GM tire le rideau de fer en Russie
Depuis que Mary Barra a pris les rênes du groupe, on peut ne plus taxer GM d’inertie. En effet, après plusieurs annonces de réorganisation très significatives (reconfiguration des opérations en Thaïlande, arrêt de la production en Indonésie, arrêt de la production en Australie en 2017, fin de Chevrolet en Europe), GM fait à nouveau sensation en officialisant un profond plan de restructuration de son activité en Russie. A l’avenir, le groupe de Detroit compte se concentrer sur le haut de gamme par le biais de Cadillac et de quelques modèles d’exception de Chevrolet (Camaro et le SUV Tahoe), sans oublier Corvette. Sans le filtre des circonvolutions diplomatiques, cela signifie que Chevrolet conservera une présence sporadique sur le marché russe, tandis qu’Opel le quittera et ce, dès la fin 2015 !
Fermeture de l’usine de Saint-Pétersbourg
Concrètement, GM va fermer l’usine de Saint-Pétersbourg (Astra, Cruze, Trailblazer) dès cette année, ce qui, rapporté à l’échelle du temps industriel, peut être perçu comme une volte-face dans la mesure où le groupe avait prévu d’étendre les capacités de production du site en 2012. Les ajustements récemment mis en œuvre sur le site, comme le passage de trois équipes à une seule, étaient analysés comme une logique adaptation à la forte récession frappant le marché automobile russe. Naturellement, les troubles géopolitiques ne sont sans doute pas étrangers à cette prise de décision radicale. Par ailleurs, GM va mettre un terme anticipé à l’accord d’assemblage noué avec GAZ pour les modèles Chevrolet. En revanche, le contrat portant sur la production de la Chevrolet Niva, dans le cadre d’une co-entreprise avec Avtovaz, devrait être honoré jusqu’au bout, d’autant que le modèle reste prisé sur le segment des SUV.
Une décision radicale et inattendue
Cette restructuration entraîne une provision de charges exceptionnelles de l’ordre de 565 millions d’euros dès le 1er trimestre 2015. Pour justifier cette décision, Karl-Thomas Neumann explique : “Nous n’avons pas la bonne implantation pour continuer ainsi en Russie. Nous ne sommes pas assez localisés”. Cette décision n’en demeure pas moins inattendue, surtout qu’elle va priver Opel et Chevrolet d’un volume de ventes conséquent. D’ailleurs, fin 2014, Peter Christian Küspert, vice-président ventes et après-vente d’Opel Group, n’affirmait-il pas : “Même si Opel souffre évidemment de la dévaluation du rouble et de la frilosité de la clientèle, la Russie reste un de nos principaux marchés”… Lors du Salon de Genève, à l’instar de la plupart des dirigeants automobiles, Karl-Thomas Neumann affirmait qu’il fallait faire le dos rond en Russie, face à une situation très tendue (baisse considérable des volumes, plus de la moitié des ventes réalisées à perte), mais que ce marché demeurait prometteur à moyen terme, ajoutant qu’il n’y avait plus de fermeture de site à l’ordre du jour dans sa zone de compétences. De là à penser que la décision a été prise à Detroit, il n’y a qu’un pas…
Quel devenir pour Opel en Europe ?
Karl-Thomas Neumann confirme néanmoins que la marque Opel doit retrouver la profitabilité en Europe en 2016. Début mars, à Genève, il reconnaissait que la tâche ne serait guère aisée : “Deux leviers doivent nous permettre d’y parvenir : l’optimisation de notre structure de coûts, qui dépend aussi des matières premières et le retour de la croissance, rendu plus complexe par les turbulences du marché russe. Le point positif réside dans le fait que nous regagnons des parts de marché en Europe de l’Ouest, ce qui ne nous était pas arrivé depuis longtemps”. En effet, sur les deux premiers mois de l’année Opel et Vauxhall ont rendu une carte de 123 236 véhicules vendus dans cette région, pour une progression de 9,8 % par rapport à la même période de référence 2014, soit une croissance légèrement supérieure à celle du marché (+ 7,1 %). Mais comment imaginer que les marchés d’Europe de l’Ouest, encore instables pour la plupart et de surcroît très concurrencés, pourront compenser la perte nette des volumes de la marque en Russie (64 985 Opel en 2014, pour 123 175 Chevrolet et 1 324 Cadillac) ?
Les promesses du plan “produits”
Certes, le groupe pourra s’appuyer sur un plan “produits” dynamique, au niveau des modèles comme des moteurs et il a notamment élargi la possibilité d’accès à sa gamme, en mode “Entry”, avec la Karl, ce qui peut ouvrir de nouvelles perspectives. “Notre plan “produits” s’oriente clairement vers les SUV et les crossovers et nous allons développer notre partenariat avec PSA sur les plates-formes”, ajoute Karl-Thomas Neumann, qui ne nourrit en revanche pas d’illusions sur le potentiel à court terme des énergies alternatives : “100 % électrique ou hybrides, nous avons vu qu’il était difficile de vendre massivement des véhicules de ce type avec l’Ampera, un produit pourtant bien né. Et au niveau des marges, il ne faut pas perdre de vue les arbitrages que nous devons faire entre l’optimisation des moteurs thermiques et la promotion d’autres technologies. Bref, je pense que cette problématique est surtout importante par rapport à l’horizon 2020 des normes européennes sur les émissions polluantes”. En somme, le retour à la profitabilité pour Opel dès 2016 mérite une grosse cote…
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FOCUS - Des réactions circonspectes
“C’est une erreur stratégique. Quelle présence pourra espérer le groupe quand le marché russe repartira de l’avant ?”, Warren Browne, consultant, ancien dirigeant de GM.
“C’est sans doute une décision qui donnera des résultats favorables à court terme, mais qui reste mauvaise dans une perspective moyen-long terme. Et le contraste est saisissant avec la stratégie de Ford”, Joseph Spak, RBC Capital Markets LLC.
“C’est facile de partir et… beaucoup plus difficile de revenir”, Vladimir Mozhenko, représentant des concessionnaires russes.
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