"L’obsession de la cohérence"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Depuis combien de temps travaillez-vous avec Vincent Besson ?
FRÉDÉRIC BANZET. Nous nous connaissons depuis plus de dix ans et nous travaillons ensemble très étroitement depuis 2004. Je dois d’ailleurs dire que c’est un homme charmant avec lequel il est très agréable de travailler. Toujours très calme et prenant volontiers beaucoup de recul, il se caractérise avant tout par sa capacité à proposer une vision. Il a beaucoup apporté au groupe en général, et à Citroën en particulier.
JA. Comment définiriez-vous sa façon d’appréhender le produit ?
FB. Tout d’abord, c’est vraiment un homme taillé sur mesure pour le produit ! Notamment parce qu’il sait parfaitement fédérer les différentes énergies et compétences, ce qui n’est pourtant pas chose aisée. Commerce, achats, design, production etc., il faut réussir à trouver la bonne alchimie dans le respect des équilibres. Par ailleurs, par la nature même de son poste, il doit travailler sur le long terme, et même sur des marchés automobiles futurs qui n’existent pas encore, ce qui réclame une aptitude à anticiper, voire à inventer. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir une capacité à raconter une histoire pour susciter l’adhésion et il est maître en la matière.
JA. Situé au confluent de plusieurs disciplines comme vous le soulignez, parvient-il aisément à susciter cette adhésion ?
FB. Oui et je crois que cela tient en grande partie à sa personnalité, mais il a véritablement la faculté de faire travailler les gens ensemble. Il sait réunir les gens de manière transversale, alors que chacun aurait naturellement tendance à travailler en silo, dans un pré carré et focalisé sur un seul objectif. Au-delà de toute la technicité des projets et de sa grande expérience de l’automobile, on est un peu dans l’intangible en fait. C’est une dimension très humaine. Au niveau du style, par exemple, il forme un duo très efficace avec Jean-Pierre Ploué, caractérisé par une très grande complicité.
JA. Au-delà de l’adhésion, qu’en est-il de sa force de conviction, notamment vis-à-vis de la direction générale ?
FB. Vincent a indéniablement une capacité politique à faire avancer ses idées et à mobiliser autour de ses projets pour qu’on le soutienne, voire qu’on l’aide. Plus prosaïquement, on peut dire aussi qu’il sait demander de l’argent ! Ses démonstrations comme ses présentations sont brillantes et précises. Vincent a du charme et le charme aide à faire passer les idées ! Dans le même temps, il ne cherche pas à se mettre en avant, il agit toujours au nom des équipes et en respectant les autres.
JA. Avez-vous en tête des exemples concrets de dossiers sur lesquels il a su forcer la décision ?
FB. Il y en a beaucoup et d’une manière générale, Vincent sait manier au bon moment des images pour convaincre la direction générale d’accepter certains projets et de les promouvoir. Deux exemples me viennent spontanément à l’esprit. Primo, quand il s’est agi de choisir entre un grand C4 Picasso ou deux silhouettes pour renouveler le Xsara Picasso, la première option présentant l’inconvénient de renoncer à un break C4 car nous ne pouvions pas tout faire, c’est lui qui a poussé dans cette direction et nous avons pu vérifier que c’était un bon choix. Cela a permis d’asseoir le C4 Picasso en Europe et d’en faire le leader du M1. Par ailleurs, toujours quelques années en arrière, quand il s’est agi de soutenir un concept assez audacieux comme C-Métisse, c’est à nouveau lui qui a su trouver les mots et la force de persuasion pour convaincre Claude Satinet et Robert Peugeot, alors qu’il y avait objectivement assez peu d’éléments pour réaliser ce concept-car.
JA. Par rapport à son recul et à son mode de fonctionnement, certaines personnes disent qu’on a parfois envie de le bousculer un peu, partagez-vous ce point de vue ?
FB. C’est vrai. On a parfois envie de le bousculer. Mais il l’accepte parfaitement. Il faut aussi comprendre, vu la complexité de sa tâche, qu’il ressente l’envie, voire la nécessité, de se sécuriser.
JA. Vous qui le côtoyez depuis plusieurs années, pouvez-vous nous brosser son portrait en manager ?
FB. Comme je l’évoquais, il s’agit de quelqu’un de très humain qui n’a rien d’un leader autoritaire à l’ancienne. Je pense qu’il interprète le management de façon très moderne, avec un sens inné de la proximité, mais aussi un réel soin porté à cette dimension. En outre, cela se traduit aussi par une grande capacité de délégation, même s’il sait aussi toujours intervenir quand il le faut.
JA. Après avoir vécu la riche épopée du renouveau de Citroën, ne craignez-vous pas un effet de dilution avec ses fonctions élargies aux deux marques ?
FB. Après avoir largement participé au renouveau de Citroën, il s’occupe désormais des deux marques et je pense au contraire que c’est une chance pour le groupe. Pour lui comme pour Jean-Pierre Ploué, je ne crains en aucun cas un effet de dilution ou d’élasticité trop marquée, d’autant qu’ils savent s’entourer et qu’ils s’appuient sur des équipes dédiées à chaque marque. Je suis bien placé pour le savoir ! Plus sérieusement, nous travaillons tous en parfaite osmose et nous avons la chance de nous comprendre en peu de mots et en peu de temps.
JA. Pour conclure, vous avez comme lui une longue expérience au sein de PSA : de qui serait-il l’héritier au sein de groupe ?
FB. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question… Cependant, comme moi, Vincent a été marqué et, dans une certaine mesure, formaté, par Claude Satinet. Cela se retrouve notamment dans l’obsession de la cohérence. C’est essentiel car c’est ça qui fait la force d’une marque. Toutefois, à nous de rester modernes dans ce souci de cohérence et d’avoir un peu plus de folie peut-être.
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