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Constructeurs

PSA Peugeot-Citroën : De deux choses l’une

Publié le 30 juin 2006

Par Alexandre Guillet
10 min de lecture
Il aura fallu près de trois décennies pour que le groupe PSA Peugeot-Citroën soit vraiment unifié. Désormais, les deux marques sont sur un pied d'égalité et le groupe peut envisager une nouvelle géométrie pour son expansion. Une expansion qui passe notamment par un développement hors de l'Europe...

...de l'Ouest. Scanner non exhaustif d'un géant industriel français.

"Un groupe, deux marques"

C'est le slogan officiel du groupe. PSA Peugeot-Citroën. Pas forcément surprenant de prime abord, surtout à l'ère des grands ensembles réunissant une pléiade de marques. Sauf que PSA ne rassemble que deux marques, deux marques généralistes et par extension, en concurrence directe. La cohabitation, la réussite des deux marques, et le respect d'un certain point d'équilibre relèvent donc d'une complexe alchimie. Ce défi figure au premier rang des grands chantiers décrétés et pilotés par Jean-Martin Folz lors de sa prise de fonction. Il s'agissait de bien isoler deux cellules filles du premier bloc unicellulaire. Pour ceux qui se souviennent de la priorité longtemps accordée à Peugeot et des difficultés rencontrées par Citroën, marque souvent moribonde qui laissa à plusieurs reprises douter de sa capacité de survie, le message n'est pas anodin. Il sanctionne aussi une vision industrielle élargie et contemporaine, facilitant le deuil des reliquats de tradition familiale ou clanique. Jean-Martin Folz va alors formaliser le caractère bicéphale du groupe. Dans un légitime souci d'économies d'échelle, l'organisation technique, industrielle, administrative et financière des deux marques est mise en commun. Ainsi, la stratégie de développement de plates-formes, pierre angulaire du credo industriel du groupe, est la parfaite illustration de cette démarche. Les véhicules construits sur une même plate-forme partagent a minima 60 % de leur prix de revient. La différenciation s'opère par le biais des silhouettes, des positionnements en termes d'équipements et de motorisations, etc. En 2005, 1,6 million de véhicules ont été produits sur les trois plates-formes du groupe et ce volume devrait être porté à 3,2 millions d'unités en 2008. Au-delà de ce socle commun, les deux marques se différencient ensuite par le jeu du design, du marketing et bien entendu, du commerce. En outre, s'il y a des investisseurs communs aux deux marques, chacune dispose de son réseau de distribution strictement dédié. Des réseaux qui ont été écrémés et concentrés dans le cadre du nouveau règlement, de façon parfois spectaculaire. Au final, les deux marques sont désormais sur un pied d'égalité, les mêmes moyens leur étant affectés ce qui n'était pas le cas auparavant, et elles jouissent d'une autonomie bien formatée sous le giron "groupe PSA". Au-delà des différents Conseils du groupe, cette situation est clairement illustrée par le triptyque suivant : Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot-Citroën, Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot, et Claude Satinet, directeur général de Citroën. En 2005, Peugeot a vendu 1 995 500 véhicules (VP&VUL), via 10 000 points de vente répartis dans 150 pays. De son côté, Citroën atteignait 1 394 500 immatriculations dans le monde. Cependant, le groupe n'a pas enregistré d'excellents résultats sur le plan financier. S'il n'y a pas lieu d'être alarmiste, la contraction du marché européen et la flambée du prix des matières premières ayant eu un impact conjoncturel qui ne remet pas en question les orientations du groupe, Jean-Martin Folz a néanmoins annoncé que l'objectif de vente de 4 millions de véhicules et d'une marge opérationnelle consolidée de 6 % était reporté.

