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Constructeurs

Evolution, migration et émigration

Publié le 7 mai 2010

Par Gredy Raffin
12 min de lecture
L'informatique en concession a vu ses enjeux évoluer. Il faut désormais fournir des outils de suivi, des tableaux de bord. Les concessionnaires font pression en ce sens et les constructeurs également. Au centre de cette relation...
...tripartite, les éditeurs activent leur centre de R&D. Derrière, pour rentabiliser, on s'internationalise et on développe du service.

Demandez aux éditeurs les raisons pour lesquelles, à l'image des constructeurs, des équipementiers ou encore des fabricants d'électronique, ils ne s'unissent en association. Un groupe de travail qui se réunirait pour échanger et faire évoluer leur métier. Les réponses seront alors diverses et variées mais parviendront à la même conclusion : le monde du DMS, où le nombre d'acteurs se restreint, est un milieu trop concurrentiel. "De toutes les manières cela ne peut être fait à notre initiative, jugent certains, cette responsabilité appartient aux constructeurs". Mais pour Patrick Lautard, de Micrauto, comme pour Sage la finalité d'un tel projet est évidente : "Les clients ne doivent pas être victimes des rivalités de leur fournisseur, il nous faut trouver un accord". Pour rappel, Datafirst avait initié un tel projet en Italie, sans décrocher un réel succès à la clé. En attendant, le secret prévaut et cette confidentialité protège jusqu'aux positions sur le marché.

Qu'importe, si ce n'est que pour les chiffres, ils sont maintenant connus de tous. Sur le grand échiquier composé des groupes de distribution, de leurs agents et des réparateurs agréés et indépendants, le nombre de cases conquises par chacun des éditeurs n'évolue que très peu. Quelques "petits", trop souvent décriés, font néanmoins étalage de leur réelle compétence et progressent aux dépens des plus importants. C'est un marché saturé, on se bat pour une concession, on en perd une autre et à la fin le bilan reste pour ainsi dire le même. La bataille stratégique s'est déplacée sur un autre terrain. En 2010, les enjeux ne se portent plus sur un portefeuille d'utilisateurs. Certes, il est toujours apprécié de compter quelques références de choix sur sa plaquette, mais désormais on étoffe surtout l'offre de services. On nous prédisait que la fin de la guerre technologique laisserait libre champ à la phase "d'éducation". Etait-ce enterrer un peu prématurément les projets des constructeurs et de leurs distributeurs ?

En effet, si les DMS ont atteint des sommets, les outils de relation client ont encore de belles heures à vivre. Le meilleur est à venir, serait-on tenté de dire, tant on a l'impression qu'ils ne bénéficient que seulement maintenant des ressources nécessaires. Dans les mois et années à venir, toute la filière automobile verra naître des projets. Parfois, ils seront d'envergure mondiale, à l'instar de Volvo. D'autres fois, ils auront un impact local, comme chez Honda Cavallari, à Cannes. "Si on observe ce qui se fait par ailleurs, on voit que la relation client informatisée a 15 ans de retard dans l'automobile, en France tout du moins", reconnaît Georges Fontaine, directeur de Eris Informatique. La raison première de ce décalage : "Les éditeurs prétendent avoir bâti leur DMS autour d'un noyau CRM depuis des années, or cela est faux. La mission initiale d'un système d'information est de traiter la facturation. La gestion de la relation client n'est qu'un module dont on se préoccupe en réponse à la demande", poursuit-il.

"Vif succès" pour la gestion de contacts

"En 2009, les investissements des distributeurs se sont ralentis, dans le domaine de l'informatique", résume Hubert Gervais, directeur de Carya Group. Un fait qui ne l'a pas empêché de réaliser cependant une "très bonne année". Tout comme ses confrères, d'ailleurs. Chez Sage, par exemple, où l'activité est en "phase de consolidation", selon les termes du responsable produit, Didier Taormina, on voit une tendance se confirmer mois après mois : celle de la demande croissante en outils CRM. Encore et toujours. Comme si les DMS ne servaient plus qu'à cette seule fonction. L'éditeur généraliste, EBP, dresse un bilan similaire de la situation auprès des petits réparateurs qui peu à peu entrent dans des groupements. Et Nathalie Keller, chef de produits Automobile d'EBP d'expliquer : "Il y a une nécessité de s'informatiser pour qu'au-delà de la facturation, ils puissent suivre la relation client, le marketing ou la gestion de stock au travers de tableaux de bord. La gestion de contacts rencontre un vif succès".

