La liberté d’établissement, côté constructeurs
...1917, qui, pour commencer, a eu lieu en novembre) ? Dans un élan d'empathie, très inhabituel en ce qui me concerne, j'ai essayé de l'imaginer. D'autres, plus connectés que je ne le suis, ont sans doute obtenu des confidences officielles et dotées des nécessaires imprimatur et nihil obstat : ils seront donc en condition de me contredire au nom des vérités puisées, dégazéifiées et filtrées à la source. Il y a cependant un point sur lequel, je crois, nous tomberons d'accord : aucun d'entre eux n'est très à l'aise, c'est le moins qu'on puisse dire, avec cette disposition du règlement européen. On sait bien que tout a été fait pour la retarder, puis pour l'annuler. Et pour cause (toujours, mon lapin) : c'est une disposition qui contrecarre les politiques de réseau appliquées depuis des années, et jamais remises en cause malgré la clarté des intentions affirmées et réaffirmées par la commission européenne.
Un carrefour
Non, je ne vais pas vous parler de la grande distribution, mais du choix qui s'ouvre pour les constructeurs. S'ils acceptent de jouer le jeu du marché libéralisé, ils peuvent y trouver leur compte, non sans avoir tiré un trait sur le passé. Ainsi, le fait que les concessionnaires soient libres d'ouvrir des succursales de vente là où ils le désirent en Europe, peut être vu de deux façons très différentes. C'est, dans une optique constructeurs, la pire des choses, si l'on n'en retient que la perte de contrôle qui en résultera ; c'est une excellente chose, toujours dans la même optique, si on sait l'utiliser. Un exemple : un concessionnaire de la marque X, établi à Annecy, ouvre une succursale à Lyon, parce qu'il a remarqué que la marque y réalise des scores minables et parce qu'il aime la rosette. Ce qui se passera, c'est que la concurrence intramarque se développera à Lyon, ce qui, soit dit entre nous, ne déplaira pas vraiment, au-delà des dénégations d'usage, à la maison mère… pourvu qu'au bout du compte, les résultats s'améliorent à Lyon. Qui a dit, en effet, que la concurrence intramarque doit demeurer la bête noire des constructeurs ? En réalité, seuls les concessionnaires ayant investi dans l'espoir de ne voir aucun collègue s'installer dans leur voisinage courent un risque. Après quelques hésitations, les constructeurs sauront faire preuve de pragmatisme, et ils saisiront les opportunités qui se présentent, puis ils sauront en faire naître d'autres. Tout cela, me direz-vous, semble bien cynique. C'est vrai : Mais nous vivons en l'an 2005, et nous parlons de commerce automobile. Il est, par conséquent, impossible pour un constructeur de faire l'impasse sur les nouvelles conditions du marché. Personnellement, je n'en vois aucun choisir la voie du renoncement au nom des vérités révolues.
Et le multimarquisme ?
On l'a dit maintes fois, la liberté d'établissement va favoriser l'essor du commerce multimarque. Or, si l'on exclut le multimarquisme de groupe, la plupart des constructeurs abhorrent cette nouvelle façon de faire du commerce. Combien de temps cette hostilité préconçue résistera-t-elle aux faits du marché ? Les paris sont ouverts. Il est certain, cependant, qu'après mûres réflexions, ce diable-là aussi commencera à être vu d'un meilleur œil. Comme il faut s'y attendre, en effet, les consommateurs mèneront la danse : dès que les flux commerciaux se dirigeront vers le lieu de commerce le plus naturel, le négoce multimarque, on verra aussi que les constructeurs n'ayant rien à attendre d'une attitude irrationnelle, s'adapteront. Il y a, c'est vrai, un épouvantail : celui de l'électroménager, qui voit la distribution dominer les producteurs. Mais c'est précisément en vertu de cet exemple, que les constructeurs préféreront intervenir pour garder une marge de manœuvre acceptable, plutôt que de résister jusqu'à ce que les événements décident à leur place. Pour reprendre notre exemple précédent, s'il y a sur Lyon un super concessionnaire qui vend avec succès et dans les mêmes locaux les marques Y, Z et T, il pourra être intéressant pour la marque X de faire appel à lui. On oubliera alors le "brand" et ses légendes, pour commencer à vendre des automobiles.
Ernest Ferrari Consultant