PSA et l'expansion satellitaire

Depuis son arrivée à la tête de PSA, Jean-Martin Folz a confirmé le choix de développer des coopérations ciblées avec d'autres constructeurs. Il a même nettement intensifié cette démarche qui permet au groupe de surmonter ses limites intrinsèques (taille, capacités d'investissement…) pour poursuivre son expansion. De surcroît, le contexte économique s'y prête. Aujourd'hui, PSA Peugeot-Citroën travaille sur la base de sept accords de coopération. Outre les accords historiques avec Renault (1971 - Production de moteurs et de boîtes automatiques de moyenne gamme) et avec Fiat (1978 - Production de VUL et de monospaces), PSA s'est allié à Ford, en 1998, pour développer des moteurs Diesel. La quatrième phase (Production de moteurs Diesel Common Rail 2,2 l pour les VU et de moteurs Diesel Common Rail 2,2 l HDi/TDCi pour les VP) de cette coopération a récemment été lancée et Jean-Martin Folz et Lewis Booth, vice-président de Ford Europe et Premier Automotive Group, ont affirmé "leur volonté de gagner des parts de marchés sur le diesel et de produire 3,7 millions de moteurs diesel par an à un horizon 2010". Rappelons que l'usine de Trémery est désormais la plus grande usine de moteurs Diesel au monde. En 2001, PSA et Toyota trouvent un accord pour construire une nouvelle usine à Kolin, en République Tchèque, dédiée à la production de petits véhicules d'entrée de gamme. L'usine TPCA a été inaugurée l'an passé et les C1, 107 et Aygo sont commercialisées. Cette année, le site doit produire 200 000 voitures pour PSA et 100 000 pour Toyota. En 2002, PSA et BMW annoncent le développement et la production d'une nouvelle gamme de moteurs essence (1,4 l et 1,6 l). La production annuelle programmée avoisine le million d'unités. L'usinage des principales pièces des moteurs sera réalisé sur le site PSA de Douvrin, tandis que l'assemblage sera réparti entre Douvrin et Hams Hall (Grande-Bretagne) pour BMW. Enfin, l'an passé, PSA Peugeot-Citroën a signé un nouvel accord avec Mitsubishi, dans l'optique de commercialiser dès 2007 des 4x4 fabriqués au Japon. Une orientation importante vers un segment à forte marge et à fort capital image sur lequel le groupe est pour l'heure totalement absent. Toujours en 2005, PSA Peugeot-Citroën, Fiat et le groupe turc Tofas ont entériné une coopération prévoyant la production de petits VU d'entrée de gamme pour une commercialisation courant 2008. Fort du succès de cette stratégie de coopérations, Jean-Martin Folz annonce sa volonté de poursuivre dans cette voie. Plusieurs éventualités sont à l'étude, notamment pour le développement et la production d'un modèle low-cost. La montée en régime des coopérations effectives est aussi significative : ainsi, en 2008, 500 000 véhicules et environ 2 700 000 moteurs seront produits via le canal des coopérations. "A terme, cela représentera 20 % de l'activité du groupe", assène Jean-Martin Folz, qui rappelle aussi que le groupe signe des accords similaires avec des équipementiers.

La galaxie PSA

Parallèlement à la vie de ses marques et de ses coopérations, PSA Peugeot-Citroën exploite aussi d'autres activités qui assurent une partie non négligeable de sa croissance et de sa position sur l'échiquier automobile. Ainsi, Banque PSA Finance est dédiée au financement des ventes des modèles Peugeot et Citroën et au financement des stocks de véhicules et de PR des réseaux des deux marques. C'est d'ailleurs dans le domaine de la pièce de rechange que la croissance est la plus forte (+ 13 % en 2005 et + 26,1 % en 2004 au niveau des encours). Désormais fortement axée sur les services et sur l'international (18 pays couverts et un fort potentiel en Chine ou en Turquie par exemple), Banque PSA Finance rassure par sa stabilité et mise sur une poursuite de sa croissance, même en Europe de l'Ouest. Par ailleurs, PSA Peugeot-Citroën s'appuie sur Faurecia, 9e équipementier mondial et 2e en Europe. Spécialisé dans la conception, le développement et la fabrication de six modules majeurs du véhicule (sièges, modules acoustiques, blocs avant, portes, cockpits, et échappements), Faurecia emploie environ 60 000 salariés dans 160 sites répartis dans 28 pays et a dégagé un chiffre d'affaires de près de 11 milliards d'euros en 2005. Si le groupe traverse actuellement une période difficile, à l'instar de nombreux équipementiers, il mène une stratégie de restructuration de son outil industriel et de déploiement hors d'Europe, notamment en Amérique du Nord. De quoi espérer, en dépit de fortes pertes en 2005 et d'objectifs revus à la baisse pour l'année en cours. Pierre Lévi, P-dg de Faurecia, est par ailleurs l'un des rares grands dirigeants à parler ouvertement de stratégie de délocalisation et d'achats dans les pays dits "low-cost". Enfin, PSA Peugeot-Citroën peut compter sur Gefco, spécialiste de l'intégration logistique dans l'industrie (logistique véhicules, transport de fret, logistique internationale). Avec un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros réalisé en 2005, Gefco s'oriente actuellement vers l'international, principalement l'Europe de l'Est, et finalise la réorganisation de son fonctionnement.

