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Constructeurs

Laurens van den Acker, directeur du design industriel de Renault et membre du comité de direction.

Publié le 9 octobre 2009

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
"Renault peut être plus séduisant et sensuel"Star de la scène internationale du design automobile, Laurens van den Acker relève un défi d'envergure en prenant la tête du style de Renault....
...Toujours ausi aimable, vif et polyglotte -il parle déjà le français !-, l'homme en costume-Puma nous livre sa vision du Losange. Entretien exclusif !

Journal de l'Automobile. Avec ce nouveau poste, vous changez clairement de dimension : comment appréhendez-vous ce challenge et quels sont les points qui vous demandent le plus d'adaptation par rapport à l'échelle du groupe Renault ?
Laurens van den Acker. C'est clair que c'est un changement assez fondamental ! Changement de culture, avec un passage de l'est à l'ouest, changement de langue, changement de pays, changement de taille d'entreprise bien entendu, mais aussi changement de positionnement de la marque dans son cycle de vie. Chez Mazda, la marque était établie et ma mission concernait principalement l'accompagnement de la hausse des volumes. Chez Renault, avec la nouvelle signature "Drive the change", il y a une nouvelle ambition, une volonté de rupture, ce qui se traduit d'ailleurs aussi par une équipe dirigeante récente. Bref, difficile d'imaginer un changement plus important ! J'aurai donc besoin de temps pour appréhender l'ensemble, mais je sais aussi qu'il faut faire vite.

Biographie

Né le 5 septembre 1965, Laurens van den Acker est diplômé en Design Industriel à l'Université de Technologie de Delft (Pays Bas). Après des débuts chez Design System SRL en Italie, il rejoint Audi en 1993 (Allemagne). Après un passage chez SHR Perceptual Management (USA), il entre chez Ford en 1998 où il occupe successivement plusieurs fonctions importantes aux Etats-Unis. En 2006, il devient Directeur de la Division Design de Mazda Motor Corporation à Hiroshima (Japon). Il rejoint Renault le 15 mai 2009 et est nommé, Directeur du Design Industriel
du Groupe le 1er septembre 2009.

JA. A peine arrivé, avez-vous déjà une certitude sur l'identité de Renault ?
LVDA. Je dialogue avec énormément de personnes dans l'entreprise, pas seulement au style et je m'imprègne de la culture française et de la culture du groupe, sachant qu'il y a de fortes interactions entre les deux. Ce dont je suis d'ores et déjà convaincu, c'est qu'au-delà des valeurs technologiques, l'humain et la célébration de la vie ont une place centrale à avoir chez Renault. C'est sur cette base que nous allons donner un nouvel élan à la marque.

JA. A ce propos, considérant la riche histoire de Renault, comment définiriez-vous l'ADN de la marque, c'est-à-dire la base de lancement des projets à venir ?
LVDA. Renault est avant tout une marque généraliste, mais elle n'est pas pour autant unidimensionnelle. Elle doit toucher toutes les étapes de la vie : la jeunesse, l'amour, la famille, le travail, le jeu, la sagesse… D'ailleurs, les icônes de la marque reflètent cette richesse : Kangoo, c'est Renault, mais aussi Alpine, Espace, c'est Renault, mais aussi la R5 et Twingo. En fait, c'est difficile de parler d'un seul ADN pour Renault et c'est pourquoi je préfère mettre la notion de la vie, dans toute sa diversité et son évolutivité, en avant.

JA. Concernant votre champ d'action, Patrick Le Quément confiait que l'une de ses erreurs avait été d'accepter la direction du style et celle de la qualité : partagez-vous cette vision des choses et cet écueil vous est-il épargné ?
LVDA. Il m'a fait jurer de ne prendre aucune autre fonction au-delà du design ! Plaisanteries mises à part, j'ai un très grand respect pour Patrick Le Quément parce qu'il a toujours osé et qu'il a su faire preuve de courage. Or ce n'est pas facile dans une grande entreprise où le consensus, voire le conformisme, sont souvent plus confortables. Il a aussi développé considérablement le département du design. Quand il est arrivé, il y avait une centaine de personnes et nous sommes 450 aujourd'hui. C'est une autre dimension, d'autant que cela s'est accompagné d'une forte internationalisation. Bref, si vous prenez cela en compte et le fait qu'il y ait un portefeuille de trois marques, je ne peux pas imaginer m'occuper d'autre chose que du design !

