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Constructeurs

MG Rover : “Le patient anglais” en phase terminale

Publié le 22 avril 2005

Par Tanguy Merrien
9 min de lecture
MG Rover, surnommé le patient anglais par la presse germanique lorsqu'il se trouvait sous le giron de BMW, s'est placé sous administration judiciaire. L'annonce de l'échec des négociations de rachat par le constructeur chinois SAIC a précipité cette triste issue. Vu l'état des finances et...

...du niveau des ventes du dernier britannique indépendant, la fin est inévitable. Un plan de licenciement pour 5 000 des 6 100 salariés a été décidé.


Il y a un peu plus d'un an, le Journal de l'Automobile titrait "Game over pour Rover ?". Aujourd'hui, il aurait été possible de reprendre le même titre en retirant, malheureusement, le point d'interrogation. Beaucoup des bons connaisseurs du petit monde de l'automobile pressentaient, depuis des mois, voire des années, cette triste issue. Il est vrai qu'il suffit de constater la dangereuse pente descendante prise par la courbe des ventes pour ne pas s'étonner de l'annonce faite il y a quelques jours par les dirigeants du dernier constructeur britannique indépendant. MG Rover s'est placé sous administration judiciaire vendredi 8 avril, ce qui est en droit anglais la première étape avant la faillite. Le site de Longbridge a des airs d'usine fantôme. Et pour cause. Environ 5 000 salariés, soit 80 % des effectifs, vont être licenciés. Le cabinet d'audit PricwaterhouseCoopers (PWC) est en train d'évaluer les actifs et les dettes du groupe en vue d'une vente ou d'une liquidation. Cette décision de mise sous administration judiciaire intervient seulement quelques heures après l'annonce officielle de l'échec des négociations avec le chinois SAIC (Shanghai Automotive Industrial Corporation). Ces discussions devaient aboutir à une prise de participation de 75 % du premier constructeur chinois dans le capital de MG Rover. Il s'agissait dans les faits d'un véritable plan de sauvetage et du dernier espoir de survie pour la firme de Longbridge. D'après les termes du préaccord, du désormais feu préaccord, l'entreprise chinoise devait injecter près de 1,5 milliard d'euros dans ce joint-venture. Une bonne partie de la gamme MG Rover aurait alors été assemblée en Chine. En contrepartie, les Britanniques auraient fourni les droits d'exploitation sur les licences MG Rover. Mais les Chinois ont jeté l'éponge (voir encadré). Les milliers de salariés du constructeur des Midlands vont en faire les frais. L'échec du projet de rachat par la SAIC menace, plus ou moins directement, 18 000 autres salariés de tout un tissu de petites et moyennes entreprises qui travaillent pour MG Rover. Le gouvernement britannique, en pleine campagne électorale, a débloqué 240 millions d'euros d'aide en faveur du personnel licencié, des fournisseurs et plus généralement de l'industrie locale.

290 millions évaporés

La débâcle du constructeur britannique s'accompagne de toute une série de révélations qui ne sont sans doute pas de nature à rassurer un éventuel, et pour l'heure bien hypothétique, repreneur. Les dirigeants de Rover ont dû admettre que l'entreprise perdait autour de 36 millions d'euros par mois, un déficit qui vient se cumuler au trou de 560 millions d'euros du fonds de pension destiné à payer la retraite des employés. En début de semaine dernière, ces mêmes dirigeants ont dû reconnaître que les actifs du groupe, dans un premier temps évalués à 71 millions d'euros, ne valaient dans les faits que de 14 à 42 millions d'euros. Le gouvernement britannique a annoncé l'ouverture d'une enquête sur la faillite de l'entreprise. Patricia Hewitt, ministre de l'Industrie et du Commerce, a précisé que cette enquête porterait sur les comptes de l'entreprise et du consortium Phoenix Venture. Selon le Guardian, 290 millions d'euros, en trésorerie et en actifs, n'apparaissent pas dans les comptes de la maison mère de Rover. Les comptes pour le moins dégradés de MG Rover, les derniers résultats publiés indiquant que sa maison mère a terminé l'exercice 2003 avec une perte de 111 millions d'euros, ne font que refléter des résultats commerciaux que l'on peut qualifier de catastrophiques sur une longue période. MG Rover est le seul constructeur d'importance à avoir connu une dégradation constante de ses ventes depuis une vingtaine d'années (voir tableau).

