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Constructeurs

Mercedes-Benz prépare la riposte

Publié le 27 novembre 2009

Par Benoît Landré
10 min de lecture
Le constructeur allemand s'est employé depuis un an à limiter les dégâts tant dans le réseau que dans les usines. Si le marché des véhicules industriels devrait encore souffrir en 2010, Jean-Luc François, directeur général...
...véhicules industriels Mercedes-Benz France, nourrit des espoirs quant à un retour du marché des utilitaires.

Les estimations ne sont pas optimistes et le marché du poids lourd se dirige inexorablement vers une chute de l'ordre de 40 % tandis que la baisse du marché de l'utilitaire devrait se situer entre - 20 et - 25 %. Dans un contexte que Jean-Luc François, directeur général véhicules industriels Mercedes-Benz France, juge "sans précédent dans le secteur des véhicules industriels", le constructeur allemand tente tant bien que mal de maintenir ses pénétrations sur les segments des véhicules utilitaires et des camions, à défaut de pouvoir en faire autant sur les immatriculations. En effet, au cumul des neufs premiers mois, Mercedes-Benz accuse une baisse de ses immatriculations de VUL (- 5t1) de - 30,2 %, à 12 091 unités et subit une chute brutale de - 40,3 %, à 4 397 unités, sur le segment des véhicules industriels de plus de 5t1. "Cette crise est mondiale et suivant les activités, ses répercussions ne sont pas les mêmes. En utilitaires, le marché français s'est stabilisé depuis juillet autour de - 31, -32 %. Sur le segment des camions, nous assistons à une baisse d'activité de 56 % en Europe alors qu'en France pour tous les constructeurs, la baisse atteint 60 %", commente Jean-Luc François. Comme tous les autres constructeurs, Mercedes-Benz a dû ajuster sa production dans les usines pour ne pas inonder le réseau en produits et ainsi augmenter les frais financiers. Cette politique nécessaire a ainsi permis aux distributeurs d'assainir leur stock qui, à fin avril, affichait un mix juge "normal". "Dans notre usine de Wörth (Allemagne), par exemple, nous avions douze équipes semaine à raison de six jours de travail par semaine. Nous sommes actuellement en équipes réduites afin d'adapter la production au niveau d'activité. En VUL, nous avons bloqué un certain nombre de jours suivant les entrées commande et aujourd'hui nous sommes en train de nous adapter au surcroît de demande", détaille Jean-Luc François, avant de se satisfaire : "Globalement, pour nos distributeurs et nos clients, nous avons toujours tenu un bon délai de livraison sur les commandes usines."

Des secteurs frappés en plein vol

Si la crise a ravagé le secteur automobile dans son ensemble, pour le secteur des véhicules industriels, Jean-Luc François relève deux facteurs principaux qui ont participé de la baisse de un point de pénétration de Mercedes-Benz sur les camions. "D'une part, nos clients traditionnels que sont les grands groupes et qui représentent un poids conséquent dans nos volumes n'ont pas acheté du tout. D'autre part, le poids du marché des véhicules de travaux publics et de construction, qui nous a aidés dans les périodes fastes, est aujourd'hui complètement atone. Les carnets de commande sont à la baisse. Nous constatons dans ce segment une baisse globale du volume des immatriculations et comme nous étions leaders, avec des pénétrations de l'ordre de 25 à 30 %, cela impacte d'autant nos résultats", explique-t-il.

Autre explication, plutôt logique : cette baisse est d'autant plus forte qu'elle est venue frapper en plein vol un secteur dynamique et en bonne santé. "L'ampleur de la crise dans le camion ne reflète absolument pas la situation économique et il y a un phénomène d'amplification qui est largement dû aux grandes années que nous avons pu connaître et à la raréfaction des camions pendant ces années-là. Donc, il y a un effet contrecoup", remarque Jean-Luc François.

