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Constructeurs

“Le retour en grâce de l’Amérique”

Publié le 17 février 2015

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Questions à Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte
Questions à Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. A votre retour du Salon de Detroit, confirmez-vous que les Américains ont la sensation enivrante que la crise est derrière eux ?
GUILLAUME CRUNELLE.
Cette édition 2015 du Salon de Detroit a clairement voulu signifier le retour en grâce de l’Amérique. Cependant, aucun constructeur américain n’est tombé dans l’euphorie et Mary Barra a notamment souligné le poids des rappels dans l’activité de GM en 2014. Mais malgré ces rappels, GM n’a pas cédé de terrain au niveau du volume des ventes, ce qui est un signal positif. D’une manière générale, les grands indicateurs sont au vert. La confiance des ménages est au beau fixe ; le prix du gallon a été divisé par deux, voire plus, en un an ; le parc est ancien, environ 11,5 ans en moyenne ; les taux d’intérêt sont historiquement bas, ce qui n’est pas sans incidence sur un marché caractérisé par une forte pénétration du leasing, etc. Dès lors, si 2014 a permis de dépasser pour la première fois les volumes de 2008, les perspectives sont bonnes avec une projection de croissance pour les deux ou trois prochaines années. A l’horizon 2020, nous évoquons même la possibilité de tutoyer les 20 millions de ventes.

JA. La démonstration de force des supercars et des trucks peut-elle suggérer que le défi environnemental proposé à l’industrie automobile passe à nouveau au second plan aux Etats-Unis sous l’effet d’une croissance retrouvée ?
GC.
Il n’y a pas lieu d’être aussi catégorique, loin de là. Prenons un pas de recul : le segment des trucks ne représente que 10 à 12 % du marché, alors qu’il occupait un tiers du Salon, car sous l’effet des renouvellements, il va représenter 25 % des lancements à venir à court terme. De surcroît, il faut se mettre à la place des Américains. Ces modèles constituent l’ADN des marques et c’est donc un champ de communication très fertile. Par ailleurs, pour les supercars, il y avait surtout une immense médiatisation de la Ford GT et de l’Acura NSX. Modèles phares auxquels on peut ajouter quelques berlines vitaminées. Rien à voir avec une tendance structurelle. D’ailleurs, quel segment progresse le plus sur le marché ? C’est celui des crossovers, qui sont plus respectueux de l’environnement et plus compacts qu’auparavant. En outre, les énergies alternatives étaient aussi bien représentées sur le Salon. Donc, il serait inexact de penser que les constructeurs américains se détournent des normes environnementales. Supercars et trucks étaient le symbole d’une attitude positive retrouvée et ce sont aussi de formidables vecteurs d’image outre-Atlantique.

JA. Quel regard portez-vous sur les constructeurs américains et leur rapport de force ?
GC.
Le Big Three a retrouvé de l’aplomb et s’est stabilisé. D’ailleurs, il n’y a pas de bouleversements à venir dans la répartition des parts de marché ente eux. Disons que le groupe Ford est en bonne position, car il a traversé la crise sans aides extérieures et qu’il a été relativement épargné par les rappels. Concernant Chrysler, mieux vaut désormais parler de FCA. On constate que le moteur du groupe est passé de l’Italie aux Etats-Unis, les marques Chrysler et Jeep bénéficiant des budgets alloués aux nouveautés. Les marques avaient d’ailleurs des stands conquérants et Dodge a multiplié les animations autour du Charger. Toutefois, Fiat n’était pas totalement mise sur la touche, avec la présence de la gamme 500, alors que sa part de marché est infime.

JA. Comment expliquez-vous les difficultés de Volkswagen sur ce marché (la marque a dévissé de 10 % en 2014), qui est l’une des rares poches de résistance à l’expansion mondiale de la marque ?
GC.
Force est de reconnaître que Volkswagen rencontre quelques difficultés pour se développer sur ce marché. Mais il convient aussi de relativiser les choses en gardant à l’esprit que les marques européennes ne représentent qu’environ 8 % du marché nord-américain. En outre, la gamme de Volkswagen n’était pas parfaitement bien adaptée au marché l’an passé, ce qui explique aussi ce recul. Mais la marque a naturellement les moyens et les atouts pour repartir en conquête.

JA. Dans un registre différent, pensez-vous que DS et Alfa Romeo ont vraiment une chance de percer sur le marché américain à l’avenir ?
GC.
Installer ou réinstaller une marque est toujours une tâche ardue réclamant de la patience, au même titre que la construction d’un réseau de distribution. Cependant, il est aussi plus facile de rentrer sur un marché quand celui-ci est en croissance. Surtout pour une marque “plaisir” comme Alfa Romeo. Il peut donc y avoir quelques opportunités, mais forcément compliquées à saisir.

JA. Quelles conclusions tirez-vous de votre passage à Detroit cette année ?
GC.
Sans prétendre à l’exhaustivité, j’en citerai trois. Primo, les Etats-Unis sont de nouveau un marché mature orienté vers la croissance, avec une confiance retrouvée des consommateurs. Même si une recherche d’équilibre est toujours en cours, au niveau de la production, avec le Mexique. Secundo, le Salon de Detroit a démontré qu’on pouvait innover au-delà du seul véhicule connecté. Beaucoup d’observateurs pensaient que le CES avait tout cannibalisé, alors que le NAIAS a répondu en redonnant sa place au véhicule qui roule et qui peut innover concrètement. Tertio, un mot sur la ville de Detroit, jadis complètement sinistrée et qui retrouve aussi un peu d’optimisme, en sachant notamment attirer de nombreuses start-up.
 

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