Jaguar XJ, complètement aluminée !
...projet ambitieux et visite de Castle Bromwich, le temple Jaguar de l'aluminium.
Quand Jaguar a décidé de lancer une nouvelle version de la XJ, véhicule "historique" de la marque, les responsables du projet étaient placés devant un postulat univoque : concevoir une voiture plus sophistiquée et plus luxueuse, mais aussi moins… lourde. Après avoir exploré plusieurs pistes envisageables, la solution aluminium s'est rapidement imposée. "Nous n'avons pas choisi une caisse allégée pour la nouveauté qu'elle représente, mais parce qu'elle nous permettait d'offrir des avantages significatifs à nos clients", expliquait alors David Scholes, ingénieur en chef du programme de la XJ, avant de préciser : "Même si nos clients ne sont pas sensibles au fait que la caisse soit en acier ou en aluminium." Fidèle à son identité haut de gamme, la marque prend donc garde de ne pas se fourvoyer dans une surenchère marketing, souvent nébuleuse, autour des supposés atouts de l'aluminium. Elle avait cependant à cœur d'innover et a donc opté pour une caisse monocoque et des techniques d'assemblage élaborées. Une première ! "Cette structure monocoque constitue une véritable nouveauté dans l'automobile et nous en sommes fiers. Mais d'autres marques, comme BMW par exemple, suivent la même voie que nous. Bref, le fait d'être un pionnier ne vous garantit pas d'être toujours en avance sur les autres ! Il ne faut donc pas se reposer sur ses lauriers", relativise Mark White, directeur technique carrosserie chez Jaguar. Cette modestie ne doit pas occulter la complexité des technologies mises en œuvre par Jaguar pour la construction de la XJ.
Le choix de l'aluminium pour la structure aboutit à un gain de poids de 40 % par rapport à l'acier
La structure de la caisse de la XJ se compose de panneaux emboutis, combinés à des profilés extrudés et à des pièces moulées. Fruit des études des ingénieurs de la marque du centre de Whitley, à Coventry, l'assemblage de la caisse s'opère à l'aide de rivets et d'adhésifs. Des rivets autoperforants et des adhésifs époxy permettent ainsi d'assembler avec une très haute résistance et durabilité les différents éléments de la caisse. Les adhésifs sont appliqués à l'aide de robots, puis sont séchés jusqu'à leur point de résistance optimal pendant la mise en peinture. A titre indicatif, chaque XJ comporte 3 180 rivets et plus de 120 mètres d'adhésifs ! "Si ces techniques peuvent sembler complexes, il faut bien comprendre que c'est grâce à elles que l'on aboutit à une caisse extrêmement rigide et légère", explique Mark White, avant d'ajouter : "Ces technologies sont déjà exploitées dans le domaine aérospatial et nous les avons adaptées à notre problématique automobile." L'autre secret de la légèreté réside dans l'utilisation intensive de composants allégés dans les zones essentielles de la structure. Spicilège. Pour les panneaux extérieurs de la carrosserie, on trouve des panneaux emboutis en aluminium thermodurcissable, tandis que des profilés extrudés sont utilisés pour les structures de portes, les boucliers et les éléments de renfort du plancher et du pavillon. Des pièces en aluminium moulées sous haute dépression sont exploitées comme points de montage des composants de suspension et de la ligne de transmission. Par ailleurs, les pièces moulées en aluminium haute résistance remplissent la fonction d'éléments d'interface pour le nouvel ensemble avant. Enfin, il faut noter que le profilé extrudé hydroformé, un process de formage hydraulique permettant de réaliser des formes complexes dans des éléments tubulaires, se retrouve comme support de radiateur. Au final, la caisse est 40 % plus légère que si elle avait été réalisée en acier, soit un gain de 200 kg. En matière de rigidité torsionnelle, le gain est de 60 %, avec un résultat de 21 700 Nm/Deg. "Ces avancées n'ont rien d'abstrait puisqu'elles participent notamment à l'amélioration du confort des passagers et à la réduction des bruits dans l'habitacle", insiste Mark White.
