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Constructeurs

MDI prépare sa double révolution

Publié le 16 novembre 2007

Par David Paques
7 min de lecture
Ragaillardi par l'accord signé avec Tata en février dernier, le constructeur français MDI poursuit aujourd'hui le développement de ses moteurs à air comprimé et se veut plus que jamais optimiste pour imposer ses concepts techniques et industriels. Tantôt...

...fustigé, tantôt encensé, Guy Nègre, le P-dg de MDI, semble déterminé à poursuivre son projet.

Certains l'ont pris pour un doux rêveur, d'autres L'ont davantage pris au sérieux. Depuis février dernier, il est vrai que ses travaux sont mis en lumière, conséquence des sirènes indiennes qui ont récemment sonné sur Carros, le berceau de MDI. Mais Guy Nègre et ses moteurs à air comprimé ne désarment pas. Mieux, le challenge se pare peu à peu d'ambitions, quoi qu'en disent les sceptiques. "Cela s'est joué à quelques semaines", reconnaît Guy Nègre. Si Ratan N Tata n'était pas venu en personne dans l'arrière-pays niçois pour signer un accord de partenariat, la PME française aurait pu mettre la clé sous la porte. Ce n'est pas le cas. Et aujourd'hui, le dédain accordé à son travail se mue en curiosité. On s'interroge, on s'inquiète. Une centaine de nationalités a déjà défilé dans les locaux. Par intérêt, ou tout simplement pour s'informer, comme certains constructeurs l'ont fait. En tous les cas, MDI ne laisse pas indifférent.

En cycle urbain, O gramme de CO2/km

Aux biocarburants, au GNV, au GPL, à l'électrique ou à la pile à combustible, Guy Nègre préfère l'air comprimé. Un parti pris qui va à l'encontre de toutes les recherches actuelles. Archaïque, offrant un faible rendement moteur et une faible valeur énergétique, cette technologie ne semble avoir que peu de crédit auprès des constructeurs. Etonnant, pour l'ingénieur provençal, qui continue de croire en l'opportunité de sa démarche. "Aujourd'hui, les constructeurs effectuent des recherches dans des directions institutionnalisées", explique Guy Nègre. "Le problème, c'est que nous n'avons pas l'impression qu'ils veuillent vraiment mettre au point des moteurs zéro pollution", ose-t-il même.
Dix années de recherche et d'obstination ont finalement été nécessaires pour parvenir à faire disparaître les préjugés pénalisants de l'air comprimé. Aujourd'hui, MDI annonce pour ses moteurs Cats, une consommation de 2 l/100 km, 0 NOx, 3 000 à 4 000 fois moins d'hydrocarbures imbrûlés et trois fois moins d'émissions de CO2 que des moteurs thermiques conventionnels. Des propriétés environnementales qui parlent d'elle-même et qui ne semblent pas se coupler à des performances limitées. De coutume, les énergies alternatives souffrent souvent de ce genre de maux. Mais chez MDI, les moteurs mono-énergie ou bi-énergie, allant de 15 à 75 ch, offrent une autonomie en ville qui varie entre 50 et 200 km et des vitesses comprises entre 90 et 155 km/h, selon les modèles. Mais le cheval de bataille de MDI, c'est la ville. C'est là que le bloc imaginé par Guy Nègre n'a guère besoin d'adjuvant énergétique, rendant possible le 0 pollution (voir encadré). La Onecats, par exemple, qui, dans sa version de base, promet une autonomie de 100 kilomètres en ville, une vitesse maximale de 90 km/h et 0 gramme de CO2/km. Cette dernière sera produite en série sur le site de Carros, dès le deuxième semestre 2008. Elle devrait alors être commercialisée à 3 500 euros, puis 5 300 euros, dans sa version 6 places, accueillant un hard-top.

80 % de la voiture fabriqués en concession

Remettre au goût du jour une technologie ancienne* pour en faire le porte-étendard de la mobilité durable peut paraître culotté face à la course effrénée dans laquelle sont aujourd'hui lancés les différents constructeurs. La démarche aurait même pu être considérée comme fraîche et sympathique aux yeux de quelques-uns, sans l'existence d'un véritable projet commercial en arrière-plan. Guy Nègre n'a rien d'un inventeur du dimanche. L'ampleur du concept industriel mis sur pied par MDI est à ce titre considérable. Car même si ce n'est pas l'objet premier de la démarche, le process doit tout simplement bouleverser le schéma ordinaire de la distribution automobile. C'est la seconde révolution MDI.