Des motifs d'espoir

Pour autant, le dirigeant reste optimiste. Notamment sur la possibilité d'un retour plus rapide du marché français des véhicules utilitaires. "Je suis persuadé que nous collerons au redémarrage du marché français. Il y a un certain nombre de paramètres qui me donnent une certaine confiance, d'une part la situation ne se dégrade plus, d'autre part je pense que les mesures incitatives d'investissement qui ont été mises en place par le gouvernement, notamment à travers les collectivités territoriales, porteront leurs fruits. Globalement, nous nous attendons lors du prochain budget à un investissement de l'ordre de 54,5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales", précise le dirigeant, qui a été consulté, comme les autres dirigeants de marque, par Richard Moraud, président de la branche distributeurs de véhicules industriels au CNPA. "En tant que constructeur, nous souhaiterions avoir des mesures incitatives de renouvellement de parc. Il est surtout devenu indispensable de disposer de soutien d'équipements de véhicules dit "Euro 3", que nous avons dans nos parcs VO et qui aujourd'hui bloquent l'activité VN. Cela nous aurait permis de leur donner une deuxième vie car nous savons que demain ces véhicules ne seront plus commercialisables dans l'ensemble de l'Europe, jusqu'en Russie."

Le secteur public affiche heureusement un certain dynamisme qui permet d'assurer quelques commandes. "Nous sentons que la France s'équipe, constate Jean-Luc François. Ces mesures sur l'investissement que la France a adoptées n'ont, certes, pas un impact immédiat sur le plan de la consommation, mais assureront sur le long terme un redémarrage".

Un plan produit respecté

Malgré le contexte, le groupe a misé sur l'offensive en lançant début juillet le Sprinter doté de motorisations Euro 5 et EEV suivi quelques semaines plus tard par le Canter Euro 5. Plus qu'un pari ou un défi, ces deux lancements sont surtout une nécessité si l'on en croit Jean-Luc François : "Cette situation n'a absolument rien changé dans notre politique de plan produits. D'autant plus que nous avons de grands rendez-vous sur la modification de la politique moteur avec Euro 6 qui sont très importants et qui nous obligent à maintenir les objectifs fixés. Il nous faut avoir des produits capables de répondre aux attentes de nos clients finaux lors de la sortie de crise. Avec un lancement produit, nous alimentons toute une chaîne vertueuse. Et surtout, pour un réseau, un lancement est toujours un moment fort qui se traduit par une re-mobilisation et crée une dynamique", juge le dirigeant. La marque s'appuie en France sur 79 points de vente camions (Mercedes et Mitsubishi) via 35 partenaires et 5 filiales et 94 points de vente VUL avec 40 partenaires et 5 filiales. 12 concessions VP distribuent à ce jour la gamme utilitaire et participent de la professionnalisation du constructeur sur ce marché, matérialisée en début d'année par le lancement du label Mercedes-Used 1. "Nous avons des distributeurs qui sont de vrais professionnels de la voiture et du VUL parce qu'ils ont mis en place, outre les structures que nous réclamons, des hommes dédiés. Nous avons le souhait de continuer à nous développer sur chaque endroit où nous aurions des faiblesses", explique Jean-Luc François, avant de poursuivre en soulevant le problème du déploiement de l'activité après-vente dans les grandes villes du fait du prix des terrains. "C'est pour cette raison d'ailleurs que nous avons "offert" l'utilitaire à nos distributeurs et investisseurs VP de certaines grandes villes parce nous étions en quête d'activité complémentaire. C'est ce que nous avons fait pour la ceinture parisienne et dans d'autres grandes villes", signale Jean-Luc François.

