Evolution, migration et émigration
Demandez aux éditeurs les raisons pour lesquelles, à l'image des constructeurs, des équipementiers ou encore des fabricants d'électronique, ils ne s'unissent en association. Un groupe de travail qui se réunirait pour échanger et faire évoluer leur métier. Les réponses seront alors diverses et variées mais parviendront à la même conclusion : le monde du DMS, où le nombre d'acteurs se restreint, est un milieu trop concurrentiel. "De toutes les manières cela ne peut être fait à notre initiative, jugent certains, cette responsabilité appartient aux constructeurs". Mais pour Patrick Lautard, de Micrauto, comme pour Sage la finalité d'un tel projet est évidente : "Les clients ne doivent pas être victimes des rivalités de leur fournisseur, il nous faut trouver un accord". Pour rappel, Datafirst avait initié un tel projet en Italie, sans décrocher un réel succès à la clé. En attendant, le secret prévaut et cette confidentialité protège jusqu'aux positions sur le marché.
Qu'importe, si ce n'est que pour les chiffres, ils sont maintenant connus de tous. Sur le grand échiquier composé des groupes de distribution, de leurs agents et des réparateurs agréés et indépendants, le nombre de cases conquises par chacun des éditeurs n'évolue que très peu. Quelques "petits", trop souvent décriés, font néanmoins étalage de leur réelle compétence et progressent aux dépens des plus importants. C'est un marché saturé, on se bat pour une concession, on en perd une autre et à la fin le bilan reste pour ainsi dire le même. La bataille stratégique s'est déplacée sur un autre terrain. En 2010, les enjeux ne se portent plus sur un portefeuille d'utilisateurs. Certes, il est toujours apprécié de compter quelques références de choix sur sa plaquette, mais désormais on étoffe surtout l'offre de services. On nous prédisait que la fin de la guerre technologique laisserait libre champ à la phase "d'éducation". Etait-ce enterrer un peu prématurément les projets des constructeurs et de leurs distributeurs ?
En effet, si les DMS ont atteint des sommets, les outils de relation client ont encore de belles heures à vivre. Le meilleur est à venir, serait-on tenté de dire, tant on a l'impression qu'ils ne bénéficient que seulement maintenant des ressources nécessaires. Dans les mois et années à venir, toute la filière automobile verra naître des projets. Parfois, ils seront d'envergure mondiale, à l'instar de Volvo. D'autres fois, ils auront un impact local, comme chez Honda Cavallari, à Cannes. "Si on observe ce qui se fait par ailleurs, on voit que la relation client informatisée a 15 ans de retard dans l'automobile, en France tout du moins", reconnaît Georges Fontaine, directeur de Eris Informatique. La raison première de ce décalage : "Les éditeurs prétendent avoir bâti leur DMS autour d'un noyau CRM depuis des années, or cela est faux. La mission initiale d'un système d'information est de traiter la facturation. La gestion de la relation client n'est qu'un module dont on se préoccupe en réponse à la demande", poursuit-il.
"Vif succès" pour la gestion de contacts
Alors afin d'apporter une réponse concrète à leurs clients, tous font évoluer leurs modules. EBP n'échappe pas à la règle. Après une première version introduite sur le marché en octobre 2009, l'éditeur a effectué une mise à jour, le 30 avril dernier. Dans le lot d'innovations qu'elle confère, on retrouve une fonctionnalité de pré-contrôle technique pour le personnel de l'atelier, un outil de chiffrage Auto Data, un module de gestion d'acompte pour les VN et VO et des graphiques visuels pour les statistiques du poste atelier. "Nous gérons maintenant la création d'alerte technique pour mener des actions à l'après-vente", ajoute Nathalie Keller. Une version commercialisée 359 euros, mais qui bénéficiera d'une offre promotionnelle de lancement à 287 euros, jusqu'au 30 juin. Cette mise à jour du produit s'inscrit dans la stratégie d'EBP qui souhaite là fidéliser un peu plus ses clients. L'éditeur en compte 6 000 sur le territoire, répartis à part égale entre carrossiers et mécaniciens, et le taux de téléchargement des mises à jour est d'environ 25 %. Au rayon de ce qui n'a pas eu l'effet escompté en 2009, Nathalie Keller reconnaît la contre-performance de son outil lié au SIV. "Nous pensions que nous dynamiserions le marché, mais le ressenti n'est pas là". Force est d'admettre que le retard à l'allumage de l'application de la loi a joué en sa défaveur.
