"Le marché des flottes est encore plus compliqué que celui des particuliers !"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Lors du dernier Salon de Genève, en discutant avec Stefan Jacoby (*) et Wim Maes, ils m’avaient dit que la marque ayant retrouvé son allant, la priorité allait désormais au produit, comment vous appropriez-vous ce viatique ?
PB. Tout d’abord, il convient de rappeler que depuis l’arrivée de Stefan Jacoby à la tête de la marque, le produit est revenu au premier plan à tous les échelons du groupe et pour tous les métiers, au niveau commercial comme en amont, R&D, qualité, production, etc. C’est vraiment l’une de ses marques de fabrique et on peut dire, dans le bon sens du terme, qu’il a une obsession du produit. Je crois que c’est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que nous entrons dans une ère où de nouveaux segments s’ouvrent et où les cycles de vie sont de plus en plus courts. Il est donc impératif d’être très proche des clients. Il faut même aller plus loin et se mettre en position d’anticiper la demande à deux, quatre, voire dix ans. Un exercice difficile car les cycles de développement de produits restent plutôt longs dans notre industrie. Les équipes suédoises y travaillent sans relâche, toujours plus réactives, ouvertes, flexibles.
JA. Au chapitre du produit, impossible de passer outre la V40, surtout pour l’Europe : quel premier bilan intermédiaire tirez-vous de ce lancement névralgique ?
PB. Présenté à Genève, le modèle a été lancé en France à l’occasion de la Volvo Ocean Race qui faisait escale à Lorient. Sur le marché français, nous avons été privilégiés, entre guillemets, car nous avons bénéficié des premiers véhicules qui sortaient du site de Gand. Nous avons mis en place un centre d’essais à Lorient et nous avons pu organiser 800 essais. Avec des jugements plutôt très flatteurs. Le dispositif marketing et CRM s’est ensuite déployé et depuis le mois de septembre, nous avons lancé notre campagne mass-media, renforcée à l’occasion du Mondial par de l’affichage et des publicités presse. Pour l’heure, tout se passe bien et nous avons d’ores et déjà 1 000 commandes, ce qui est parfaitement en ligne avec le budget du lancement. En outre, l’accueil de la presse et de nos partenaires flottes est très positif. Nous accélérons encore le mouvement avec les versions cross-country et Art Design.
JA. Ne pensez-vous pas que la V40 cross-country a une belle carte à jouer sur un segment qui fait fi de la crise en affichant une croissance exponentielle ?
PB. C’est vrai que le segment des petits SUV explose littéralement en France : sur un marché à - 13 %, le segment des petits SUV haut de gamme affiche une croissance de 86 % sur les huit premiers mois de l’année ! Il y a donc une demande très forte pour les produits de ce type et on peut donc penser que la V40 cross-country sera un allié précieux et conquérant pour la V40.
JA. Même si le jeu des prévisions est de plus en plus délicat et que l’exercice est soumis à des révisions de plus en plus fréquentes, quel est, au jour d’aujourd’hui, votre objectif commercial français pour la V40 ?
PB. Pour 2012, l’objectif de la marque dépend beaucoup de la V40. Nous tablons donc sur un objectif de 15 500 unités, mais les derniers mois seront décisifs. Sachant qu’en termes de production, 2 500 V40 sont attribuées à la France. Par ailleurs, l’effet cross-country que nous évoquions ne pourra se faire sentir qu’en 2013, car la production ne débute qu’en novembre et les véhicules de démonstration arriveront donc dans le réseau en toute fin d’année.
JA. L’objectif des 18 000 unités pour la marque n’est donc plus d’actualité, n’est-ce pas ?
PB. Il n’est effectivement plus d’actualité. Avec le contexte que vous connaissez, nous devons faire face non seulement à une pression sur les volumes, mais aussi à une pression sur les marges. Au niveau des concessionnaires comme de la marque. C’est d’ailleurs ce qui explique les difficultés rencontrées par les constructeurs généralistes, mais nous sommes aussi concernés, notamment sur notre entrée de gamme. Nous devons donc faire des arbitrages plus précis et faire des choix qui privilégient le maintien de la marge au détriment du volume. Cela revient à manipuler une balance aussi complexe que sensible.
JA. Quels sont les segments sur lesquels la marque tire le mieux son épingle du jeu ?
PB. Le XC 60 est toujours second sur son segment derrière le Audi Q5, tandis que la V60 est aussi sur la deuxième marche du podium derrière l’Audi A4. Sur le segment C Premium, dans le périmètre 3 portes, nous sommes aussi seconds, avec la C30, cette fois derrière BMW. En outre, avec la C70, même si ce sont des volumes réduits, nous sommes aussi à la seconde place du segment. Bref, même si le contexte est difficile, nous gardons notre rang.
JA. Vous aviez fait du marché des flottes une impérieuse priorité : comment affrontez-vous les difficultés de ce marché ?