Cap à l'international

Traditionnellement solide sur son marché domestique et en Europe occidentale (2 355 000 ventes VP et VUL sur ces zones en 2005, en recul de 2,7 %), PSA Peugeot-Citroën s'attache désormais à augmenter ses ventes mondiales. L'exercice 2005 fait d'ailleurs figure de symbole car pour la première fois, le groupe a franchi le seuil du million de ventes hors Europe Occidentale : 738 000 ventes pour Peugeot et 291 500 pour Citroën. Le groupe a progressé de 28,3 % en Amérique latine, à 182 900 unités dont 81 900 au Brésil et 52 800 en Argentine. Par ailleurs, malgré le recul général de ces marchés l'an passé, PSA rend une carte satisfaisante de 209 700 ventes en Europe centrale et orientale. La Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Slovénie, la Croatie et la Slovaquie représentent les principaux marchés du groupe (150 700 immatriculations). En Russie, le groupe progresse de près de 13 %, même si les volumes restent faibles (16 500 véhicules). Enfin, comme pour tous les constructeurs, la question chinoise est posée à PSA. Présente dans cette zone depuis 2004, le joint-venture Dongfeng Peugeot Citroën Automobile a écoulé 141 000 véhicules en 2005, sur un marché estimé aux alentours de 3 200 000 unités. Un résultat encourageant qui pourrait être amélioré cette année grâce à trois lancements, dont celui de la C-Triomphe. Pour atteindre son objectif de 4 millions de ventes par an, PSA Peugeot-Citroën doit impérativement se développer sur ces marchés. D'autant que le groupe est absent du marché nord-américain, même si Jean-Martin Folz laissait récemment entendre qu'un retour sur ce marché était envisageable dans des délais plus rapides que prévu. D'autant que le marché européen occidental a peu de chance de retrouver la voie de la croissance. On y travaille désormais plus sur les marges et de nouveaux foyers de rentabilité que sur l'expansion des volumes à proprement parler. PSA devrait se maintenir bon an mal an sur ce marché, principalement grâce à son offre diesel. Une offre parfaitement adaptée, même si la litanie diesel scandée chez au sein du groupe laisse parfois dubitatif dans une perspective à plus long terme. L'entêtement à défendre le diesel se justifie ponctuellement à l'aune des indicateurs économiques, mais il ne doit pas se muer en impasse. Au même titre que l'hybridation diesel n'est qu'une solution parmi d'autres. De surcroît, PSA n'est pas en avance sur ce dossier… D'ailleurs, hormis les sur-médiatisés systèmes FAP, le groupe apparaît rarement parmi les pionniers technologiques. L'épisode C6, qui reste cependant un véhicule très abouti, est à cet égard révélateur.

Un nouveau visage social

La paix sociale règne désormais au sein du groupe. C'est principalement l'œuvre de Jean-Luc Vergne, son DRH (voir entretien pages 32-33). Recruté à l'extérieur pour bien marquer une volonté de rupture avec le passé, il a insufflé au sein du groupe un dialogue social permanent selon un mode opératoire contractuel. En 2005, les partenaires sociaux ont ainsi signé 12 accords en France et plus de 40 à l'international ! La méthode fonctionne et permet au groupe d'avancer de façon très pragmatique. Sur des dossiers aussi conséquents que la sécurité du travail (taux de fréquence des accidents avec arrêt divisé par deux entre 2002 et 2005 dans le périmètre groupe y compris commerce France), les retraites (plan Casa mis en place en 1999), l'implication du personnel (intéressement, offre d'épargne salariale), le groupe a vaincu les résistances au changement pour proposer un modèle audacieux et innovant, à défaut d'être parfait. Enfin, en ces temps de doute et de chômage à l'échelle de la société et de plans de licenciements dans l'industrie automobile, un élément mérite d'être mis en exergue. Le groupe, qui rassemble 208 500 salariés, crée des emplois : près de 30 000 en six ans dont 10 000 en France. Des chiffres qui illustrent bien la stratégie de développement du groupe tout comme le fait que l'internationalisation des équipes figure désormais au rang de priorité.


Alexandre Guillet

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