Une cruelle absence de vraies nouveautés

Un chiffre est révélateur : sur le marché européen, qui représente la quasi-totalité de ses ventes, ces dernières ont été divisées par trois sur les dix dernières années. La part de marché du constructeur en Europe est passée de 2,6 % il y a dix ans à 0,8 % en 2004. L'an dernier, les ventes ont accusé un recul de plus de 16 % par rapport à 2003. Comme le rappelait récemment dans nos colonnes Nick Mathews, chercheur au Warwick Manufacturing group, "aucun constructeur n'est parvenu à se sortir d'une situation pareille, à l'exception de Skoda parce que Volkswagen y a mis les moyens". Même la puissance financière et la compétence du groupe BMW, qui a racheté la firme de Longbridge en 1994 pour la revendre en 2000, n'ont pas suffi à sortir le constructeur de l'ornière. Comment expliquer un tel effondrement des ventes qui mène aujourd'hui MG Rover à une procédure d'administration judiciaire ? L'une des principales faiblesses du constructeur, sur la période récente, a été son manque évident de nouveaux modèles. L'équation est malheureusement connue : peu ou pas de nouveautés engendre une baisse des ventes, moins d'argent entre donc, et il devient alors difficile d'investir sur le développement de nouveaux modèles. Pour essayer de sortir de ce cercle vicieux, MG Rover a vainement tenté une politique de partenariat, tout d'abord avec le chinois Brilliance, qui n'a pas abouti, ensuite avec l'indien Tata. Le fruit de cette dernière coopération a pris les traits de la CityRover, qui s'est révélée être un cuisant échec commercial. Pourtant, lors de la vente pour dix livres symboliques de MG Rover au holding Phoenix Venture, BMW avait accordé un bien généreux prêt de 714 millions d'euros remboursable sur 49 ans et uniquement en cas d'exercice bénéficiaire : dans les faits, une véritable dot. L'exécutif britannique a tenté d'ultimes négociations avec Pékin, mais les chances d'un accord intéressant pour MG Rover sont aujourd'hui réduites à néant Une fois les procédures légales terminées, la SAIC pourrait toutefois racheter les actifs qui lui semblent les plus stratégiques comme, par exemple, l'outil de production ou des parts du réseau de distribution. Le constructeur chinois pourrait par ce biais s'introduire sur le marché européen. Les plus optimistes peuvent ainsi toujours espérer que la filiale de Phoenix Venture renaisse, en partie, de ses cendres.


Cyril André


 





FOCUS

Pourquoi les Chinois ont-ils reculé ?

Deux raisons principales peuvent permettre d'un peu mieux comprendre ce qui s'apparente à un véritable revirement du géant chinois de l'automobile dans le dossier MG Rover. Sur un plan macro économique, les autorités de Pékin s'efforcent d'éviter une surchauffe par trop importante de l'économie chinoise en général et du secteur automobile en particulier. Secteur qui connaît depuis plusieurs mois un très net ralentissement de son impressionnante croissance. Pékin a pu faire en sorte que ce rachat ne se fasse finalement pas. Autre raison de fond : la santé financière de la maison mère de MG Rover. "Il fallait que nous soyons sûrs que Phoenix Venture Holding n'allait pas faire faillite lorsque des nouvelles voitures commenceraient à sortir des chaînes de montage en 2007, a confié une source anonyme proche des négociations à l'agence Chine Nouvelle. La situation financière de Rover était pire que ce que le gouvernement britannique et Rover avaient initialement pensé." Le Guardian cite pour sa part un responsable du ministère britannique de l'Industrie qui affirme que les négociations ont échoué avec la SAIC "en raison du refus de Rover d'ouvrir complètement ses livres de comptes tant à nous qu'au gouvernement chinois".


 


 





ZOOM

Les distributeurs français dans l'inquiétude

Deux semaines après l'annonce de la faillite de Rover, certains distributeurs français sont inquiets quant à leur avenir. "Nous disposons de peu d'informations pour l'instant", commente ainsi un distributeur. La majorité d'entre eux suivent l'évolution de l'actualité minute par minute sur "différents sites Internet britanniques notamment". Le réseau n'osait imaginer le pire. "Cela fait vingt ans que je distribue la marque. J'ai souvent connu des difficultés avec Rover, jusque-là une solution a toujours été trouvée", confie un concessionnaire historique. Ce dernier pensait qu'au dernier moment les chinois de Shanghai Automotive s'engageraient pour la reprise du constructeur britannique. "Certaines sources hautement placées me l'avaient pourtant rapporté", ajoute-t-il. Cependant certains s'étaient faits une raison plus. "Même si la marque avait été reprise par SAIC, qu'est-ce qui nous prouve que les Chinois se seraient intéressés à notre marché ?", s'interroge l'un d'eux qui poursuit : "Les Chinois auraient souhaité jusqu'à obtenir Rover pour une livre symbolique." Pour l'heure, la situation actuelle ne remettrait pas en cause certaines données, comme l'aspect pièces de rechange. Caterpillar poursuivra la livraison des pièces. La société, dont l'usine est basée à Metz, qui avait racheté l'activité à Rover est une entreprise à part entière. Le parc roulant restera approvisionné. Celui-ci est estimé à 100 000 véhicules en France. En revanche, les distributeurs sont plus préoccupés par le remboursement des prestations de réparation couvertes par la garantie du constructeur. "Qui assurera désormais les remboursements des prestations réalisées par les concessionnaires auprès des clients ? Quel lien contractuel existe-t-il entre le client et le concédant ?", se demande un distributeur. La société Car Care Plan joue le rôle d'assureur et supporte les frais du constructeur pour les extensions de garantie 3 ans. Pourtant, Outre-Manche, le constructeur doit d'ores et déjà 25 millions de livres (40 millions d'euros) en prestations de garantie et en primes à son réseau. Les distributeurs se contentent de poursuivre leur activité au jour le jour et "ne regrettent pas, pour certains, de s'être procuré un stock de véhicules important…". La marque disposerait d'un stock de 1 200 voitures à l'heure actuelle soit l'équivalent des ventes réalisées au premier trimestre 2005 (1 185 VN à - 33 %). Aujourd'hui, seuls 7 distributeurs sont exclusifs sur les 138 présents dans le réseau. Depuis quelques années, les distributeurs s'étaient diversifiés dans d'autres marques. Avant d'en savoir un peu plus sur leur avenir et afin de trouver une position commune, les distributeurs Rover ont décidé de se réunir le 21 avril prochain à Roissy.

Tanguy Merrien

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