JA. Actuellement, le design Renault traverse un cycle creux : êtes-vous d'accord avec cette assertion et même si vous ne pouvez pas révolutionner les projets en cours, quelles seront les premières "touches van den Acker" visibles ?
LVDA. L'automobile obéit à des lois très cycliques et il y a régulièrement des hauts et des bas dans toutes les entreprises. Renault n'échappe pas à cette règle. Mais je pense qu'avec les nouvelles Mégane, la marque a déjà amorcé sa remontée. De mon point de vue, il est important que je prenne un peu de temps pour bien me positionner car nous nous inscrivons dans une démarche à long terme. Il faut créer un grand pas en avant et un pas en avant qui dure. Cela implique l'adhésion de l'équipe et du management bien entendu. En fait, si je pense que Renault peut être une marque plus séduisante et sensuelle, j'estime aussi qu'il faut garder le sens de la mesure car c'est avant tout une marque populaire qui s'adresse au plus grand nombre.

JA. Vous évoquiez les différentes marques du groupe : concernant la gamme Logan en particulier, quel langage stylistique comptez-vous exploiter sachant que vous évoluez sur des marchés très divers, avec des contraintes de coûts très fortes et des badges interchangeables ?
LVDA. L'expression de Dacia repose sur un style simple, robuste et spacieux. En respectant des prix très abordables. Nous avons vérifié que la demande était bel et bien présente. Ce qui peut se révéler plus difficile, c'est de trouver le bon équilibre entre le grand écart de perception selon les marchés. Ce qui apparaît bon marché dans les pays matures est considéré comme très cher sur d'autres marchés. Donc, on ne peut pas faire juste du "pas cher". D'autant que la concurrence a pris note de notre succès et qu'elle ne va pas rester les bras croisés. Il faut donc renforcer le design et l'expression de Dacia, mais nous savons déjà quelles idées-forces mettre en exergue.

JA. Au-delà de Dacia, on peut aussi évoquer Lada, Samsung, Bajaj etc. Comment procéder pour trouver une bonne articulation entre ces différents langages et ces différentes influences ?
LVDA. D'une part, il y a les marchés matures, dont l'Europe de l'ouest, et d'autre part, il y a tous les pays émergents. Par rapport au second volet, l'esprit entrepreunarial de Renault m'impressionne. Il faut respecter une identité de groupe tout en définissant des stratégies de marques spécifiques. Cependant, je ne peux pas en dire beaucoup plus aujourd'hui, vu que j'ai pris mes fonctions depuis quinze jours et que je ne suis pas encore allé en Corée ou en Inde. Autant j'ai quelques idées précises sur Renault, comme je vous le disais, autant pour les autres marques, ma réflexion doit encore mûrir.

JA. En tant que designer, quelle est votre vision de la France et de ses valeurs de style ?
LVDA. Pour moi la France, c'est Brigitte Bardot, Laetitia Casta, le fromage, le vin, la joie de vivre, la beauté ! Ce sont peut-être des stéréotypes, mais vous savez, je suis quelqu'un d'assez simple et je crois qu'ils véhiculent une part de vérité. Il faut combiner cela avec la tradition d'innovation de Renault et vous trouverez forcément une belle alchimie. D'une manière générale, la France se prête au grandiose, au beau geste et c'est un formidable terreau pour un designer ! La ville de Paris en est l'illustration, disons que c'est plus stimulant que Wolfsburg !

JA. Juste une dernière question : quelle est la dernière Renault qui vous ait marqué ?
LVDA. La Mégane Trophy.

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