Peur sur la ville
...4x4 sont à la voiture ce que le cigare est à la cigarette : aussi caricaturaux ! Les 4x4 n'ont rien à faire dans les villes", dixit Denis Baupin, adjoint écologiste au maire de Paris, chargé d'organiser la chasse aux sorcières automobiles. Pour l'heure, à part se fâcher avec les Havanophiles, M. Baupin n'a pas véritablement fait avancer le débat. Ses déclarations font suite à un vœu, un vœu comme le conseil de Paris en vote des dizaines par séance. Alors pourquoi s'inquiéter, me diriez-vous ? Parce que l'élu Vert parisien reprend en fait une idée devenue quasiment récurrente depuis quelques mois. En effet, après Ken Livingstone, le maire de Londres, dont le péage urbain fait toujours rêver les élus parisiens, qui a vilipendé l'usage de ces véhicules dans sa ville, et Alain Juppé à Bordeaux, les élus Vert de la capitale se devaient de monter au créneau. Même outre-Atlantique, où ce segment représente plus de la moitié du marché, les 4x4 commencent à être montrés du doigt. Mais, à la différence de l'Europe, les raisons invoquées ici sont simplement mercantiles, même si sur le fond elles se rejoignent. En effet, en Europe, le 4x4 est stigmatisé comme "gros pollueur" et dangereux pour les piétons et les deux-roues alors qu'aux Etats-Unis le "malaise 4x4" est lié au prix du galon d'essence. Ce dernier vient d'atteindre un record historique la semaine dernière avec 1,87 dollar la mesure (3,78 litres). Une augmentation qui pousse les acheteurs américains à regarder vers des automobiles moins gourmandes, deux roues motrices et plutôt asiatiques, ce qui inquiète de plus en plus les constructeurs américains qui ont fait des SUV leurs étendards. En témoigne le Hummer H2, fierté de l'armée américaine, qui commence à souffrir de sa consommation de 24 litres aux 100 km. On pourrait presque dire qu'une fois de plus l'Amérique offre une analyse totalement libérale de la situation puisque c'est le marché seul qui va jouer son rôle de régulateur. En France, l'angle d'attaque est différent : il s'agit de la pollution avant tout et la régulation ne peut être que législative puisque, selon Denis Baupin, il faudrait intégrer de telles mesures dans le Plan de déplacement de Paris, en discussion actuellement. Pour expliquer ces différences de vue franco-américaines, il faut également préciser que le sommet de Kyoto, sur l'évolution climatique de la planète, est resté lettre morte aux Etats-Unis, contrairement à l'Europe. Alors, s'il est vrai qu'un SUV consomme plus de carburant et rejette plus de CO2 qu'une Twingo, la tendance globale est à la baisse. Une constatation visible chaque année lorsque l'Ademe présente l'évolution des rejets de CO2 des véhicules commercialisés en France. Certes, les résultats sont loin d'être parfaits, mais les choses avancent et les constructeurs travaillent. La moyenne d'émissions de CO2 de 140 g par kilomètre de leur gamme, qui doit être effective en 2008, n'est plus un but utopique.
88 860 C'est le nombre de 4x4 immatriculés en 2003 sur un marché total VP de 2 009 246. En 2002, les 4x4 ont représenté 80 001 unités, 74 657 en 2001 et 63 863 en 2000. |
Arrêter la politique spectacle
Alors, plutôt que de faire de la politique spectacle, tous partis confondus, le sujet mérite plus de sérieux et de réflexion. Si le politique veut effectivement jouer un rôle fort, qu'il utilise ses armes. Pourquoi pas un travail des commissions parlementaires ou le financement plus généreux des recherches sur les énergies propres, comme le fait le gouvernement américain ? Pourquoi ne pas accentuer la réflexion sur les transports dans leur globalité. Il n'y a pas que le ferroutage ! Si l'on veut interdire les 4x4 en ville lors des pics de pollution, en toute logique il faudrait également réduire le trafic aérien autour de certaines zones urbaines. Oui, l'automobile et le transport d'une manière globale rejettent du CO2, mais moins que la nature, les centrales thermiques, les activités domestiques et l'industrie. Il est temps de changer un peu de cible, messieurs les politiques. D'autant que les pis de la vache à lait sont déjà passablement endommagés ! L'Etat est garant de nos libertés, il les encadre bien souvent en ne s'attachant qu'à la culpabilisation des individus, leur faisant croire qu'ils sont les seuls à pouvoir influer sur nombre de problèmes. Si chacun arrêtait de respirer, on pourrait même réduire les rejets de CO2 de 1,3 kg par jour et par personne ! Ne faudrait-il pas agir plus haut, développer une vraie politique, avec l'aide de la base bien entendu, et non pas faire du marketing politique ?
Christophe Jaussaud
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