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Constructeurs

“Le client vient en concession pour se rassurer sur le choix qu’il a déjà fait avant de venir et il ne demande qu’à être définitivement convaincu”

Publié le 23 septembre 2015

Par Alexandre Guillet
10 min de lecture
L’édition 2015 du Grand Prix des Marques Automobiles, qui mesure et analyse l’attachement des clients VN à leur marque, a rendu son verdict. Cette année, Audi succède à BMW sur la première marche du podium, à l’issue d’un mano a mano haletant entre les deux marques, tandis que Volvo et DS font bouger les lignes. Le volet consacré à la création d’expérience de marque par les points de contact consacre Mercedes-Benz et DS. Décodage avec Marie-Agathe Nicoli, directrice du département Automotive de TNS Sofres.
Marie-Agathe Nicoli, directrice du département Automotive de TNS Sofres.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quels sont les faits saillants de l’étude GPMA 2015 que vous mettriez volontiers en avant ?

MARIE-AGATHE NICOLI. Le tassement du score d’attachement des conducteurs à leur marque automobile observé l’an dernier se confirme cette année : même si le secteur automobile obtient toujours des scores que bien des secteurs pourraient lui envier, il n’échappe pas à cet effritement (que l’on observe par ailleurs pour tous les secteurs d’activité que nous suivons) causé par un contexte économique tendu et difficile.

JA. En outre, par rapport à l’étude précédente, l’indice TRIM dévisse significativement dès la première année de possession, comment l’expliquez-vous ?

M-AN. Il est effectivement frappant de constater que ce décrochage est particulièrement marqué pendant la première année de possession, signe que la durée de la lune de miel entre un conducteur et sa marque tend à se raccourcir. Et les facteurs de cette prise de distance accélérée ne sont pas à chercher du côté du produit, dont la performance est toujours reconnue à des niveaux élevés, mais du côté de la capacité des marques à créer de la préférence, ou plus exactement à conserver cette préférence.

On peut émettre l’hypothèse que le rythme de développement de plus en plus rapide de la technologie embarquée des véhicules, notamment en matière de connectivité, combiné au nombre croissant de modèles lancés rendent les véhicules déjà présents sur le marché plus vite obsolètes, tout au moins en termes de perception, ce qui réinterroge plus rapidement les conducteurs dans leurs choix.

JA. Dans le top 10, on trouve deux nouveaux entrants, Volvo et DS qui sont désormais panélisables : quelles sont les forces respectives de ces deux marques selon leurs clients ?

M-AN. Volvo présente un profil de marque très équilibré et solide. La marque se situe dans les 3 premières sur toutes les grandes dimensions évaluées : “agrément et design”, “SAV”, “coûts d’utilisation” et bien sûr, “qualité”, où elle décroche la première place. Son leadership sur la dimension qualité repose plus particulièrement sur les dimensions : “robustesse de la carrosserie / qualité des finitions extérieures” et “fiabilité mécanique”. Par ailleurs, DS est notamment fortement reconnue pour son design, avec un score élevé sur le design extérieur.

JA. Toujours dans l’examen du top 10, on constate que le Premium, marques Premium en tant que telles ou généralistes Premium comme Honda et Volkswagen, règne en maître, seules les marques Skoda et Toyota y figurant par ailleurs. Comment l’analysez-vous ?

M-AN. Il est vrai que l’on trouve comme par les années passées beaucoup de marques Premium présentes au palmarès. C’est une des forces de leur positionnement et le cœur de leur promesse “d’enchanter” leurs clients tout au long de leur vécu d’automobiliste et de nouer ainsi une relation étroite avec eux. Par ailleurs, les prix Premium pratiqués par ces marques excluent tout choix par défaut, ce qui peut en revanche concerner les marques généralistes ; elles peuvent donc s’appuyer sur un socle de clientèle plus homogène car, a priori, engagée. Et les résultats de l’étude montrent que ces marques tiennent leurs promesses. Par ailleurs, Skoda, tout comme Dacia lors de précédents palmarès, incarne le choix malin. Pour les possesseurs de la marque, elle tient ses promesses de qualité, de sobriété, sans compromis sur le design.