Son principe directeur ? Réunir sur un même site, différentes étapes de la vie d'une automobile, pour réduire les frais de logistique. C'est l'idée du "concessionnaire - fabricant - associé". MDI vend en effet un package complet. Chaque partenaire achète un site clé en main. A la fois un showroom, un atelier et un site de production. Une compression rendue possible notamment par la conception même du véhicule. Conçue dans un seul et même bloc de composite, la charpente de la voiture est polymérisée dans l'arrière-boutique. C'est ainsi 80 % du véhicule qui est fabriqué sur le lieu de vente. Le reste étant constitué de pièces sous-traitées. D'ailleurs, ce procédé ne fait pas que réduire les coûts logistiques et la facture énergétique que cela entraîne. Il facilite également l'approvisionnement en pièces détachées. Finis les stocks ! Les pièces sont en effet réalisées sur place, en "after time", ironise Guy Nègre. Une fabrication à la demande, en quelque sorte.

MDI entend mettre sur pied un réseau de 21 points de distribution en France, chaque usine s'implantant sur un marché potentiel de 110 000 immatriculations. Le groupe table sur 500 partenaires dans le monde. Et parmi elles, aucune filiale. A l'heure actuelle, une quarantaine d'accords ont déjà été signés par le constructeur, dont un seul en France, près de Lyon. Le ticket d'entrée à 12 millions d'euros peut freiner certains. Mais "l'investissement sera rapidement rentabilisé", promet Guy Nègre. A la contraignante condition, toutefois, de réaliser deux ventes par jour. Mais MDI ne manque pas d'ambition. Pas du tout, même. "Nous visons 1,5 % de pénétration du marché mondial", explique, sans rougir, Guy Nègre. Mais avant de séduire le public, ce sont bien les investisseurs que l'ingénieur veut rallier à sa cause. Ses arguments apparaissent d'ailleurs séduisants.

ZOOM

L'accord avec Tata
Après 31 mois de négociation et un an et demi d'audit technique, le constructeur indien s'est finalement adjugé l'exploitation exclusive des licences de technologie MDI en Inde. Et uniquement en Inde. Précision importante puisque MDI tient à préserver son concept industriel. Cette entorse à son business model, dictée par le besoin de cash, devrait donc être sans suite. En revanche, côté indien, les moteurs à air comprimé élaborés par Guy Nègre, apparaissent comme une véritable aubaine. Soucieux de produire un véhicule urbain de grande consommation à 2 000 euros, Tata est confronté à la pollution grandissante qui s'installe dans les grandes cités indiennes. Une énergie alternative, à bas coût, comme celle des moteurs Cats pourraient ainsi trouver naturellement sa place dans ce futur véhicule.

38 % de marges pour les concessionnaires

Pour témoigner de l'efficacité de son "business model", MDI se réfère aux outils de production existants. A production équivalente, le concept MDI n'utilise, alors, qu'un quart de l'espace utilisé dans une usine classique, qu'un cinquième des investissements réalisés par un constructeur lambda mais emploie 30 % de main-d'œuvre en plus qu'une fabrique commune. Grâce au modèle logistique mis en place, les gains s'avèrent alors véritables pour le distributeur. Un concessionnaire qui, même s'il reverse 10 % de son CA à MDI, au titre de l'exploitation des licences, s'adjuge tout de même une marge de 38 % par véhicule. Pour finir de convaincre certains sceptiques, MDI annonce qu'il est aujourd'hui capable de financer, à hauteur de 70 %, les installations. Une sorte de crédit "à taux intéressant", glisse-t-on, pour les investisseurs modestes. Autant de chiffres qui laissent pour le moins dubitatifs, mais qui semblent pourtant capter l'attention de nombreux gestionnaires venus de la grande distribution. A Carros, on ne ferme d'ailleurs la porte à personne. "Un concessionnaire classique peut aujourd'hui tout à fait accueillir un pôle MDI, en marge de son affaire. Même si cela comporte un risque vis-à-vis du ou des constructeurs qu'il représente déjà", précise Guy Nègre.
De manière générale, l'initiative du petit constructeur n'a d'ailleurs pas toujours suscité l'enthousiasme de la profession. "Nous avons eu à faire face à des problèmes organisés. Mais pas par nous…", raconte Guy Nègre. Les banques, les institutions… les déstabilisations sont diverses. Et nombreux sont ceux à jeter le discrédit sur le travail de MDI. En interne également, la méfiance règne et les cabales se succèdent. En s'appropriant, pour l'Inde, le droit d'exploiter les licences de l'entreprise des Alpes maritimes, Tata met un terme aux attaques diverses quant à la crédibilité technique des moteurs à air comprimé. Quant à la démarche industrielle…

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