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Constructeurs

Entretien avec Kevin Gaskell, président-directeur général EurotaxGlass’s International AG : "Notre politique de développement repose sur les valeurs futures et les valeurs de marché européennes".

Publié le 19 novembre 2004

Par Tanguy Merrien
11 min de lecture
Sans données chiffrées, sans informations marché, aucune entreprise automobile ne peut aujourd'hui se projeter dans l'avenir. Les frontières s'estompent tandis que les estimations doivent de plus en plus ressembler à des certitudes. C'est là le créneau choisi par EurotaxGlass's, résultante de la...
Sans données chiffrées, sans informations marché, aucune entreprise automobile ne peut aujourd'hui se projeter dans l'avenir. Les frontières s'estompent tandis que les estimations doivent de plus en plus ressembler à des certitudes. C'est là le créneau choisi par EurotaxGlass's, résultante de la...

...fusion des sociétés Eurotax AG et Glass's Information Services. Une entreprise dédiée à la fourniture et au traitement "intelligent" d'informations sur l'automobile et ses composants dans toute l'Europe.


Journal de l'Automobile.Comment EurotaxGlass's est-il né ?
Kevin Gaskell. La société EurotaxGlass's est issue de la fusion en l'an 2000 de deux entreprises qui, historiquement, avaient pour activité principale la fourniture de valeurs de marché d'occasion. Dans les années 30, William Glass publiait sa première cote d'occasion au Royaume-Uni et, quelque vingt ans après, Hanns W. Schwacke faisait de même en Allemagne. Les deux entités ont poursuivi leur chemin à travers l'Europe jusqu'à leur rencontre en 2000. Ceci explique d'ailleurs pourquoi nous sommes implantés en Australie, un héritage du Common Wealth.


JA. Quelle est la représentation géographique du groupe ?
KG. EurotaxGlass's couvre 28 pays, de l'Irlande à la Russie, et bien sûr l'Australie. Dès 1960, Hann's W. Schwacke a exporté son savoir-faire et a créé des filiales en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche… et des bureaux que nous avons rachetés par la suite, comme en Slovaquie ou en République tchèque. A la même période, Glass's lançait de nouvelles éditions de cotes d'occasion sur les véhicules et les motos au Royaume-Uni et en Australie. A la fin des années 80, Glass's a acquis les Editions Professionnelles Glass's (EPG), sa représentation française. L'ensemble est devenu leader dans sa partie en Europe.


JA. Comment votre activité a-t-elle évolué ?
KG. Nous fournissions de manière régulière des cotes de voitures d'occasion. Naturellement, on nous a demandés d'autres données par modèle/ type, comme l'historique des prix, les données techniques, le poids, la consommation… les données consommateurs etc., jusqu'au point le plus important qui est la liaison de ces informations entre elles, "the International Linking". Chaque voiture que nous "créons" dans un pays EurotaxGlass's est affectée d'un code, et toutes les données sont regroupées à Freienbach, en Suisse. Les véhicules sont liés entre eux, ce qui nous permet d'établir tous les comparatifs souhaités et, à tous les niveaux, les prix, les valeurs futures, les équipements, les temps de réparations… Ce qui me manquait le plus lorsque je travaillais pour les constructeurs automobiles, c'était de pouvoir comparer, de bénéficier de ces informations. On s'aperçoit vite qu'on ne sait pas ce qu'on vend dans un pays.


JA. Quelle a été votre démarche ?
KG. Des clients nous ont demandé des données seules et d'autres de "l'intelligence", au sens anglais du terme, à savoir le retraitement des informations au travers d'outils ou d'études. En fait, en recevant des informations, des cotes, le client finit par se demander comment interpréter toutes ces données, comment les analyser. Nous avons donc créé une structure, une "business intelligence unit", qui va analyser les données, établir des rapports, réaliser des études pour nos clients, principalement des constructeurs, des loueurs ou des assureurs.


JA. Comment procédez-vous ?
KG. Nous partons des informations que nos éditeurs ont collectées, auxquelles nous affectons des calculateurs, des process de traitement qui s'appliquent à tous les domaines (valeurs d'occasion, valeurs du futur, temps compensés…). Le résultat se traduit en termes de composants, c'est-à-dire des ensembles de données plus un calculateur (ou un process de traitement d'organisation). Les composants peuvent être modulaires ou pris séparément en fonction de la demande qui est formulée. Notre "plus" est d'apporter l'intelligence, le retraitement des informations : nous n'amenons pas seulement de la donnée, mais des solutions, de la facilité, de la valeur ajoutée. Des solutions que nous réalisons sur mesure et qui sont très souples d'utilisation pour nos clients.


