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Constructeurs

“Nous nous attelons désormais à renforcer notre haut de gamme”

Publié le 3 avril 2015

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Dans la foulée du Salon de Genève, nous avons eu le plaisir de rencontrer Luca De Meo en marge de la présentation des résultats financiers d’Audi à Ingolstadt. L’occasion rêvée de visiter les principaux marchés du groupe et de sonder les arcanes de son plan produits et nouvelles technologies.
“Pour les futures A6 et A8, l’objectif est clair : nous hisser au niveau de BMW et de Mercedes-Benz qui ont toujours été plus performants que nous sur ces segments”, annonce Luca De Meo.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Vous avancez notamment l’amélioration de votre mix produits pour expliquer l’augmentation du chiffre d’affaires du groupe en 2014, pouvez-vous être plus précis ?
LUCA DE MEO.
Sur la période courant de 2010 à 2013, le groupe a consenti de gros investissements sur la plate-forme MQB tout en s’attelant simultanément au renouvellement de son entrée de gamme. Cela a porté ses fruits car au-delà de l’effet de volume, nous nous attachons à maintenir un pricing Premium sur ces segments. En outre, en 2014, les modèles A6, A8 et Q7 ont enregistré de très solides niveaux de vente, ne concédant qu’un léger repli alors qu’ils n’étaient plus dans un cycle de vie très favorable.

JA. Vous placez aussi à l’ordre du jour un élargissement de votre gamme vers le haut de celle-ci : quels sont les prochains jalons de ce développement ?
LDM.
Nous allons effectivement encore élargir notre gamme, mais de façon très ciblée. Sous le strict angle des nouveaux modèles, nous allons concentrer nos efforts sur les SUV, avec le Q1 qui arrivera sur le marché en 2016 et avec un autre SUV haut de gamme qui sera commercialisé ultérieurement. Voici ce dont on peut parler aujourd’hui. Par ailleurs, nous travaillons aujourd’hui à renouveler notre haut de gamme et après le Q7, suivront les A6 et A8. L’objectif est clair : nous hisser au niveau de BMW et de Mercedes-Benz qui ont toujours été plus performants que nous sur ces segments. Et pour en revenir au mix produits, cela nous ouvrira encore de belles perspectives.

JA. Alors que vous confirmez que vous atteindrez l’objectif symbolique de 2 millions de ventes plus tôt que prévu, c’est-à-dire avant 2020, comment garantir l’intégrité du Premium avec de tels volumes ?
LDM.
L’objectif de deux millions de ventes sera atteint plus tôt que prévu, mais ce n’est pas une fin en soi. Ce n’est qu’une étape. De plus, il est stérile de ne raisonner qu’en volume alors que la croissance qualitative et le respect des marges sont les véritables juges de paix. Par ailleurs, la définition du nouveau territoire du Premium est effectivement une question importante sur laquelle nous travaillons, au niveau du produit, des technologies, des services, etc. Surtout sur certains marchés comme l’Allemagne, où nous avons 10 % de parts de marché par exemple.

JA. La marque progresse sur tous les marchés mondiaux, mais c’est toujours aux Etats-Unis qu’elle est la plus éloignée de ses deux principaux concurrents : quel regard portez-vous sur cette situation ?
LDM.
Nous devons rattraper nos concurrents aux Etats-Unis comme ils essaient de le faire en Chine où nous sommes un solide leader, ayant encore creusé l’écart en 2014. Sur le marché américain, après des années difficiles, on peut dire aujourd’hui que nous sommes sur une tendance positive pérenne, puisque nous venons d’enregistrer notre 50e mois de croissance consécutive en volume. Et l’introduction réussie des modèles A3 et Q3 nous ouvre de belles perspectives. Nous grignotons donc notre retard lentement mais sûrement. Et surtout raisonnablement, car nous avons les prix de vente les plus élevés du Premium outre-Atlantique et nous sommes très bien placés dans les classements de satisfaction clients.

JA. Vos partenaires investisseurs américains ont-ils confirmé leur volonté d’investir dans la marque d’ici 2020 ?
LDM.
Tout à fait, le réseau maintient sa volonté d’investir un milliard d’euros pour accompagner le développement de la marque d’ici 2020. Ceci se traduit notamment au niveau des infrastructures. Ainsi, nous avons ouvert 200 Terminal dans le monde l’an passé, dont près du quart aux Etats-Unis. Et 45 nouvelles ouvertures de Terminal sont programmées aux USA cette année. Au regard des investissements que représente un Terminal, c’est significatif et révélateur d’un climat de confiance.

JA. Sur un autre marché incontournable, le ralentissement de la croissance en Chine vous inquiète-t-il ?
LDM.
Non, dans la mesure où l’orientation vers une croissance plus mesurée était inscrite dans nos prévisions. En outre, cela reste très relatif ! Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que le segment Premium ne représente que 9 % du marché chinois, contre 20 % sur les marchés matures. On peut donc estimer qu’il reste une marge de progression pour tous les constructeurs Premium en Chine à l’avenir, y compris pour le leader, à savoir Audi.

