...cause commune pour exprimer l'ardente nécessité de conserver pour eux et, en exclusivité, ce marché. Et pour justifier leur requête, aucun argument, fût-il spécieux n'a été écarté, pas même la menace sur l'emploi.
Qu'on ne se leurre pas, la présentation n'a rien à voir avec le salon Equip Auto, puisqu'elle était initialement prévue pour se dérouler avant l'été. Peut-être du nouveau du côté de Bruxelles, sur cette épineuse question de l'exception française Pas du tout, d'ailleurs la Commission Européenne ou son parlement, n'ont été évoqués que par des journalistes, surpris, qu'on ne s'engage pas sur ce terrain. Alors, une petite piqûre de rappel pour tester la réactivité du lobby indépendant via la presse interposée ? Cela se défend, d'autant qu'une alliance des constructeurs français, ainsi exposée, devrait rappeler la puissance des forces en présence. Nous n'en saurons pas plus sinon que Daniel Marteau ne souhaitait pas s'exprimer sur cette question auparavant, parce que le débat n'était pas sain. Cela devrait faire plaisir aux chevilles ouvrières qui se battent depuis des années sur la question, toutes tendances confondues. Mais qu'importe. Ce qui est à relever dans la méthodologie, c'est l'absence de véritable changement dans le message et l'on pourrait dire dans la pertinence des arguments avancés. Si l'on excepte le bon sens, bien sûr. Lorsque nos deux constructeurs prétendent qu'une pièce de carrosserie « ne peut être considérée seule mais dans un ensemble, comme l'un des éléments constitutifs du véhicule », ils ont infiniment raison. Et c'est d'ailleurs le cas pour un nombre très important d'autres pièces et systèmes qui sont fournis par des sous-traitants extérieurs qui fabriquent aussi pour d'autres… Alors, PSA annonce un total de 12 000 heures de développement pour une poutre de pare-chocs, Renault, 40 000 pour un bouclier, 5 réglementations spécifiques pour la poutre de pare-chocs de PSA, 6 pour le bouclier de Renault… pour que tout s'ajuste bien et sans problème de sécurité. On entend bien. En Europe, bien des industriels fabriquent des pièces de carrosserie pour des constructeurs, et les pièces se fondent dans le véhicule sans problème. Alors, quel est le problème ? La copie ! Ah, oui, la copie, parlons-en…
Le retour sublimé du capot qui tue…
Cela faisait longtemps qu'on ne nous l'avait pas faite, l'histoire du capot qui tue, à tel point que son évocation, par l'un de nos confrères, laisse de marbre nos deux interlocuteurs. Pendant longtemps, ledit capot (une pièce de contrefaçon citée par Renault) qui avait fini tragiquement sa course, en tuant, était sans cesse montré en exemple, de manière à terroriser l'éventuel contrevenant, façon Midnight Express. Nous avons assisté à sa fin de règne, hier soir, la pièce copiée étant une poutre de pare-chocs, qui, en plus, n'avait pas tué, mais avait été testée en crashtest par PSA face à une pièce d'origine, la première n'ayant pas d'origine connue. Renault a, quand même, ressorti son capot, mais pour prouver qu'une pièce non d'origine, se pigmentait de traces de corrosion après 600 heures de brouillard salin forcé, dans des températures peu amènes. Moins spectaculaires que le capot tueur, ces deux exemples, arguments sécuritaires d'excellence, n'ont pas séduit l'assistance. D'accord, des contrefacteurs, qui commettent ce genre de copies, sont à mettre en taule, mais combien sont-ils, ont-ils plus d'influence dans les pays « libéralisés », seraient-ils reçus chez des carrossiers en France alors que l'enjeu est particulièrement grave ? Ne voit-on pas, justement, dans les pays qui s'adonnaient à ce genre de dérapages une tendance à revenir à des pratiques plus sûres ? Retour en conviction restreinte sur l'engagement du constructeur à assurer le service après-vente et surtout la disponibilité de la pièce pendant 10 ans. Une obligation, demande l'un des journalistes ? Non, un engagement du constructeur, est-il répondu, un constructeur qui gère près de 200 000 références, soit un taux de disponibilité de 95 %. Comme ceux des fabricants d'autres pièces, n'est-il pas vrai, faut-il laisser le monopole pour autant ? Bosch stocke même les pièces de véhicules de collection, non ? Mais, nous, les journalistes, n'avons pas compris que le problème, c'était la garantie du prix pour le consommateur final. Palsambleu. Ben, oui, le prix, c'est important.