JA. Quelle est votre typologie de clientèle ?
KG. Le panel de nos clients s'est diversifié avec le développement de nos activités. Historiquement, ceux qui consultaient nos valeurs de marché étaient les réparateurs, les garages et les concessionnaires. Avec l'arrivée de notre offre en outils de chiffrage spécifiques, les carrossiers sont devenus importants dans notre clientèle. Et de plus en plus, maintenant, ce sont les constructeurs, les équipementiers, les loueurs ou les assureurs qui sont demandeurs de nos produits d'analyse et de nos valeurs résiduelles.


JA. A quel niveau intervenez-vous auprès du constructeur ?
KG. Nous intervenons à plusieurs niveaux et souvent avant même que le véhicule ne soit mis en production. En effet, la plupart des constructeurs sont focalisés sur le véhicule neuf et sa valeur sur le marché du neuf. En revanche, ils ont plus de difficulté à intégrer la valeur du futur VO qu'ils lancent. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'on fait un très bon véhicule neuf qu'on fait un bon véhicule d'occasion. C'est pourquoi, lorsqu'un constructeur est sur le point de mettre sur le marché un véhicule, il nous consulte pour déterminer sa valeur future à partir de l'expertise que nous avons sur ce marché, sur les valeurs futures en termes d'équipements, d'options, le niveau de prix, la segmentation du véhicule… La valeur future du véhicule se détermine en fonction de l'utilité, de la solidité, de la réponse à l'attente du client que nous connaissons bien parce que nous traitons du VO toute la journée ! Donnons un exemple : pour un véhicule neuf, vous pouvez avoir beaucoup d'options qui, sur un véhicule d'occasion, se déprécieront très vite. Nous conseillerons alors au constructeur de les mettre en base. Quand on réduit la dépréciation d'un véhicule, on peut par exemple gagner 25 euros par voiture ; sur 200 000 voitures, ça fait tout de suite des sommes qui sont énormes et les recettes pour gagner 25 euros par véhicule existent aujourd'hui.


JA.En quelque sorte, vous minimisez les risques financiers lors de la revente.
KG. C'est vrai pour les constructeurs et ça l'est d'autant plus pour les loueurs, les flottes et les établissements financiers. C'est même devenu le deuxième axe très fort de développement d'EurotaxGlass's. En effet, les responsables de flotte ou les loueurs ne prennent pas de risques sur le véhicule neuf quand ils l'achètent, ils n'en prennent pas plus sur les taux. Le risque vient de la valeur future du véhicule. Comment va-t-il se revendre ? Que va-t-il se passer avec les véhicules low-cost comme la Logan, la 107 ou la Aygo ? Le marché est de plus en plus risqué et notre stratégie consiste à donner les informations pertinentes qui permettront à ces professionnels de diminuer ce risque. Le management du risque est maintenant l'un de nos fers de lance et nous disposons en plus de " l'operating cost", le coût total d'utilisation du véhicule, puisque nous avons l'ensemble du panel, les véhicules neufs, l'occasion et l'après-vente.


JA.Que proposez-vous dans le domaine de l'après-vente ?
KG. Nous proposons non seulement des outils de calcul de réparation, de chiffrage de remise en état, mais aussi, depuis trois ans, une plateforme de gestion des sinistres. Cette année, nous avons renouvelé le système de cette plateforme dont l'originalité réside dans le " tout électronique". Elle est accessible sur Internet et fonctionne avec un système central qui gère l'ensemble des éléments : le sinistre est créé dans une base de données, il est envoyé directement par Internet à un expert, à un garage, à une compagnie d'assurances, et l'ensemble des acteurs se rejoignent sur Internet. Cela permet un suivi en temps réel par tous les acteurs qui savent où en sont les autres. Dans le même temps, l'expert fait son estimation avec des outils intégrés, avec les prix des pièces, les temps intégrés, les temps de main-d'œuvre…


JA. Ce système est-il reconnu par les compagnies d'assurances ?
KG. Il ne l'est pas encore en France, mais il l'est en Hollande, en Autriche, en Suisse, en Pologne, en Slovénie… Pour information, dans certains pays, 40 % des acheteurs de véhicules vont d'abord sur notre site Web avant de se décider. Ils nous demandent aussi souvent une évaluation sur leur propre véhicule.


