Homme de l’Année 2009 : Et les nominés sont…
FOCUSLes membres du jury • Astagneau Denis, France Inter |
Les favoris :
Ferdinand Piëch
Comme de coutume depuis plusieurs années, Ferdinand Piëch est mis en avant et malgré les traditionnelles réserves, principalement attachées à une image glaciale voire cynique -mais qui le connaît vraiment ? -, le président du Conseil de Surveillance de Volkswagen s'avère presque incontournable. En effet, après un long autant qu'opaque feuilleton financier et politique, Volkswagen compte une dixième marque, Porsche… Minutieusement, le dessein de Ferdinand Piëch, qui lâcha un jour qu'il "n'était pas né dans la bonne branche de la famille", s'est réalisé. A 72 ans, il a donc unifié Porsche et Volkswagen et c'est bien lui qui préside aux destinées du groupe. Les conclaves familiaux dans la résidence de Salzbourg se tenant à huis clos, des zones d'ombre demeurent. Mais il apparaît bel et bien que Ferdinand Piëch a remporté la guerre des familles et la bataille politique. Pro memoria, Christian Wulff, ministre-président chrétien-démocrate du Land de Basse-Saxe, ne déclarait-il pas fin 2006 : "Le mandat de Piëch à la présidence du Conseil de Surveillance prend fin en 2007. Et d'après ce que je sais, personne ne compte prolonger son mandat"… Cependant, on ne saurait limiter l'attrait de Ferdinand Piëch à une intrigue quasi mythologique et d'autres arguments plaident en sa faveur. Sous l'égide opérationnelle de Martin Winterkorn (élu Homme de l'Année 2008), le groupe Volkswagen a su traverser la crise avec fermeté et s'est même offert le luxe d'une prise de participation dans Suzuki. A l'heure où General Motors écope et où Toyota chancelle, Volkswagen prendrait bien l'allure de chef de file de l'industrie automobile mondiale. Par ailleurs, "sa" marque Audi, sous la houlette de Rupert Stadler qui vient d'être nommé au Conseil de Surveillance du groupe, ce qui n'est pas anodin, poursuit sa croissance et s'apprête encore à conquérir de nouveaux territoires en élargissant son entrée de gamme. Reste la question de la dimension humaine de Ferdinand Piëch. Volontiers discret, abhorrant les mondanités et les relations avec la presse, sa réputation d'homme de fer, symbolisée par son regard bleu métallique dont on devine aisément le pouvoir inquisiteur, lui colle à la peau. On s'en tient donc à ce rôle. Toutefois, fait exceptionnel, Ferdinand Piëch est venu à Paris début février. Pour recevoir la Palme d'Or du Festival Automobile International organisé par Rémi Depoix. Et nous y avons vu un patriarche au pas lent, faisant un discours en français, peu avare en remerciements, notamment pour son épouse Ursula, "celle sans laquelle rien n'aurait été possible"…
Un "Monsieur Pouvoirs Publics"
L'année 2009 a sans conteste été marquée par l'intrusion massive du fait politique dans les modèles, industriel et commercial, de l'automobile. Initié fin 2009, le phénomène s'est propagé dans l'ensemble des berceaux de cette industrie, son asymptote ayant été atteinte outre-atlantique avec la nationalisation de General Motors et une prise de participation dans Chrysler. Avant le téléguidage de la reprise par Fiat, Lawrence Summers, chef du Conseil Economique National américain, arrachant la partie face aux soutiens d'Austan Goolsbee plutôt favorables à une liquidation pure et simple. En outre, bien qu'elle s'en défende diplomatiquement par souci d'un respect de façade pour l'idéologie du "laisser faire", l'administration de Barack Obama dispose d'un pouvoir de nomination. En Europe, ce sont différents dispositifs d'aides qui ont permis aux marchés de ne pas s'effondrer et à plusieurs sociétés de ne pas être trop fragilisées, voire de sombrer. Le nom de Philippe Maystadt, président de la Banque Européenne d'Investissement, est d'ailleurs avancé par un membre du jury. Eu égard à la prime à la casse et aux actions du Fonds Stratégique d'Investissement et du Fonds de Modernisation des Equipementiers Automobiles, la France fait presque figure de cas d'école dans ce domaine. En revanche, difficile de trouver le profil idoine, la personne qui incarne le soutien et la foi pour la filière automobile, c'est-à-dire quelqu'un de décisionnaire et d'authentiquement attaché à l'automobile. Luc Chatel et Christian Estrosi sont évoqués. Mais pour un membre du jury, "Il faut aller plus dans le détail. 2009 a été une année de crise sévère et dans la tempête, il s'agit souvent de limiter les dégâts. On parle beaucoup des constructeurs, mais ils restent, somme toute, du bon côté du manche et les choses sont bien plus malaisées pour les équipementiers. Dans cette optique, la puissance publique trouve une réelle incarnation via le FSI et le FMEA". Le FSI (de Valeo à Gruau) renvoie à Gilles Michel qui s'était déjà distingué par le passé à la tête de Citroën. Assurément une valeur sûre, mais certains membres du jury lui reprochent un discours et une opacité un peu trop "Caisse des Dépôts"… Le FMEA (de Trèves à Delfingen Industry) renvoie lui à Hervé Guyot, qui a auparavant œuvré 30 ans durant chez PSA. Enfin, un membre du jury suggère : "Et pourquoi pas François Fillon ? En tant que Premier Ministre, il a validé tous les dispositifs d'aide et supervisé toutes les discussions relatives à l'emploi et on sait qu'à titre personnel, c'est un vrai passionné du produit automobile. Il va même jusqu'à essayer la 908 !".