La liberté coûte cher !
« Il n'y a pas de corrélation entre la protection des Dessins et Modèles et le prix des pièces de carrosserie » nous confient nos deux constructeurs, schémas à l'appui. « Quand le prix moyen des pièces est de 97,9, dans les pays protégés, il l'est de 99,2 dans les pays non protégés ». En conséquence, « la libéralisation du marché» des pièces de carrosserie ne profiterait pas au consommateur final, l'automobiliste». Bon alors, pourquoi rester dans l'exception qui finira un jour par se faire retoquer par Bruxelles ? Parce que cela protège le coût de la réparation. Et puis aussi parce que le constructeur serait obligé de réviser ses prix à la hausse à cause de la perte de parts de marché provoquée par des margoulins qui n'auraient pas les mêmes frais fixes exorbitants de conception. Et comment, ils font les allemands ou les italiens ? Et si c'était le cas, les constructeurs français n'hésiteraient pas à faire des prix de riches et à laisser les pauvres se confronter au capot - pardon à la poutre facétieuse ? Pas recevable, nous en convenons. Décidément, la question est épineuse. La preuve, même les assurances sont appelées à témoigner puisque les primes dans les pays protégés par la clause sont moins chères que dans les pays libérés. Donc, l'argument qui consiste à dire que les pièces dans les pays libérés entraînent des surcoûts n'est pas viable. Dans le même temps, il nous est expliqué que la part du véhicule dans la prime d'assurance est peanuts au regard de la gestion des sinistres au niveau de la santé, à peine 7 %. Et dans les 7 %, n'oublions pas l'heure de réparation. Une heure réduite à peau de chagrin, grâce aux ingénieurs des constructeurs qui ont divisé par deux le temps d'intervention entre une Megane 1 et une Megane 2 (pour la trois, les chiffres nous seront communiqués ultérieurement). Lorsqu'on sait les difficultés que les réparateurs carrossiers éprouvent pour intervenir sur les véhicules après chaque nouveau lancement, l'argument manque de portée. Quant à l'argument sur la préservation de l'emploi, sorti du chapeau, en fin de course, il se heurte à la stratégie même des constructeurs quant à l'installation des sites sur les marchés qu'ils ciblent.
Et si on parlait vraiment de ce qui fâche ?
Au risque d'être un peu irrévérencieux, j'appellerais à la barre la prostitution. Lorsque celle-ci était autorisée, elle était encadrée, contrôlée, et s'auto-régulait. Quiconque ne respectait pas les us et coutumes le payait fort cher, par ses consoeurs et confrères et sans régulation, sans médiateur. Pour la pièce de carrosserie, celle-ci ne serait-elle pas aussi bien protégée si ses fabricants étaient bien connus, identifiés ? Et ne verrait-on pas le marché sortir les copieurs comme il le fait pour d'autres pièces de sécurité, rassurant alors les constructeurs et le consommateur final ? Comme on le fait dans d'autres pays. Alors, oui, c'est une question d'argent. Les constructeurs veulent conserver leur pré carré. Et, ils seraient bien stupides de ne pas le faire. Alors, s'il vous plaît, Messieurs Daniel et Marteau, n'habillez pas vos revendications d'oripeaux factieux, cela dessert vos intérêts propres, alors que tout le monde est d'accord pour vous épauler dans la lutte contre la contrefaçon dangereuse. Le débat est à Bruxelles, aurez-vous toujours des porte-parole si habiles qu'ils autorisent l'exception quand, de la communauté, il est question ?