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Constructeurs

“Le financement doit permettre de construire une véritable ­proposition client, un peu sur le modèle du Pay as you drive”

Publié le 3 avril 2015

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Rasséréné par les récentes performances de Volvo et aiguillonné par l’important lancement du XC90, Yves Pasquier-Desvignes aborde l’exercice 2015 avec ambition. Image, après-vente, VO, financement, data center… il nous détaille les nombreux projets de Volvo avec prosaïsme.
Yves Pasquier-Desvignes, président de Volvo Car France.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quel regard portez-vous sur le début de l’année sur le marché français, avec une croissance en trompe-l’œil si on se réfère à la structure du marché et partant, comment jugez-vous les performances de Volvo ?
YVES PASQUIER-DESVIGNES.
Dans le cadre de nos prévisions, nous avions retenu le scénario d’un marché français identique à celui de l’année passée, ce qui est grosso modo le cas. De même, pour la marque, nous tablions sur des performances similaires à celles de l’an passé, en attendant le lancement du XC90 qui sera un vecteur de croissance. Au niveau des volumes, nous avons relevé le pari en janvier et en février, avec même 150 unités de mieux que prévu. En outre, le XC60 poursuit sur sa lancée, notre mix est bon et le niveau des commandes est tout à fait satisfaisant. Et pour en revenir au marché, je réaffirme que nous n’attendons rien de lui, surtout que nous sommes trop petits pour cela.

JA. Malgré quelques légers signes de reprise, la conjoncture et l’opinion publique demeurent moroses en France : cette grande frilosité vous paraît-elle justifiée ?
YP-D.
D’une part, certains chiffres, comme ceux du chômage, sont têtus et d’autre part, la conjoncture automobile est très orientée par des effets d’annonce politiques. Ainsi en va-t-il du haro sur le Diesel… Pour autant, est-ce que cela nuit aux ventes de véhicules ? Pas vraiment, la conséquence étant plutôt un transfert vers les motorisations essence. Dès lors, il n’y a pas lieu de dramatiser la situation et on peut parler d’un certain équilibre. Dans le même ordre d’idées, si le business est tendu sur le segment des particuliers, le marché des flottes, scandé par le jeu des renouvellements, peut faire contrepoids. A mon sens, le point bas du marché français a été atteint et une conjoncture négative a des effets réduits, même si elle accentue le ralentissement du renouvellement des véhicules.

JA. Après le bon accueil réservé au XC90, pour quel dispositif de lancement allez-vous opter car même si les volumes sont réduits, le modèle peut créer un halo positif sur l’ensemble de la gamme ?
YP-D.
Que ce soit dans les médias, dans le réseau ou sur les premiers tests clients, l’accueil du XC90 est effectivement très positif. Et pour son lancement, nous allons en faire plus que de raison, entre guillemets, en année une, car il s’agit de notre vaisseau-amiral. Cependant, comme vous le soulignez à raison, eu égard au fait que nous ne visons que 1 000 ventes, le dispositif sera très ciblé. Plutôt que sur les médias classiques, nos efforts porteront ainsi surtout sur Internet, notamment les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, mais aussi LinkedIn. Ensuite, en juin et juillet, nous effectuerons les premières livraisons pour ceux ayant commandé très tôt. Puis viendra octobre, un moment intense avec l’arrivée du XC90 T8, qui sera l’objet d’essais privilégiés du véhicule, avec une mise en main très individualisée.

JA. Au-delà des considérations budgétaires, sous l’angle de l’efficacité, pourquoi vous focaliser sur les réseaux sociaux alors que le XC90 s’adresse à une clientèle aisée et plutôt âgée et donc, plutôt éloignée de ces supports ?
YP-D.
Tout simplement parce que les réseaux sociaux font valoir une fulgurance de la diffusion de l’information, y compris sur des cibles visées comme les familles ou une clientèle “lifestyle”. Cela ne relève pas forcément du placement tactique commercial, mais mise sur le facteur multiplicateur au service de l’information et de l’image. De plus, les réseaux sociaux sont désormais hyper segmentés et doivent nous permettre de toucher des cibles niches. L’objectif est donc double : d’un côté, les cibles affinitaires et de l’autre, la social-réputation.

JA. A propos de cible, si Volvo est assimilée au Premium, la marque se caractérise aussi par un positionnement atypique. Dès lors, avec quels constructeurs établissez-vous votre benchmark ?
YP-D.
Pour le benchmark, nous nous référons aux références du Premium allemand. Même si nos acheteurs ne viennent pas vraiment de cet univers. Au-delà de nos clients très fidèles, Volvo séduit aussi comme accès au Premium, pour des clients issus des généralistes, comme Volkswagen par exemple. En fait, quand des clients Premium viennent à nous, c’est surtout pour éviter l’ostentation.