JA. Dans un registre totalement différent puisqu’on parle de volumes très réduits, l’éveil de l’Afrique est de plus en plus régulièrement évoqué par les dirigeants des grands constructeurs : est-ce aussi sur votre feuille de route ?
LDM.
Tout d’abord, en termes de potentiel comme de structure des marchés, il est délicat de parler de l’Afrique car il y a en fait des “Afriques”. Actuellement, seuls quelques pays frémissent, au premier rang desquels se trouve l’Afrique du Sud. Sur ce marché, BMW et Mercedes-Benz ont un petit avantage car ils produisent localement, mais nous sommes en embuscade. Pour l’émergence d’autres pays, comme le Nigeria ou le Kenya par exemple, il faut voir à plus long terme. Et au plan commercial, la difficulté consiste encore à trouver des partenaires fiables. Par ailleurs, votre question m’inspire un autre commentaire stimulant : dans tous les pays émergents ou appelés à émerger, on constate que l’attraction de la voiture est considérable ! Car l’automobile, c’est une forme d’émancipation, mais aussi de l’emploi, de la R&D, etc.

JA. Venons-en à l’agenda technologique de la marque, plus précisément sur le volet des énergies alternatives. Confirmez-vous que vous donnez la priorité aux solutions hybrides rechargeables ?
LDM.
A un horizon cinq ou six ans, comme nous l’avons toujours dit, nous misons effectivement sur les solutions hybrides rechargeables. Tout simplement parce que le client n’a ainsi aucun compromis à faire sur l’autonomie ou sur le choix de son modèle. En outre, nous avons l’avantage de proposer une large gamme et une grande flexibilité grâce à nos plates-formes. Plus prosaïquement, il faut aussi garder à l’esprit que le développement des énergies alternatives correspond à la nécessité de répondre aux différentes législations en vigueur sur les émissions. Or, pour satisfaire à ces impératifs législatifs, il faut diffuser les modèles écologiquement vertueux à un certain volume, ce que les hybrides rechargeables garantissent en l’état actuel des choses mieux que d’autres solutions. Toutefois, nous maintenons nos programmes sur le véhicule 100 % électrique, qui se fraiera peut-être un chemin jusqu’aux avant-postes du marché grâce aux progrès attendus des batteries. Nous travaillons aussi sur le gaz naturel et la pile à combustible. Enfin, et sans doute n’insisterons-nous jamais assez ce point, il convient de saluer les progrès accomplis par les motorisations thermiques, Diesel comme essence. Dans notre gamme, vous en avez la parfaite illustration avec le label Ultra, qui constitue de surcroît une réponse directe au BlueTEC de Mercedes-Benz et à l’offre Efficient Dynamics de BMW.

JA. Marronnier actuel, que vous inspire l’hyper médiatisation des initiatives automobiles de Google ou d’Apple et y voyez-vous un motif d’inquiétude ?
LDM.
Cette médiatisation est logique car la connectivité est un défi considérable proposé à l’industrie automobile comme au monde entier en général soit dit en passant. Par ailleurs, le fait que des groupes comme Google ou Apple s’intéressent à l’automobile est une bonne chose et cela tend à prouver que nous ne sommes pas si “has been” que ce que certains veulent bien dire ! En somme, je n’y vois pas un motif d’inquiétude. D’une part, il y aura des coopérations plus fortes que ce que nous connaissons aujourd’hui entre les différents acteurs et d’autre part, il y aura une bataille sur la possession et la valorisation de la data, mais c’est la loi basique de l’économie.

JA. Pour conclure, jetons un œil sur les autres constructeurs : selon vous, lequel a actuellement le meilleur storytelling et la plus belle histoire à raconter ?
LDM.
Ce n’est pas une question facile… Je pense que Jaguar Land Rover est actuellement dans une phase très positive, avec de beaux messages. Et j’estime d’ailleurs que c’est une bonne chose pour le Premium. En effet, la concurrence n’a jamais été aussi aiguë dans le segment, mais in fine, cela va au bénéfice des clients car nous sommes tous obligés d’être à la fois irréprochables et inventifs sur les produits et peut-être plus encore, sur les services.

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FOCUS - Audi France veut obtenir plus d’A3 e-tron

Présent à Ingolstadt, Benoît Tiers venait notamment demander une allocation plus large de modèles e-tron pour la France. “Nous avons d’ores et déjà enregistré plus de 1 500 commandes d’A3 e-tron, alors que nous tablions initialement sur 500 !”, explique-t-il. Pourtant, on peut rappeler que le label e-tron n’est pour l’heure distribué que par 60 concessions Audi dans l’Hexagone.

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FOCUS - Un Audi City à Paris !

Temple de la “nouvelle distribution” comme il en existe déjà à Londres, Pékin ou Berlin (avec d’autres projets concernant aussi Moscou et Bruxelles), un Audi City devrait bel et bien voir le jour à Paris. En schématisant, un Audi City peut se définir comme une antenne technologique de pointe, bardée d’écrans et de simulateurs, explorant les nouvelles voies, notamment numériques, de la distribution automobile. Cependant, Benoît Tiers, patron d’Audi France, précise qu’il veut aussi en faire un lieu de vente et de contact véritable avec les clients et les prospects, dépassant le champ du showroom dédié à l’image de marque. C’est pour cette raison que l’adresse des Champs-Elysées ne devrait pas être retenue pour la construction de l’Audi City. Benoît Tiers envisage d’autres possibilités, tandis que le coût de l’immobilier ne devrait pas être un obstacle majeur dans la mesure où Luca De Meo glisse dans un sourire que la maison-mère est disposée à aider pour que le projet se concrétise.
 

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