En France, toutes les réparations de chocs lourds sont centralisées dans la concession de Nantes
Par ailleurs, il faut souligner que les choix techniques retenus pour la nouvelle XJ en aluminium ont été considérés par rapport à des impératifs de sécurité et de réparabilité du véhicule. "Sur ces deux enjeux clefs, nous avons travaillé en collaboration avec les compagnies d'assurances pour développer la structure de la XJ. Et cette collaboration est intervenue très en amont du projet", déclare Mark White. Plusieurs techniques d'ingénierie ont été employées pour faciliter les réparations et influer positivement sur les primes d'assurances. Le module avant vissable a été conçu dans cet esprit : en cas de collision frontale jusqu'à 15 km/h, il peut supporter le choc sans provoquer de détérioration structurelle. Les ailes avant sont aussi vissables et donc aisées à remplacer. Les charnières de portes de type "Lift-off" sont faciles à déposer en cas de réparation après collision et permettent donc de réduire la durée et le coût de la réparation. Toutefois, il ne faut pas imaginer que les pièces sont régulièrement réparées. Elles sont presque exclusivement remplacées. "Du strict point de vue du coût, il n'y a guère d'intérêt à réparer les pièces endommagées car, avec la main-d'œuvre, la facture monte vite. Il est donc plus avantageux de changer la pièce", explique Mark White, avant d'ajouter : "Comme nous parlons d'un véhicule de faible volume, la question ne se pose même pas." En France, tous les points de vente de la marque sont habilités à changer les pièces, mais un seul site peut assurer les réparations, principalement les chocs lourds. Il s'agit de la concession de Nantes qui s'est dotée d'un atelier aluminium spécifique. Comme chez Audi, la réparation de l'aluminium suit donc chez Jaguar le principe de la centralisation.
Castle Bromwich illustre les efforts de Jaguar pour configurer son outil industriel en mode "aluminium"
Enfin, pour produire la XJ, Jaguar a naturellement dû remodeler son outil industriel. Les sites de Castle Bromwich et de Browns Lane ont ainsi été configurés en "version aluminium". Jaguar a ainsi implanté un atelier d'emboutissage de 9 600 m2 à Castle Bromwich. Cet atelier est géré dans le cadre d'un contrat à long terme avec un consortium de partenariat technique, Polynorm Stadco. Le hall des presses produit les 125 pièces en aluminium différentes de la XJ. La ligne A comporte six presses qui fabriquent les principaux éléments emboutis, tandis que la ligne B, composée de sept presses, produit les pièces les plus petites nécessaires à la fabrication de la caisse. L'assemblage de la caisse est aussi réalisé à Castle Bromwich. Le soubassement se décline en trois étapes : le plancher avant, le central et l'arrière. Suivent les côtés robustes de la caisse et enfin l'adjonction du pavillon. Au terme des contrôles qualité, la caisse passe ensuite dans l'espace peinture où elle bénéficie du processus de peinture à quatre couches des autres modèles de la marque. Le site de Castle Bromwich est largement automatisé. Ainsi, 88 robots, reliés par un système de contrôle Ethernet, déploient-ils leurs efforts dans l'atelier. Mais le plus impressionnant reste sans aucun doute le bruit. Parce qu'il y en a très peu ! Enfin, après assemblage et mise en peinture, les caisses de la XJ sont envoyées par la route dans l'unité d'assemblage final et de garnissage de l'usine de Browns Lane. Les techniques redeviennent alors naturellement plus classiques. Selon Mark White, Jaguar a eu raison de relever le pari de l'aluminium : "Nous avons progressé avec l'aluminium. L'aluminium tel que nous l'exploitons sur la XJ vous donne d'ailleurs une piste sérieuse sur ce que vous trouverez sur certains modèles à venir de la marque. Notamment dans l'esprit de la structure monocoque que nous pouvons encore, c'est l'éternel challenge de notre industrie, améliorer." Et de conclure, avec la mesure qui ne le quitte jamais : "Cependant, si l'aluminium est une bonne solution pour la XJ, cela ne signifie pas qu'il est l'avenir de l'automobile. Il faut être lucide et honnête : si les constructeurs ne font pas de voitures de grande série en aluminium, c'est bien à cause du coût ! Construire une Corsa ou une Clio en alu serait hors de prix et les constructeurs et ses distributeurs verraient leur marge s'effondrer."
ZOOMJaguar à l'abri des fluctuations du cours de l'alu Pour l'achat d'aluminium, Jaguar, via PAG et Ford, travaille principalement avec trois fournisseurs, au premier desquels figure Alcan. On peut noter que Péchiney ne fait pas partie de cette liste. Le groupe dispose d'un accord général qui le place à l'abri des fluctuations du cours de l'aluminium. Sa spectaculaire hausse n'a donc pas été durement ressentie. Et, de toute façon, la courbe du cours de l'acier n'est pas plus enviable… |
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