998, nous réalisions encore 800 VN annuels. Aujourd'hui, même avec 200 VN par an, la disparition de Rover va nous compliquer la tâche", explique Alain Benoît. Les distributeurs avaient pourtant anticipé. Depuis l'effritement des ventes de la marque dans l'Hexagone (voir tableau), la grande majorité s'était diversifiée dans d'autres marques. Les 138 distributeurs représentent encore une force de vente à ne pas négliger et la plupart d'entre eux ont une longue et solide expérience de la distribution automobile qui pourrait intéresser quelques marques, notamment coréennes, en manque de représentation. D'autant plus que la rentabilité moyenne des affaires Rover flirtait avec les 1 %.
L'inquiétude pèse en revanche sur les 7 distributeurs monomarques encore existants. Patrick Borocco est de ceux-là et ne se fait pas d'illusion pour la suite. "J'attends que l'on me donne une solution, mais je n'ai pas le temps d'attendre. Aujourd'hui, le VO représente 20 % de mon CA. Soit je continue dans le négoce VO, soit j'arrête", envisage-t-il. "En dehors de ces exclusifs, la quarantaine de distributeurs bimarques est également à surveiller de très près. Leur avenir est loin d'être clair", continue un autre distributeur qui, avec le recul, ajoute : "Nous aurions dû nous y attendre notamment quand Linda Jackson, une financière reconnue qui connaissait bien la maison, nous a quittés pour rejoindre Citroën Grande-Bretagne."
L'avenir du réseau est donc très mal engagé. Il reste cependant encore quelques optimistes à croire en un ultime revirement de situation. Les droits de fabrication des Rover 25 et 75 ont été cédés au Chinois Shanghai Automotive. Ce dernier aurait donc intérêt à ce que ces modèles soient fabriqués et distribués. "Les Chinois pourraient relancer la marque. Seulement, ils préfèrent produire les véhicules chez eux, à coût inférieur, plutôt qu'à Longbridge devenu obsolète. La marque pourrait être en sommeil et être relancée d'ici quelques mois. Comment se passer d'un réseau de 1 400 distributeurs en Europe ?", se demande encore un distributeur. Il faudra néanmoins faire vite.
Tanguy Merrien
Immatriculations VN Rover en France | ||||||||||
1980 | 1990 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | |
En unités | 20 960 | 41 147 | 24 710 | 22 520 | 17 203 | 13 474 | 8 476 | 5 875 | 5 080 | 6 146 |
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.