Alors afin d'apporter une réponse concrète à leurs clients, tous font évoluer leurs modules. EBP n'échappe pas à la règle. Après une première version introduite sur le marché en octobre 2009, l'éditeur a effectué une mise à jour, le 30 avril dernier. Dans le lot d'innovations qu'elle confère, on retrouve une fonctionnalité de pré-contrôle technique pour le personnel de l'atelier, un outil de chiffrage Auto Data, un module de gestion d'acompte pour les VN et VO et des graphiques visuels pour les statistiques du poste atelier. "Nous gérons maintenant la création d'alerte technique pour mener des actions à l'après-vente", ajoute Nathalie Keller. Une version commercialisée 359 euros, mais qui bénéficiera d'une offre promotionnelle de lancement à 287 euros, jusqu'au 30 juin. Cette mise à jour du produit s'inscrit dans la stratégie d'EBP qui souhaite là fidéliser un peu plus ses clients. L'éditeur en compte 6 000 sur le territoire, répartis à part égale entre carrossiers et mécaniciens, et le taux de téléchargement des mises à jour est d'environ 25 %. Au rayon de ce qui n'a pas eu l'effet escompté en 2009, Nathalie Keller reconnaît la contre-performance de son outil lié au SIV. "Nous pensions que nous dynamiserions le marché, mais le ressenti n'est pas là". Force est d'admettre que le retard à l'allumage de l'application de la loi a joué en sa défaveur.

Le Vulcain nouveau, attendu pour septembre

Les acteurs de proximité, telle est aussi la cible principale de Vulcain, le produit de Fiducial. Les Lyonnais n'ont pas bougé d'un iota dans leur approche du marché et font le gros de leur activité sur le segment R2, sans pour autant omettre les R1 et R3. "Notre objectif est de gagner des parts auprès des agents et travailler le référencement de notre produit chez les réseaux indépendants", confirme Alain Falck, le président de Fiducial. Ces entreprises sont généralement des PME avec, par définition, peu de salariés et une culture marketing toute relative. "Nous sommes des accélérateurs de création de valeur, nous devons pousser à la fidélisation des clients en proposant des choses autour du traitement de la base de données". Chez Fiducial, on ne croit pas au "trop classique" mailing ayant pour objet le contrôle technique, il faut explorer d'autres pistes. L'éditeur mène une réflexion sur le rapprochement du carnet d'entretien électronique instauré par les constructeurs. Un projet qui devrait aboutir avant la fin de l'année, tout comme la mise à disposition de boîtes à outils marketing. En attendant, Vulcain sortira, en septembre, une version 5,6. Annoncée comme une révolution graphique, Alain Falck a augmenté de 20 à 25 % le budget nécessaire à sa création, rappelant que son produit recueille aujourd'hui un taux de recommandation de 95 % chez ses clients professionnels.

ADP : Ford et Fiat, les deux grands chantiers

Lors de sa première année pleine d'homologation chez PSA Peugeot Citroën, Autoline aura retenu l'attention de 45 sites du groupe. En outre, le produit d'ADP poursuit encore sa conquête chez Mercedes, où il équipe 100 % des succursales et plus de 50 % du réseau privé. Toyota, "qui a quelques hésitations" quant au logiciel à soutenir officiellement, reste une cible de choix pour Albert Gabay, le directeur de ventes. Il annonce 15 à 20 % de pénétration, mais note une très forte concurrence. Nombreux sont les prétendants à la porte du Japonais. Sinon, Ford et Fiat sont les grands chantiers en cours : "Nous collaborons dans quelques pays d'Europe avec Ford, qui nous donne son aval pour que nous développions une solution en France dont le pilotage débutera en 2010", révèle Albert Gabay. Quant à Fiat, la phase d'expérimentation lancée en février dernier en Italie débouchera sur une commercialisation dans l'Hexagone d'ici l'an prochain. L'enjeu étant de "migrer les clients historiques à l'échelle mondiale vers des solutions plus récentes", glisse Yves Saint-Viteux, le directeur marketing. L'autre enjeu de l'année 2010 pour ADP serait de faire connaître la solution d'hébergement en mode ASP associé à un tout nouveau logiciel. Ce sera un axe important car il sécurise le transfert comme le stockage des bases de données et que "les concessionnaires connaissent le prix de la donnée perdue", insiste Albert Gabay.

La migration de données, le business caché des éditeurs

Une réflexion qui ouvre le débat sur une problématique cruciale dans le milieu de l'informatique en concession, à savoir la migration de données. Un moment critique rencontré lorsque le distributeur décide de changer de fournisseur de DMS ou lors d'une reprise d'affaire. "Ce n'est pas compliqué, mais ce n'est pas simple", nuance Didier Taormina. Le responsable produit de Sage rappelle qu'il y a des différences naturelles entre les produits et qu'il ne s'agit pas d'opérer un banal "copier/coller". Les données factuelles (nom des clients, des fournisseurs…) sont faciles à transférer, à l'inverse de celles relatives aux métiers (factures, tarifs…). "Il y a deux catégories, détermine encore Didier Taormina, 70 % des entreprises peuvent récupérer l'intégralité des informations et 30 % ont un modèle de code qui pose problème". Pour comprendre : imaginons que dans une solution le code soit basé sur 12 caractères et que dans le logiciel de destination il en requiert 18. L'incompatibilité naît de l'usage de logiques différentes.

