"Il faut savoir toucher les gens au-delà du seul produit et du seul écosystème automobile"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Vous faites valoir une régularité de métronome au sommet, mais manquez la première place pour la deuxième année consécutive : oscillez-vous entre satisfaction et déception ?
BENOIT TIERS. Certes, c’est toujours une déception de ne pas être premier, mais la concurrence est tellement acharnée dans l’univers du Premium que cette deuxième place conserve toute sa valeur. En outre, nous étions sur la première marche du podium il y a trois ans et cela témoigne donc d’une belle consistance de la marque. Cette régularité au fil des années mérite d’être mise en avant, à mes yeux.
JA. Comme l’an passé, le Premium truste la plupart des prix, mais on constate aussi un recul de Mercedes-Benz. Est-ce un strict reflet du marché ou seriez-vous plus nuancé ?
BT. Comme je l’évoquais à l’instant, il convient de garder à l’esprit que la concurrence entre les marques est très intense et dès lors, vous pouvez rapidement glisser de quelques places dans des classements de cette nature. Je suis donc plus nuancé qu’autre chose et nous sommes à mille lieues de sous-estimer Mercedes-Benz. D’ailleurs, la marque affiche une bonne dynamique de ventes et innove dans plusieurs secteurs. La clé pour rester au sommet réside d’ailleurs dans l’aptitude à l’innovation permanente. C’est aussi ce que nous faisons avec Audi et nous allons encore franchir de nouveaux caps dans un avenir proche, avec e-tron ou dans le numérique par exemple.
JA. Serge Naudin, président de BMW Group France, évoque volontiers une premiumisation du marché. Abondez-vous dans ce sens, sachant que le marché français n’a jamais été le paradis du haut de gamme par rapport à certains de nos voisins ?
BT. Depuis quatre ou cinq ans, nous assistons à une scission du marché français entre Premium et ce qu’on peut appeler le “bon marché”. Toutefois, le marché n’est à mon sens pas si stable que cela et nous voyons d’ailleurs que plusieurs généralistes, hier bousculés, relèvent la tête. De plus, d’une manière générale, les effets nouveautés sont de plus en plus marqués. En somme, je pense que le Premium va croître, principalement via l’ouverture à de nouveaux segments et le dynamisme produits. Il pourrait représenter 15 % du marché, mais à terme. Cela ne se fera pas en un claquement de doigts.
JA. Vous mettez en avant les efforts des généralistes, mais même avec force lignes ou labels, ils peinent à empiéter sur votre territoire, y compris sur votre entrée de gamme, n’est-ce pas ?
BT. Tout simplement parce qu’on ne se décrète pas Premium. On le devient dans la durée et nous savons tous aussi que le temps de la reconnaissance clients est long, au-delà même de la qualité et de la force des innovations. Audi en est d’ailleurs un excellent exemple. Nous sommes parvenus où nous sommes désormais grâce à vingt ans de travail obstiné et méticuleux. Cela ne peut, de surcroît, se faire que sur plusieurs générations de produits.
JA. On retrouve Audi 1er ex aequo dans les dimensions “Qualité du produit” et “Agrément et Design”, autant de récompenses qui reviennent au siège, n’est-ce pas ?
BT. La réussite est un tout et ces prix viennent naturellement récompenser l’excellence de nos ingénieurs, designers, responsables du plan produits, techniciens, etc. Et le groupe ne va sûrement pas baisser la garde dans ces domaines. Audi va ainsi investir quelque 22 milliards d’euros d’ici 2018 !
JA. Audi décroche la deuxième marche du podium pour les “Services après-vente”, une dimension sur laquelle vous étiez encore à la peine il y a quelques années. Y voyez-vous un aboutissement ou une étape ?
BT. Dans ce domaine, nous avons déployé des efforts considérables depuis quatre ans car nous étions très perfectibles. Un état de fait qui s’expliquait aussi par la croissance très rapide de nos ventes, qui avait créé un delta avec nos besoins en personnels, matériels et formation. Cette deuxième place constitue donc une grande satisfaction, mais rien n’est jamais acquis et il faut toujours accepter de se remettre en cause. Nous avons récemment testé le Twin Service, à savoir deux techniciens travaillant sur un véhicule pour gagner en rapidité d’exécution et en contrôle qualité, et les résultats sont concluants. Nous allons donc le déployer dans le réseau. Nous maintenons aussi nos efforts de formation. Mais il faut aussi avoir une vision plus panoramique, car en après-vente, le client ne se limite pas à des comparaisons dans l’automobile et fait aussi du benchmark avec d’autres secteurs qui peuvent nous inspirer.
JA. Concrètement, à quels autres secteurs faites-vous allusion ?
BT. On peut citer deux exemples. L’aéronautique, privée ou d’affaires, qui représente le summum de l’exigence. Ou encore Apple qui est très efficace en cas de problème et qui transforme donc la situation en fidélisation. En fait, si cela ne se répète pas trop souvent naturellement, les clients peuvent tout à fait comprendre l’existence d’un problème et les marques sont vraiment jugées sur la qualité et l’efficacité du traitement dudit problème.
JA. L’étude révèle par ailleurs que la concession reste le centre névralgique de l’expérience clients, même si les points de contact avec les clients et les prospects n’ont jamais été si nombreux, qu’est-ce que cela vous inspire ?
BT. Fondamentalement, nous savons tous que la concession reste essentielle, car l’automobile, c’est aussi voir pour de vrai, sentir, toucher et bien sûr, conduire. En outre, les rapports humains sont et resteront très importants. Notre programme Terminal va clairement dans ce sens et il n’est pas du tout incompatible avec la rentabilité des distributeurs Audi, les chiffres de 2013 ou du premier semestre 2014 en sont la meilleure illustration. En disant cela, il ne s’agit nullement de prendre une posture conservatrice et nous sommes naturellement tout à fait ouverts sur le numérique. Par exemple, nous allons bientôt développer des outils numériques en concessions, qui iront bien au-delà des tablettes actuelles. Nous pouvons aussi bénéficier des expérimentations des Audi City, qui sont de précieux laboratoires. Il ne s’agit pas de les multiplier, car la rationalité économique que j’évoquais reste notre guide, mais on peut implémenter certaines briques des Audi City dans des concessions, au gré des besoins.
JA. Reste toutefois l’épineuse problématique de la génération de trafic en concession qui ne fonctionne plus selon les mêmes codes que naguère : comment créer des flux vers les sites physiques ?
BT. Certains leviers traditionnels font encore preuve d’efficacité comme les campagnes de publicité, les nouveaux produits, l’animation des offres commerciales, ou encore des événements spécifiques initiés par la marque ou au sein du réseau. Ensuite, il faut savoir toucher les gens au-delà du seul produit et du seul écosystème automobile. Nous avons beaucoup de choses à partager avec eux. Au sein de la marque, un programme comme myAudi fait par exemple preuve de son efficacité. Il y a donc encore de nouvelles voies à explorer.
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