PB. Ce marché est encore plus compliqué que celui des particuliers ! On ne parle plus de concurrence mais d’hyper-concurrence ! Nous parvenons à conserver nos positions, mais au prix d’efforts considérables. Il y a beaucoup d’hésitations dans les entreprises, même chez les PME et au sein des professions libérales. Dans les grands groupes, entre les plans d’économies et les plans sociaux, les incertitudes sont fortes. Pour nous, la bonne nouvelle est venue d’un accueil très favorable pour la V40. Nous sommes d’ailleurs entrés dans de nouvelles car policies, mais attention, ce n’est pas parce que vous figurez dans les car policies que cela se traduit en euros sonnants et trébuchants. Cependant, vu notre bon positionnement en TCO, VR et nos offres de loyers, des choses positives vont se concrétiser. Avec la V40, nous avons d’ailleurs d’ores et déjà gagné de nouveaux contrats.
JA. Face à une concurrence de plus en plus intense, si on ne veut pas trop altérer les prix, le salut passe-t-il par une animation commerciale de tous les instants ?
PB. L’animation commerciale doit être plus soutenue et elle doit s’appuyer sur un management du produit, de tous les produits, beaucoup plus dynamique. Il est loin le temps où on laissait un produit, même bien né et apprécié, vivre sa vie ! Cela passe donc par de l’animation terrain et par des séries limitées. Un seul exemple : sur un modèle assez ancien, comme le V70, nous avons lancé une série luxe qui a séduit des clients et les ventes ont immédiatement frémi. Le même phénomène s’est produit avec la S80. Pour l’animation en tant que telle, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un réseau remarquable. Ainsi, depuis début septembre, on voit de très belles opérations autour de la gamme 60 et de la nouvelle V40. Pour cette dernière, le concept du roadshow a été très suivi.
JA. Les actions autour de la gamme 60 étaient surtout portées par un nouveau package comprenant l’entretien, n’est-ce pas ?
PB. Oui, mais nous avons su jouer sur nos forces. En effet, si vous discutez avec des responsables de CGI ou ALD, nos partenaires, ils vous diront que les clients de la marque sont très intéressants car leur degré de risque est très limité. C’est le profil idéal pour un assureur ou un financier. Nos clients sont plus que raisonnables, ils sont précautionneux. D’ailleurs, en temps de crise, ils auront plutôt tendance à reporter leur achat. Donc, il était plus indiqué pour nous d’inclure l’entretien dans un package que de jouer dans le registre des remises. Cela correspondait mieux aux attentes de nos clients.
JA. La fragilisation des réseaux à l’échelle nationale vous inquiète-t-elle et le réseau Volvo a-t-il beaucoup perdu en rentabilité ?
PB. Nous suivons naturellement l’évolution de la distribution avec beaucoup d’attention. Dans notre cas de figure, nous n’avons pas beaucoup de distributeurs dans le rouge, c’est très marginal. En outre, la rentabilité, vu le contexte, reste respectable. L’an passé, elle s’était établie à 2,3 % et au premier semestre 2012, elle était de 1,3 % pour les distributeurs exclusifs et de 1,1 % pour les multimarques. En outre, il n’y a pas que la rentabilité qui doit être observée, mais aussi le cashflow et l’endettement.
JA. Même si ce n’est pas forcément une priorité dans le contexte actuel, quels sont vos projets pour l’extension de votre représentation ?
PB. Pour 2013, nous avons d’ores et déjà 9 dossiers de construction qui sont confirmés. Avec des projets d’envergure, à Lyon par exemple, ou encore Marne-la-Vallée. Cela confirme l’attrait de la marque et la relation de confiance que nous nouons avec nos distributeurs.
JA. Avez-vous un premier retour d’expérience sur le nouveau programme CRM que vous déployez dans le réseau, notamment sur la gestion des leads ?
PB. Il est encore trop tôt pour faire un bilan intermédiaire car il est encore en cours de déploiement. Les commentaires émanant des quatre points de vente concernés sont positifs, mais il y a aussi des améliorations locales à faire, principalement sous l’angle des interfaces, car c’est un programme mondial et la France est pays-pilote, comme le Royaume-Uni d’ailleurs. Je pense que nous pourrons être plus diserts à Genève.
JA. Avec l’exploitation de la V40 en année pleine, pensez-vous que 2013 sera une année de croissance pour la marque en France ?
PB. Nous avons une belle opportunité et cela devrait être une année de croissance. Mais il y a tant d’incertitudes que je préfère ne donner aucun chiffre…
JA. Incertitudes certes, mais le Premium est plutôt épargné par la crise ?
PB. Je ne serai pas aussi catégorique et je pense que la réalité est plus contrastée. Le segment Premium est surtout tiré par l’effet nouveautés. Chaque lancement fonctionne bien. Et deux segments représentent des volumes conséquents, notamment les petits SUV. Mais si vous regardez le reste, les chiffres sont à la baisse. Même ambitieux, il faut donc rester très prudent.
* Propos recueillis après l’AVC de Stefan Jacoby et avant l’annonce officielle de la nomination d’un nouveau président.
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