Un "Monsieur Dacia"
Le succès de Dacia ne laisse pas le jury insensible. Avant, on parlait du succès Logan, mais avec la Sandero, on parle bel et bien de celui de Dacia, au-delà de toutes considérations sur le jeu de badge Renault-Dacia au gré des marchés. On peut rappeler qu'en 2004, Georges Douin avait été élu par le jury, notamment pour la genèse du concept et la modélisation visionnaire du low-cost automobile. Pour un membre du jury, "Dacia donne une réelle impulsion au marché et cela mérite une distinction. Mais force est de reconnaître que si les choses sont assez claires chez Renault, il est plus délicat de savoir qui sont vraiment les opérationnels qui pilotent l'activité de Dacia. D'ailleurs, il ne serait pas inutile de mettre sous les feux de la rampe un concessionnaire qui fait fructifier son investissement dans la marque et qui est celui qui représente concrètement l'acte de vente avec les produits que l'on sait". Une objection fuse : "Récompenser Dacia aujourd'hui est trop facile ! Cela revient à donner raison a posteriori à des gens qui avaient raison depuis le début !". Un membre du jury prend la balle au bond : "Au contraire, il y a une pertinence à récompenser Dacia alors qu'au début, de nombreux concurrents raillaient le projet au même titre qu'une large partie de la presse. C'est d'autant plus pertinent que les volumes ont encore augmenté en 2009 par rapport à 2008". Autre objection : "Justement, il ne faut pas perdre de vue que la conjoncture, faite de récession et de pouvoir d'achat contraint, est très favorable aux produits Dacia. Il ne faut pas sortir les chiffres bruts de leur contexte". Un autre membre de jury avance alors : "C'est vrai que le positionnement low-cost est actuellement un atout, mais il n'en demeure pas moins que Dacia sait aussi rester dans l'air du temps, comme en témoigne le Duster". Bref… Mais qui incarne cette réussite ? Plusieurs membres du jury évoquent alors Gérard Detourbet. A la tête du programme Entry après avoir dirigé le projet XC90, ce docteur en mathématiques évolue, volontiers effacé, depuis près de quarante ans au sein du groupe. Selon un membre du jury, "Gérard Detourbet a toujours porté ce projet concrètement et avec foi. Il fait partie de ceux qui ont su faire avancer les choses sans toujours se ranger confortablement aux avis de Louis Schweitzer et Georges Douin".
Vincent Besson
Depuis trois ans, l'engouement pour Citroën ne se dément pas et Jean-Pierre Ploué avait ainsi été élu Homme de l'Année en 2007 par le jury. Cette année, le changement d'image de la marque fait encore recette et là où le dynamisme pourrait apparaître un tantinet frénétique, que nenni, le charme opère encore et toujours. Célébrations des 90 ans de la marque, concept Revolte et surtout lancement névralgique de DS3 remportent les suffrages. D'autant que l'ensemble est sanctionné par de très bons résultats commerciaux et rehaussé par quelques exploits sportifs, l'image de Sébastien Loeb étant d'ailleurs enfin exploitée à sa juste valeur. Avançant le nom de Vincent Besson, un membre du jury tente l'exercice de la synthèse : "Ex-directeur des produits et marchés de Citroën, Vincent Besson a été pendant plusieurs années l'instigateur des produits et des gammes du constructeur. A cet égard, il est bel et bien l'auteur de la réussite actuelle des modèles de la marque aux chevrons. En outre, c'est un homme brillant, sympathique, accessible et passionné par le produit automobile. Il fait aussi valoir une vision très large de l'automobile, non seulement technique, mais encore psychologique et sociologique". Signalons d'ailleurs que dans le cadre de la réorganisation du groupe, Vincent Besson a été promu Directeur de la stratégie produits et marchés de PSA.