Non officiellement, chacun des acteurs a par conséquent établi un tableau de conversion de données après avoir percé le secret de l'encodage de son concurrent. Et de l'avis d'un d'entre eux, expérimenté sur le sujet, ICar, la solution de Sage serait justement "l'une des plus blindées". "Aujourd'hui on dispose d'outils performants", estime Herta Gavotto, responsable commercial et marketing d'Eris Informatique. "Mais on recommande aux clients de faire pression sur leur éditeur pour obtenir leur base de données sous forme d'un fichier extrait", réagit Hubert Gervais, de Carya Group. "Contractuellement ils peuvent mettre fin à leur location sans minimum de durée, et leurs données sont facilement accessibles dans une base de donnée standard Microsoft SQL", souligne Robert Sguerzi, directeur commercial de Datafirst. Petite parenthèse pour dire qu'on en revient au besoin d'établir un format standard pour le transfert et donc la nécessité de former un bureau commun pour y traiter toutes ces questions.

Sujet épineux, la migration semble maîtrisée par les techniciens. Elle leur demande cependant du temps de main-d'œuvre, entre l'extraction, les tests et l'importation définitive. Autant d'étapes obligatoires qui se payent au prix fort. "C'est à la hauteur du service rendu et des frais que cela implique", justifie Robert Sguerzi. "Un technicien en déplacement coûte en moyenne 200 euros de note de frais journalière. Rapporté à son temps effectif de travail, son taux horaire est inférieur à celui des compagnons en atelier", détaille le directeur général de Carya Group. N'empêche, les distributeurs reçoivent des notes salées. Dont ils n'ont pas conscience, la plupart du temps, du fait que ce coût se dissimule dans le contrat d'engagement.

Chez EBP, on botte en touche puisque le montant est laissé à la discrétion des distributeurs-installateurs partenaires. Didier Taormina, de Sage, indique une fourchette de 700 à 1 200 euros. 700 euros HT, c'est le montant moyen indiqué par Fiducial. Quant à Eris Informatique, Herta Gavotto évalue la prestation à 1 500 euros HT. Carya Group, démonstration des frais engendrés à l'appui, table sur 3 000 à 4 000 euros par client, soit dans les mêmes ordres de grandeur que ADP, à 2 600 euros pour 30 utilisateurs.

On ne parle là que d'importation. L'exportation des informations serait également facturée. Oui, malgré le fait qu'elles appartiennent légalement aux distributeurs ! "Des clients ont eu à payer leur sortie, entre 4 000 et 5 000 euros", confie un éditeur qui, en toute honnêteté, recommande aux concessionnaires de négocier leur clause de départ dès la signature.

Internationaliser pour rentabiliser

En parlant de migration, on peut aussi évoquer celle des éditeurs sous une autre nature. Ils s'exportent de plus en plus à la conquête des marchés en croissance, tel Micrauto dont les yeux sont rivés sur le Maghreb et les groupes de distributions qui s'y constituent. Une stratégie qui fait écho à une analyse pertinente de Robert Sguerzi : "Les coûts de développement de ces interfaces sont de l'ordre de plusieurs milliers de jours par constructeur. Ils ne peuvent être rentabilisés qu'à une échelle européenne. Nous travaillons donc pour internationaliser les développements faits au départ dans un pays." D'autant que pour mémoire, "les constructeurs n'accordent plus d'aides à l'investissement. Or cela coûte des millions", glisse Herta Gavotto.

Sortir des frontières hexagonales est une chose aisée pour des groupes internationaux, moins pour d'autres qui se concentrent sur le marché domestique et misent alors sur les services. "Il y a encore beaucoup de choses à faire ici", relèvent Alain Falck, et Georges Fontaine. Preuves en sont les projets de ce dernier. Il a signé une prise de participation dans un éditeur alsacien en vue de d'améliorer sa qualité de service par la proximité. "Nous voulons montrer à Volkswagen que nous sommes sereins", souligne-t-il. Une réponse à la prochaine entrée de Datafirst dans la liste des partenaires du constructeur allemand.

A l'international, on retrouvera donc ADP. L'éditeur s'était ouvert les portes de l'Est avec le rachat d'Automaster et se déploie plus concrètement en Chine, "où il y a une grosse demande", au Brésil, "où les réseaux se mettent en place" et en Russie, "où les importateurs gagnent en professionnalisme", analyse Albert Gabay.

Et Robert Sguerzi de juger enfin l'opportunité que représente une implantation sur les marchés émergents : "Pour l'éditeur, ce sont des investissements importants car l'impact de législations changeantes est des plus conséquent et ce sont aussi des clients bien plus exigeants que dans les pays dits industrialisés. D'autant plus que l'investissement est très important au vu de leur masse salariale et le retour sur investissement est donc scrupuleusement analysé par des distributeurs entrepreneurs".

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