JA. Parmi vos priorités, vous évoquez la fidélisation à l’après-vente des clients ayant une Volvo de plus de trois ans : par quels moyens comptez-vous y parvenir ?
YP-D.
Notre taux de fidélisation à 3 ou 4 ans de possession ne nous pose pas de souci et se situe au-dessus des performances des constructeurs généralistes. Mais nos véhicules sont très robustes et vieillissent bien et il convient donc de voir plus loin. D’où la mise en œuvre d’une stratégie du tout inclus, avec des packages de plus en plus complets. Avec deux idées en tête : annuler les hésitations sur l’entretien dans le réseau et fidéliser très en amont, car regagner ceux qui sont partis est ardu, surtout que s’ils sont partis, c’est qu’ils avaient une raison de le faire.

JA. Vous estimez aussi que vous devez regagner de la marge additionnelle via la vente d’accessoires, pouvez-vous être plus précis ?
YP-D.
Ce périmètre inclut les ventes à particuliers, mais pas les flottes, et reste très concentré sur les jantes, les kits carrosserie, les seuils de marche, les coffres de toit, les porte-vélos, etc. Par rapport à cet objectif, le XC90 représente une réelle opportunité, par le biais de deux axes de personnalisation très poussés, en mode baroudeur ou urbain. La reconquête du chiffre d’affaires des accessoires passera donc par le XC90. Mais dans la pratique, attention à ne pas donner l’impression au client qu’on cherche à alourdir sa facture et à respecter l’achat coup de cœur en supplément. La proposition de vente doit donc intervenir au bon moment, pas forcément au moment de la conclusion de l’achat, mais peut-être aussi après, à la livraison par exemple.

JA. Vous souhaitez aussi renforcer votre efficacité sur le VO : cela passe-t-il par un réaménagement de Volvo Selekt ?
YP-D.
Entendons-nous bien, le VO n’est pas un problème pour le réseau. Dans ce domaine, la véritable tension se situe actuellement dans le sourcing, notamment pour les véhicules de 4 à 6 ans qui passent beaucoup par le circuit de particuliers à particuliers et qui nous échappent donc. Il faut que nous captions mieux cette partie du marché. Comment ? La pratique des rachats cash est peut-être une piste à étudier.

JA. Comment comptez-vous monter encore en puissance sur le volet du financement ?
YP-D.
Notre partenariat nous donne satisfaction, mais la question est complexe. Je m’explique : le financement ne doit pas seulement être un outil de financement et ce n’est pas l’apanage des banques ou des captives. Or, en jouant un coup sur les taux, un coup sur le taux zéro, un coup sur les mensualités, nous utilisons très imparfaitement le financement. Nous devons nous atteler à l’exploiter comme un outil d’attaque qui sait s’adapter et construire une véritable proposition, un peu sur le modèle du Pay as you drive. Car il ne faut pas perdre de vue qu’une progression du financement peut se muer en une progression des ventes. Cette approche novatrice suppose cependant des outils informatiques très efficaces.

JA. Des logiciels et des données dont vous disposez déjà pourtant, n’est-ce pas ?
YP-D.
Nous avons effectivement des données très riches, mais toutes les couches de l’information ne communiquent cependant pas encore toujours entre elles… Nous devons optimiser ces outils et c’est un chantier important au sein de Volvo, ce qui s’est traduit par la fusion du marketing ventes, après-vente et services ou par le choix de l’agence Havas. A l’échelle du groupe, les coûts sont mutualisés par toutes les filiales sur la base du cloud de la maison-mère.

JA. Vous insistez beaucoup sur le choix d’Havas comme nouvelle agence, pour quelles raisons ?
YP-D.
Le choix d’Havas correspond à notre ferme volonté de tout baser sur le ROI, dans une optique de gestion précise du Life Cycle Management. Nous devons connaître tous nos clients par leur nom et leur prénom. C’est tout à fait envisageable quand on réalise entre 13 000 et 15 000 ventes par an. Notre dernière campagne radio va par exemple dans ce sens, puisqu’elle renvoie vers le site Internet pour mettre en place un essai de véhicule dans un laps de temps très court.

JA. Pour conclure, que vous inspire l’intrusion de géants comme Apple ou Google dans l’écosystème automobile ?
YP-D.
Comme c’est déjà valable pour les grands équipementiers, nous avons là des partenaires incontournables pour le défi de la connectivité des véhicules et à plus long terme, la voiture autonome. Il ne serait donc guère fécond d’être frileux. Mais nous ne devons pas pour autant être béats face à eux. En effet, ils ne sont pas meilleurs que tout le monde et peuvent essuyer des déconvenues, le récent exemple des Google Glass en étant une illustration.

 

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