Ross Brawn
Au milieu des scandales et des pantalonnades des divas de la F1, en plein cœur de la crise ayant contraint plusieurs constructeurs à hisser le drapeau blanc, une hirondelle a fait le printemps. Ross Brawn ou l'improbable consécration suprême d'un directeur technique et ingénieur de renom. Déjà bardé de titres mondiaux (9 titres entre Williams, Benetton et Ferrari à différentes fonctions), il réussit cette fois le doublé titres constructeur et pilotes en son nom via Brawn GP. Un membre du jury ne tarit pas d'éloges à son sujet : "C'est un homme incroyable et au-delà de sa propre réussite, c'est aussi lui qui est derrière les 7 titres de Michael Schumacher, avec Jean Todt naturellement, et qui est aussi à l'origine de son retour en F1 cette année. Par ailleurs, cette saison, il décroche le sacre sur une base Honda pourtant au bord du gouffre et grâce à un coup de génie technique, en inventant le double-diffuseur ! De surcroît, c'est un homme adorable, à mille lieues de la morgue de certains ténors de la F1 et un pilote comme Patrick Tambay pourrait le confirmer. Enfin, n'oublions pas l'homme d'affaires avisé qui a su revaloriser son écurie à 135 millions d'euros à partir de rien et à la vendre à Mercedes".
Les outsiders :
Sergio Marchionne
Déjà élu Homme de l'Année 2006 par le jury pour son "miracle Fiat", il est mis en avant pour son nouveau coup de poker sur Chrysler. Mais certains membres du jury estiment que c'est un peu hâtif et ne sont pas enclins à payer pour voir.
Olivier François
Un français à la tête de Chrysler, voilà qui ne nous rajeunit pas ! Pourtant Olivier François est jeune et fait partie des kids préférés de Sergio Marchionne. Son projet pour relancer l'américain et du même coup Lancia séduit les uns quand d'autres estiment qu'il faut attendre pour juger.
Alan Mulally
Que reste-t-il des Big Three américains ? Ford. Le constructeur a su renouer avec les bénéfices, en refusant de surcroît de faire appel à l'aide du gouvernement. Alan Mulally (mais aussi John Fleming pour l'Europe) est donc salué pour son recentrage sur des véhicules plus petits, une certaine percée sur les technologies hybrides, une mondialisation des produits et une stratégie industrielle cohérente.
Mong-Koo Chung
Le président de Hyundai Kia Automotive fait valoir de très bons résultats commerciaux, une forte croissance à l'international, notamment en Chine, en Inde, en Europe ou aux Etats-Unis malgré la crise, et une gamme de produits très attractive, en progrès notables sur le style et la qualité. Pour le même groupe, sont aussi cités Kun-Hee-Ahn et Allan Rushforth.
Olivier Quesnel
Plusieurs membres du jury tiennent à souligner les résultats d'Olivier Quesnel chez Citroën et Peugeot Sport alors que bien des gens lui prédisaient -souhaitaient…- un échec cuisant. Dernier coup en date, le recrutement de Kimi Räikkönen sous les chevrons.
Thierry Koskas
Surnommé le Monsieur Electrique de Renault, cet X-Mines de 45 ans a pour rude mission de matérialiser la vision de Carlos Ghosn sur le ZE. Avec une équipe désormais élargie, Thierry Koskas croule sous les défis à relever : développement et optimisation des batteries, industrialisation des prototypes, recherche de partenaires… Pour certains membres du jury, il faut néanmoins attendre qu'on ait dépassé le stade des effets d'annonce.
Laurent Burelle
Dans le marasme qui accable les équipementiers, Plastic Omnium sort pourtant du lot, avec la discrétion comme traditionnel viatique. Le groupe dispose d'un portefeuille clients très équilibré et a su rester bénéficiaire. En outre, un membre du jury souligne "la bonne gestion RH du groupe qui a réussi à anticiper pour restructurer en douceur, limitant ainsi les licenciements et conservant ses compétences". L'affabilité de l'homme est aussi soulignée.
Ils sont cités au moins une fois
Rupert Stadler (Audi), Marie-Françoise Damesin (Renault), Stephen Norman (Renault), Carl Peter Forster (Ex GM Europe), Wayne Brannon (Chevrolet Europe), Yves Courage (Courage Compétition), Jean Todt (FIA), Yann Delabrière (Faurecia), Vincent Bolloré (Pininfarina-Bolloré), Robert Peugeot (PSA), Philippe Varin (PSA), Jean-Marc Gales (PSA), Eric Neubauer (Neubauer), Patrick Le Quément (Ex Renault), Gildo Pallanca Pastor (Venturi).
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