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La migration de données, le business caché des éditeurs
Non officiellement, chacun des acteurs a par conséquent établi un tableau de conversion de données après avoir percé le secret de l'encodage de son concurrent. Et de l'avis d'un d'entre eux, expérimenté sur le sujet, ICar, la solution de Sage serait justement "l'une des plus blindées". "Aujourd'hui on dispose d'outils performants", estime Herta Gavotto, responsable commercial et marketing d'Eris Informatique. "Mais on recommande aux clients de faire pression sur leur éditeur pour obtenir leur base de données sous forme d'un fichier extrait", réagit Hubert Gervais, de Carya Group. "Contractuellement ils peuvent mettre fin à leur location sans minimum de durée, et leurs données sont facilement accessibles dans une base de donnée standard Microsoft SQL", souligne Robert Sguerzi, directeur commercial de Datafirst. Petite parenthèse pour dire qu'on en revient au besoin d'établir un format standard pour le transfert et donc la nécessité de former un bureau commun pour y traiter toutes ces questions.
Sujet épineux, la migration semble maîtrisée par les techniciens. Elle leur demande cependant du temps de main-d'œuvre, entre l'extraction, les tests et l'importation définitive. Autant d'étapes obligatoires qui se payent au prix fort. "C'est à la hauteur du service rendu et des frais que cela implique", justifie Robert Sguerzi. "Un technicien en déplacement coûte en moyenne 200 euros de note de frais journalière. Rapporté à son temps effectif de travail, son taux horaire est inférieur à celui des compagnons en atelier", détaille le directeur général de Carya Group. N'empêche, les distributeurs reçoivent des notes salées. Dont ils n'ont pas conscience, la plupart du temps, du fait que ce coût se dissimule dans le contrat d'engagement.
Chez EBP, on botte en touche puisque le montant est laissé à la discrétion des distributeurs-installateurs partenaires. Didier Taormina, de Sage, indique une fourchette de 700 à 1 200 euros. 700 euros HT, c'est le montant moyen indiqué par Fiducial. Quant à Eris Informatique, Herta Gavotto évalue la prestation à 1 500 euros HT. Carya Group, démonstration des frais engendrés à l'appui, table sur 3 000 à 4 000 euros par client, soit dans les mêmes ordres de grandeur que ADP, à 2 600 euros pour 30 utilisateurs.
On ne parle là que d'importation. L'exportation des informations serait également facturée. Oui, malgré le fait qu'elles appartiennent légalement aux distributeurs ! "Des clients ont eu à payer leur sortie, entre 4 000 et 5 000 euros", confie un éditeur qui, en toute honnêteté, recommande aux concessionnaires de négocier leur clause de départ dès la signature.
Internationaliser pour rentabiliser
Sortir des frontières hexagonales est une chose aisée pour des groupes internationaux, moins pour d'autres qui se concentrent sur le marché domestique et misent alors sur les services. "Il y a encore beaucoup de choses à faire ici", relèvent Alain Falck, et Georges Fontaine. Preuves en sont les projets de ce dernier. Il a signé une prise de participation dans un éditeur alsacien en vue de d'améliorer sa qualité de service par la proximité. "Nous voulons montrer à Volkswagen que nous sommes sereins", souligne-t-il. Une réponse à la prochaine entrée de Datafirst dans la liste des partenaires du constructeur allemand.
A l'international, on retrouvera donc ADP. L'éditeur s'était ouvert les portes de l'Est avec le rachat d'Automaster et se déploie plus concrètement en Chine, "où il y a une grosse demande", au Brésil, "où les réseaux se mettent en place" et en Russie, "où les importateurs gagnent en professionnalisme", analyse Albert Gabay.
Et Robert Sguerzi de juger enfin l'opportunité que représente une implantation sur les marchés émergents : "Pour l'éditeur, ce sont des investissements importants car l'impact de législations changeantes est des plus conséquent et ce sont aussi des clients bien plus exigeants que dans les pays dits industrialisés. D'autant plus que l'investissement est très important au vu de leur masse salariale et le retour sur investissement est donc scrupuleusement analysé par des distributeurs entrepreneurs".
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