“Le marché de l’après-vente va progresser de 13 % par an”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. En Chine, où le marché est focalisé sur le VN, quels sont les périmètres de vos trois métiers ?
PHILIPPE DAUGER. Travaillant dans l’automobile depuis longtemps, je retrouve ici la situation que nous connaissions en Europe il y a environ trente ans. A cette époque, les concessionnaires étaient quasi exclusivement focalisés sur le VN. C’est le cas en Chine, mais les choses évoluent depuis un an ou deux. La croissance moins soutenue des ventes VN et la baisse de la rentabilité forcent les concessionnaires chinois à développer leurs autres activités. Dans ce cadre, nous pouvons maintenant mettre en place nos programmes et nos formations, que l’on parle de ventes flottes, de VO ou d’après-vente.
JA. En France, les ventes à professionnels représentent près d’une vente sur deux. Qu’en est-il en Chine ? Que pèse ce canal ?
Ph. D. Le chiffre va sans doute vous surprendre, mais les ventes flottes, dans leur ensemble, en Chine, représentent environ 1,2 million d’unités par an. C’est minuscule sur un marché global de près de 20 millions d’unités. Les raisons de cette faiblesse sont nombreuses, mais il faut noter que les entreprises n’ont ici pas réellement de politiques flottes et que peu de collaborateurs ont droit à une voiture de fonction. Dans ce contexte, le groupe Volkswagen vend chaque année 400 000 unités sur ce canal. Si, en volume, cela peut paraître peu compte tenu de nos 3,6 millions véhicules vendus en 2014 dans le pays, nous affichons toutefois sur ce canal une part de marché de 34 %. Mais quoi qu’il en soit, le marché des flottes en est encore à ses balbutiements.
JA. Quelle est la typologie des clients sur ce canal ?
Ph. D. Nous vendons ces véhicules principalement aux auto-écoles, aux taxis, et nous faisons également quelques leasings. Les ventes au Gouvernement font aussi partie de ce business, mais cette année, elles sont en retrait. Toutefois, cela ne nous pénalise pas trop car nous étions relativement peu performants sur ce segment.
JA. Ces ventes devraient toutefois augmenter à l’avenir. Que mettez-vous en place pour tirer le meilleur de cette croissance future ?
Ph. D. Ma priorité est de convaincre les concessionnaires d’investir, avec notre aide, dans des Fleet Center, mais aussi de commencer à faire du lead management pour toucher et mieux connaître nos clients potentiels. Nous devons vraiment travailler sur les petites flottes qui, je pense, vont évoluer rapidement. Mais, en plus de nos actions, le vrai déclencheur sera sans doute la mise en place d’une nouvelle fiscalité pour les entreprises. A cet égard, les actions de lobbying sont essentielles
JA. Qu’en est-il du VO ? Est-ce une activité importante pour vous et votre réseau ?
Ph. D. A l’image des ventes flottes, le marché du VO reste bien loin des standards que l’on connaît en Europe. Certes, il s’est échangé environ 4 millions de VO dans le pays en 2014, mais ce marché échappe très largement aux réseaux constructeurs. Il est dominé par des brokers qui sont avantagés fiscalement. Les concessionnaires doivent faire face à une fiscalité plus contraignante et également obtenir une licence spécifique pour le commerce du VO. Nous essayons de faire changer cela et sur ce sujet aussi les actions de lobbying sont très importantes mais…
JA. Malgré cette situation, avez-vous déployé votre label Das WeltAuto ?