JA. Sur la 1re marche du podium, Audi succède à BMW, les deux marques poursuivant leur mano a mano très étroit. A vos yeux, qu’est-ce qui les place au-dessus du lot ?

M-AN. Elles tiennent parfaitement leurs promesses de marques Premium en mettant le client au cœur de leurs stratégies, tout en s’appuyant sur des modèles au design perçu à la fois comme caractéristique de la marque, innovant et séduisant.

JA. Un mot sur Dacia, qui perd du terrain dans l’étude depuis quelques années. Peut-on lier cette évolution à la relative mais avérée montée en gamme de la marque, notamment via le succès du Duster ?

M-AN. Cela peut être une explication mais on peut y reconnaître aussi le phénomène assez classique de distanciation qui s’opère avec les années : le temps a passé, l’engouement suscité par la marque dans ses premiers temps d’existence s’est érodé, les commentaires se font plus critiques. La marque demeure cependant dans le top 10 sur la dimension socle de sa promesse, à savoir les coûts d’utilisation.

JA. Quelles sont les tendances qui structurent la dimension “Agrément de conduite & Design” cette année et quelles sont les raisons qui permettent à DS de s’y distinguer ?

M-AN. Cette dimension agrège des caractéristiques telles que le confort, l’agrément de conduite, l’aménagement et l’ergonomie intérieurs, la performance du moteur, le niveau d’équipement et la ligne extérieure. Si DS rafle la première place sur les dimensions “confort” et “agrément de conduite”, elle creuse un peu plus l’écart sur la ligne extérieure, comme je l’évoquais précédemment.

JA. La qualité des produits s’améliorant sans cesse d’une manière générale dans l’automobile, qu’est-ce qui permet de faire la différence auprès des clients dans ce domaine ?

M-AN. Tout ce qui touche à la finition des véhicules et plus généralement à la qualité perçue d’une part, le plaisir de conduite que procure le modèle d’autre part, et enfin le design / la ligne du véhicule qui demeure le premier critère de choix.

JA. Honda truste pour la 5e année consécutive le prix de la dimension SAV : quelles sont ses bottes secrètes ?

M-AN. La marque tient ses engagements à la fois en termes de prix et de délais, et est transparente sur les travaux effectués qui sont, de plus, jugés comme étant de bonne qualité. Cerise sur le gâteau : la marque s’appuie sur des outils digitaux qui facilitent la prise de rendez-vous, et donc la vie !

JA. Vous avez mis en place un nouvel item relatif aux outils numériques pour fluidifier le SAV : quels enseignements vous apporte-t-il au regard des réponses des clients ?

M-AN. Il y a une vraie attente d’accès facilité, notamment au moment de la prise de rendez-vous, et de transparence des prix et des travaux effectués. Soulignons que cette attente est transversale à tous les secteurs d’activité. Et il y a encore de gros écarts entre les marques…

JA. Kia s’arroge la dimension “Coûts d’utilisation” : peut-on y voir les fruits de sa stratégie de “7 ans de garantie” ?

M-AN. La durée de la garantie, même si elle ne met pas à l’abri des interventions, joue effectivement en faveur de la marque. Mais Kia dispose d’autres atouts comme un carnet d’entretien qui ne pousse pas à la consommation, des tarifs compétitifs et son prix d’achat attractif.

JA. En période de tension sur le pouvoir d’achat, quelles dominantes détacheriez-vous de cette dimension ?

M-AN. Les acheteurs de VN veulent en avoir pour leur argent et cherchent en permanence à se rassurer sur leur investissement, d’où notamment l’accent mis sur la valeur à la revente. L’arrivée sur le marché de VO quasi neufs challenge encore plus les VN proposés.

JA. Parmi les nouveaux prix lancés l’an passé, on trouve celui du “Meilleur site Internet Constructeur”, qui revient cette année à Mercedes-Benz : sur quels points la marque fait-elle la différence et quels sont les fondamentaux, aux yeux des clients, d’un site efficace ?

