"Le jeu est beaucoup plus ouvert que ce qu’il a pu être voilà quelques années"
Journal de l’Automobile. La marque continue d’engranger de bons résultats commerciaux. Estimez-vous néanmoins que l’environnement économique a grevé une partie de votre croissance ?
Vincent Rambaud. Si l’on regarde nos résultats par rapport à notre volonté d’accélérer l’internationalisation des ventes et la montée en gamme de la marque, nous avons toutes les raisons d’être satisfaits. A la fin du premier semestre, nous avons, en effet, une bonne croissance globale, mais surtout un taux de ventes à l’international qui a augmenté de 41 à 44 % par rapport à juin 2010, puis une croissance de nos ventes sur le haut de notre gamme (RCZ, 508, 3008) de 44 % au niveau mondial. Quant au contexte, je ne parlerais pas tant de morosité que d’incertitudes durables sur le marché européen. Et il est évident que l’horizon qui s’assombrit dans le périmètre européen aura mécaniquement un impact sur nos volumes globaux et qu’il faut donc que nous nous adaptions.
JA. Comment proposer des produits spécifiques à chaque marché à l’heure où les demandes clients semblent converger ?
VR. On poursuit, de fait, deux objectifs un peu contradictoires en apparence, mais qui deviennent en réalité complémentaires. L’exemple de 508 est tout à fait frappant. Cette convergence existe pour une large part tout simplement parce que la communication s’accélère - en Europe, nous savons très rapidement ce qu’il se passe en Chine et inversement -, et que nous la recherchons nous aussi. La convergence est une chance au niveau industriel car cela permet de rationaliser les coûts, de réduire les investissements de développement, d’augmenter les séries, d’avoir des politiques marketing cohérentes… Cela nous permet, d’un point de vue stratégique, de réussir des projets comme celui de 508. C’est presque la même voiture partout, qui rencontre le succès en Europe comme en Chine. Cela étant, cette convergence a des limites. Nous avons développé 408 pour la Chine et l’Amérique latine. Nous nous sommes, dans ces cas-là, adaptés aux consommateurs. Quand la convergence n’est pas possible, nous devons nous adapter aux besoins locaux.
JA. Le poids grandissant des marchés des BRIC entraîne-t-il un glissement du centre de décision stratégique hors d’Europe ?
VR. On peut aussi inverser les choses. C’est-à-dire que nous voulons garder 50 % de nos ventes en Europe. Nous sommes Européens, Français, Franc-comtois… Elaborer une stratégie qui serait dictée par ce qui se passe en Chine, en Amérique latine ou en Russie ne serait pas plus raisonnable. Le mot-clé, c’est “global”. Une stratégie qui serait basée à partir d’un seul point de vue ne peut pas être bonne. Il faut avoir des hommes et des organisations fortes au sein des principales zones, et que la vision de ces zones pèse de manière significative dans les décisions. Mais il faut que cela soit équilibré et non pas passer d’une caricature à une autre.
JA. Quelle est la géométrie de votre montée en gamme ?
VR. Désormais, il n’y a plus d’homothétie entre montée en gamme et grosse voiture. C’est une mutation fondamentale. On peut avoir des petits véhicules extrêmement luxueux. Les cartes ont été rebattues. C’est sans doute le phénomène le plus important que vit actuellement l’industrie automobile. Le jeu est beaucoup plus ouvert que ce qu’il a pu être voilà quelques années. C’est passionnant. D’une certaine manière, tout est possible. Et ce grand rebond que nous sentons actuellement est la conséquence de grands bouleversements. C’est-à-dire que nous sommes obligés de nous réinventer pour faire face au défi écologique, mais aussi géographique. Encore fallait-il faire les choix ambitieux au bon moment.
JA. Où est l’équilibre entre la volonté de monter en gamme et celle de garder une offre Entry ?
VR. Je ne veux être “Entry” sur aucun marché. Ce n’est pas notre vocation. Ce qui m’importe, c’est que, sur tous les marchés, il y ait une offre Peugeot dans le cœur de gamme. Une offre qui doit être valorisante pour le client. Le client Peugeot doit être fier d’acheter une Peugeot. Il n’y a pas d’incompatibilité à partir du moment où le produit est valorisant pour le client local. Après, tout dépend du marché. Une voiture cœur de gamme valorisante en Inde, vue par un client suisse, sera potentiellement Entry. Elle n’aura alors pas de sens sur le marché suisse.
JA. Le HX1 que vous présentez à Francfort semble être l’illustration de votre stratégie de montée en gamme. Que faut-il en attendre ?
VR. C’est une sorte de monospace qui concrétise un message très fort. Conceptuellement, sur un type de véhicules qui a généralement deux caractéristiques : ce sont souvent les plus moches et les moins adaptés d’un point de vue environnemental. Nous devons respecter le plus possible les exigences environnementales et utilitaires de nos clients, mais en leur apportant de l’émotion. C’est une illustration un peu extrême qui rejoint ce que nous faisons de manière concrète sur 3008 HYbrid4 ou 508 RXH, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de faire des voitures écolo une punition.
JA. En quoi le réseau doit-il accompagner la marque dans cette montée en gamme ?
VR. C’est une clé de notre évolution. La montée en gamme ne peut se faire qu’à 360 °. L’écrin doit être en cohérence avec cette philosophie. Il faut donc une mise à l’image avant fin 2012. Toutes les nouvelles Blue Box qui vont être construites afficheront ce nouveau bleu, mais nous avons donné un peu plus de tolérance à ceux qui ont investi récemment.
L’autre pan des conséquences de notre stratégie sur le réseau est qu’en termes de qualité de service, il y a un énorme travail en cours pour rejoindre le niveau des meilleurs dans les pays. Les distributeurs adhèrent globalement à la stratégie et comprennent donc cette nécessaire cohérence.
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