Ph. D. Environ 15 % de nos 2 800 concessionnaires arborent Das WeltAuto (l’enseigne de Volkswagen ou Refined Recommandation pour Audi ou Approved Pre Owned pour Porsche). Cependant, notre préoccupation majeure n’est pas le nombre de ces points VO, mais le sourcing des véhicules. Il est très difficile de faire des reprises car dans la plupart des cas les acheteurs d’un VN sont des « first buyers », il n’y a donc pas de VO à reprendre. Nous avons vraiment du mal à amorcer la pompe. Nous travaillons sur ce sujet en permettant, par exemple, aux concessionnaires de grandes métropoles d’envoyer leurs VO, bien souvent sans plaques à cause des restrictions d’immatriculations dans les grandes villes comme Pékin ou Shanghai, vers l’ouest de la Chine. De la même manière, nous allons proposer aux concessionnaires hors de ces mégapoles un système d’échange BtoB. Dans ce but, nous venons de mettre en place une plate-forme de vente aux enchères qui permet de revendre aux concessionnaires les véhicules de fonction des personnels du groupe VW en Chine, soit 400 à 500 unités par an. Nous allons étendre cette plate-forme cette année afin d’offrir la possibilité aux concessionnaires de Pékin d’échanger leurs VO. Cela devrait être déployé dans tout le pays en 2016. Le sourcing est vraiment notre priorité.
JA. Le service après-vente évolue-t-il lui aussi dans un univers particulier ?
Ph. D. La problématique n’est pas la même car les concessionnaires ont plus d’appétence pour l’après-vente. Ils connaissent mieux cette activité, d’autant que le parc roulant ne cesse de croître et de vieillir. Je leur rappelle constamment les enjeux à venir en termes d’après-vente. Si, dans les trois prochaines années, le marché VN va encore gagner entre 5 et 6 % par an, celui de l’après-vente va quant à lui progresser de 13 % par an. Il ne faut surtout pas que nos concessionnaires se laissent déborder. Ils doivent adapter leur capacité à l’évolution du parc, mais aussi leur politique commerciale. Ainsi, le véhicule de 0 à 4 ans, le segment 1, est logiquement moins omniprésent aujourd’hui, laissant plus de place au segment 2, les véhicules âgés de 4 à 7 ans. Le segment 3 représente pour sa part les véhicules de plus de 8 ans. Les clients du segment 2 et 3 ne demandent pas forcément les mêmes prestations et ne sont pas prêts à payer comme pour le segment 1. Cela étant, quel que soit le segment ou le client, ma priorité absolue est de développer, avec le réseau, des satellites dédiés aux services pour plus de proximité.
JA. Le paysage après-vente est-il aussi varié qu’en France ?
Ph. D. En plus des réseaux constructeurs, il y a près de 400 000 ateliers dont certaines chaînes de service rapide ! Ce sont souvent des petits garages, très fragmentés, disposant de 4 à 5 baies en moyenne. Mais malgré ce nombre important, les réseaux constructeurs en général et ceux du groupe Volkswagen en particulier conservent une part de marché élevée car le marché de l’après-vente repose essentiellement sur des véhicules du segment 1, ceux de moins de 4 ans. Nous travaillons depuis longtemps pour que les clients nous restent fidèles après cette échéance. La qualité du service est une pièce maîtresse, mais nous devons aussi, par exemple, nous astreindre à développer les extensions de garanties. Enfin, autre nouveauté chinoise, nos concessionnaires ont désormais le droit d’acheter leurs pièces où ils veulent. Et il arrive qu’un groupe de distribution en Chine compte 100 concessions et dispose d’une centrale d’achat. Nous devons donc être très attentifs, d’autant qu’à l’inverse de l’Europe, nous n’avons pas encore de grille de remises structurée. Vous l’avez compris, il y a encore beaucoup de choses à mettre en place, que ce soit dans l’organisation ou le marketing, mais la pièce génère déjà un chiffre d’affaires annuel de plus de 3 milliards d’euros par an. Et le potentiel de développement est impressionnant.
JA. En France, par exemple, le réseau Volkswagen affiche 1 % de rentabilité avec des contributions relativement équilibrées des différents métiers. L’après-vente couvrent 77 % des frais fixes. Qu’en est-il en Chine ?
Ph. D. Vous l’avez compris, le VO ne rapporte rien pour l’instant. Et l’après-vente représente encore moins de 50 % de la rentabilité de nos concessionnaires. Cela dit, l’activité dans les ateliers progresse sensiblement en particulier grâce à l’augmentation très importante de notre parc roulant.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.