En France, le groupe commercialise les véhicules de la marque Mitsubishi Fuso jusqu'à 7t5 au sein du réseau Mercedes Trucks, contrairement à certains marchés comme la Belgique ou l'Espagne où les réseaux Mercedes et Mitsubishi sont séparés. "Nous n'importons pas la gamme moyenne car avec Mercedes nous offrons l'Atego, tout comme la gamme lourde et la gamme porteur. Nous sommes positionnés en France sur le Canter et tout ce qui est issu de notre usine de Tramagal, détaille Jean-Luc François. Au fil des années, nous avons appris à sélectionner nos cibles, à analyser nos manques et situer Mitsubishi là où la marque offrait la meilleure adéquation. Ce ciblage précis a permis cette coexistence entre les deux marques et a évité le phénomène de cannibalisation pour les vendeurs. Et de ce fait, la marque Mitsubishi est devenue un acteur important en France, par exemple sur les métiers du second œuvre avec la petite benne".

Le VO cherche des marchés

Sur l'activité occasion, Mercedes-Benz envisage d'augmenter de 12 % ses volumes en France en 2009 par rapport à l'année dernière grâce au lancement du label Mercedes Used 1 et au renforcement des équipes. 40 distributeurs utilitaires sur les 95 ont une activité occasion. "La crise est arrivée beaucoup plus vite dans le VO que dans le VN, il y a eu un retournement immédiat. En camions d'occasion, nous avons la chance d'avoir une marque qui s'écoule dans le monde entier, notamment en Afrique ou au Moyen Orient. Mais globalement, nous sommes en manque de marché actuellement. Les marchés de l'Est se sont fermés. Et nous ne voyons pas d'améliorations notables des circuits camions", déplore Jean-Luc François. De fait, le prix moyen des véhicules industriels d'occasion a diminué en début d'année. "Les distributeurs qui avaient une activité VO importante ont des difficultés à écouler leurs véhicules. La vente de VO sera moins profitable en 2009 et cette activité pèse dans les résultats des concessionnaires alors qu'elle peut être fortement rémunératrice dans les bonnes périodes", ajoute le directeur général véhicules industriels Mercedes-Benz France qui s'attend à une année 2010 encore difficile dans le secteur du camion. Tout juste espère-t-il un léger redémarrage des commandes au deuxième semestre même s'il est fort probable que cela n'influera pas sur les immatriculations. "Notre objectif sur le marché des VUL est de maintenir la pénétration que nous avons acquise. En camion, il s'agira de conserver notre deuxième place derrière Renault Trucks et maintenir nos ventes chez tous les clients. Je reste très confiant dans le sens où rarement nous avons eu une gamme aussi mâture en VUL comme en camion. Nous aurons en 2010 le renouvellement du Vito. Nous espérons, enfin, bien relancer la gamme TP à travers le nouvel Actros", conclut Jean-Luc François.

ZOOM

Daimler Trucks en chiffres

En France, sur le segment des camions qui a subi une chute de ses immatriculations de - 40,7 % au cumul des neuf premiers mois, la marque affiche une pénétration de 15,6 %, soit un point de perdu par rapport à la même période l'an passé. Malgré une baisse de - 30,2 % sur le marché des VUL sur neuf mois, la marque a maintenu sa pénétration avec notamment le Vito qui affiche 11,9 % de pénétration contre 11,5 % l'an passé et le Sprinter qui représente 10 % de parts de marché contre 10,2 % l'an passé. "Mais nous sommes en train de remonter de façon régulière depuis le lancement du Sprinter Euro5", constate Jean-Luc François. En 2008, le constructeur allemand a immatriculé 22 666 véhicules utilitaires et 9 586 camions en France. La marque Mitsubishi a représenté l'an passé 1 381 unités. A fin septembre, même si la branche Daimler Trucks et la division Vans ont subi une baisse de leurs volumes, les taux de pénétration de Mercedes-Benz ont augmenté. "Il y a des pays sur lesquels nous fondons de grands espoirs de démarrage comme la Chine, l'Inde et le Brésil qui repart très bien d'ailleurs et où nous sommes leaders", indique Jean-Luc François.

Photo : Jean-Luc François, directeur général véhicules industriels Mercedes-Benz France.

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