JA. Plusieurs sociétés proposent des prestations concurrentes ; quelle serait votre valeur ajoutée ?
KG. Nous avons des concurrents dans tous les pays, mais seulement sur des parties de notre activité. Ce qui est important chez nous, c'est que nous apportons d'une part une réponse globale - ce que, à ma connaissance, personne ne fait en Europe - et que, d'autre part, nous couvrons toute l'Europe. Le fait de proposer un référentiel unique qui est valable pour toutes les données nous permet d'avoir des liens qui sont parfaits. Pour exemple, nous avons des groupements d'assureurs qui utilisent nos données pour leur site Internet, pour l'évaluation, et qui entrent à l'intérieur des systèmes pour contrôler les valeurs de remboursement en plus du prix des pièces de rechange et des barèmes de temps, mais aussi pour contrôler les factures délivrées par les garages. Tout cela dans un seul et même système.


JA. En quoi vos cotations sont-elles différentes de celles qu'on peut trouver sur le marché ?
KG. Nous avons une philosophie totalement différente. Lorsque nous parlons de valeurs de marchés, il s'agit des valeurs observées, des observations de marché, et non des valeurs théoriques. Ce ne sont pas, par exemple, des valeurs discutées avec le constructeur. Le vendeur veut toujours les prix les plus élevés et l'acheteur les prix les plus bas ! J'insiste sur le fait que nous observons la même méthodologie dans tous les pays, ce qui fait que nos clients peuvent facilement comparer les informations, en toute neutralité.


JA. Quelle est votre méthode pour récolter toutes ces informations ?
KG. Nous avons 150 éditeurs. C'est le nom que nous donnons aux personnes qui collectent les informations sur le terrain pour relever des prix, sur Internet, auprès des constructeurs, des fabricants, des journaux, des enchères, des loueurs, auprès de tous les acteurs en fait. Nous croisons les données achats et ventes selon des règles très précises, des process qui doivent être respectés par tous nos collaborateurs.


JA. Que peuvent attendre d'EurotaxGlass's les groupes de concessionnaires ?
KG. Ce qu'ils recherchent avant tout, c'est augmenter leur productivité. Donc, ce qu'ils attendent de nous principalement, c'est notre capacité à collecter des informations en multimarque, à globaliser l'ensemble de ces informations, à additionner les valeurs du marché qui vont donner une vraie valeur d'information du terrain.


JA. Si je suis concessionnaire et souhaite prendre un autre panneau, est-ce que je peux vous contacter pour faire le bon choix, eu égard aux valeurs du futur que vous proposez ?
KG. Pas seulement en matière de voitures, mais aussi en pièces de rechange. Dans la compétition qui se dessine entre pièces constructeurs et pièces équivalentes, les constructeurs comme les distributeurs ont besoin d'informations dans ce domaine parce que c'est un secteur qui génère 30 à 40 % de marge pour les uns comme pour les autres. On peut dire que, dans tous les domaines, nous avons des informations qui permettent de faire un bon choix.


JA. Comment vous positionnez-vous en France ?
KG. En France, nous travaillons essentiellement avec des grands comptes, les constructeurs, les loueurs. Et nous allons travailler notre référencement. Notre business a grossi fortement grâce à notre politique de développement sur les valeurs futures et les valeurs de marché européennes. En clair, nous pouvons comparer un véhicule dans toutes ses composantes sur un marché ou étudier sur un marché défini plusieurs véhicules concurrents.


JA. Quels sont vos objectifs pour la France ?
KG. Nous souhaitons accroître nos parts de marché parce que nous sommes encore très petits sur la France, alors que nous sommes une marque leader au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Suisse, en Italie, au Portugal ou en Pologne. Nous avons beaucoup de relations avec les grands acteurs européens comme BMW, Mercedes, Peugeot, Citroën, Renault, Nissan, ALD Automotive, Arval, etc. A nous de continuer de renforcer notre présence en France.


Propos recueillis par Hervé Daigueperce


 





Curriculum vitae

Nom : Gaskell
Prénom : Kevin
Age : 45 ans

Dès 1987, Kevin Gaskell, ingénieur et titulaire d'un MBA, commence sa carrière dans l'automobile en entrant chez Porsche Cars Britain Ltd. Il en devient le directeur général en 1992, à 33 ans, et y adjoint la direction générale de Lamborghini GB Ltd en 1995. Cet ancien international de cricket ne s'arrête pas là et rejoint BMW Limited GB comme directeur général. Après des résultats époustouflants - en 1999, BMW GB dépasse les 70 000 voitures et un CA combiné de plus d'1,5 milliard de livres - il devient en 2000 président Europe de CarsDirect.com. Depuis avril 2002, il préside aux destinées d'EurotaxGlass's.

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