M-AN. Il n’y a pas de secret : les visiteurs du site retrouvent parfaitement l’univers de la marque, ainsi que toutes les informations qu’ils sont venus y chercher.

JA. A ce propos, les espaces personnels en ligne et les applications sont-ils vraiment utilisés, d’une part, et appréciés, d’autre part, par les clients ?

M-AN. Elles sont encore sous-utilisées, mais en général, quand elles le sont, elles permettent d’augmenter le score de préférence de marque. Bien utilisées, elles peuvent être le trait d’union indispensable, en dehors du véhicule bien entendu, entre le client et sa marque entre deux achats.

JA. Ces outils doivent permettre d’animer la relation post-vente avec les clients, mais présentent le risque d’apparaître intrusifs, voire inopportuns. Quelles actions fonctionnent et quel est le bon équilibre à trouver ?

M-AN. Si aucun bénéfice pour le client n’est associé à cette démarche, ces nouveaux outils sont perçus comme intrusifs. Comme toujours, il faut apporter de l’information utile et du rêve, mais on est encore loin de la saturation ! Et les forces commerciales en point de vente, en relayant ces actions, peuvent en démultiplier l’impact.

JA. Avec les véhicules connectés, de nouvelles perspectives s’ouvrent dans ce domaine : sur quels prochains jalons pariez-vous à court terme ?

M-AN. La relation avec le client de la marque sera moins discontinue et beaucoup plus personnalisée. De vraies stratégies de SAV vont pouvoir aussi être déployées.

JA. Le prix de la “Concession” revient à DS, ce qui constitue une petite surprise. Comment l’expliquez-vous ?

M-AN. Il est vrai qu’il n’existe quasiment pas de point de vente DS en tant que tel, mais des corners. Les possesseurs de DS manifestent ici leur satisfaction par rapport à cette mise en scène de l’univers de la marque, à sa cohérence.

JA. Au-delà des fondamentaux, quelles préconisations feriez-vous pour l’animation des sites physiques ?

M-AN. Il faut les mettre en œuvre systématiquement ces fondamentaux ! Car ce n’est pas toujours le cas… Assurer une continuité dans l’expérience on/off line. Et bien garder en tête que le client vient en concession pour se rassurer sur le choix qu’il a fait avant de venir et qu’il ne demande qu’à être définitivement convaincu, notamment par l’expérience produit !

JA. Un mot à propos des prix “Publicité TV” : pourquoi la publicité traditionnelle, à papa entre guillemets, a-t-elle encore un réel impact et quid du développement du fameux omni-canal dans ce domaine ?

M-AN. Par sa couverture ! Même si le paysage audiovisuel s’est considérablement fragmenté, elle demeure un moyen encore sûr d’atteindre un public large.

JA. Pour conclure sur le chapitre de l’environnement, COP 21 oblige, le classement des “Mobilités du futur et Environnement”, qui ne fait pas l’objet d’un prix cette année, reste figé (Renault devant Toyota et Peugeot). Voyez-vous un frémissement chez les clients par rapport à cet enjeu ou cela reste-t-il encore fort ténu ?

M-AN. Le marché est de plus en plus en attente d’offres hybrides. Cela représente aux yeux des automobilistes un bon compromis, tant que les freins à l’achat de véhicules 100 % électriques, l’autonomie et le maillage des bornes, ne sont pas plus significativement levés. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les attentes du grand public, à l’égard de l’industrie automobile dans son ensemble, se cristallisent plus des questions de responsabilité sociale, “est-ce que l’industrie automobile remplit son rôle d’employeur ?”, par exemple, que sur les questions environnementales. La pression réglementaire pour inciter à développer des moteurs moins polluants d’une part, et les innovations technologiques apportées en réponse à cette réglementation d’autre part, rassurent l’opinion publique sur la tendance suivie par l’industrie dans son rapport à l’environnement.
 

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